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Mustapha, pénétrèrent en Allemagne, et, après avoir renversé tous les obstacles, vinrent mettre le siége devant Vienne. L'empereur Léopold avait pris la fuite avec sa famille, et s'était retiré dans Passau, laissant au comte de Staremberg, gouverneur de sa capitale, le soin de la défendre. Malgré le courage et les talens de ce gouverneur, la valeur de la garnison et le dévouement des habitans, Vienne fut bientôt réduite aux dernières extrémités. L'Allemagne, et peut-être une partie plus considérable de l'Europe, aurait eu le sort de l'empire des Grecs, si la capitale de la monarchie autrichienne fût tombée au pouvoir des Ottomans. En effet les princes chrétiens étaient divisés entre eux, chacun eût vu avec joie les états de son rival devenir la proie des barbares. Sobieski, qui était trop grand pour connaître l'envie, fut fidèle à son alliance avec Léopold. Il vint sur le Danube combattre de nouveau la puissance ottomane. A l'armée de Sobieski se joignirent plusieurs princes allemands qui amenaient des troupes pour la défense de Vienne, entre autres le duc Charles de Lorraine, l'électeur de Saxe Jean George III, l'électeur de Bavière Maximilien-Emmanuel, et le prince de Waldeck. Chose étrange! la maison d'Autriche, unie par les liens du sang à tous les souverains de l'Europe; la mai

son d'Autriche, qui avait secouru de grandes puissances contre leurs ennemis, était abandonnée par toutes; et c'étaient l'électeur de Bavière, l'électeur de Saxe, le prince de Waldeck, ces princes qu'elle avait si souvent opprimés, qui venaient verser leur sang pour sa défense!

Les princes allemands se rendirent auprès du roi, et lui marquèrent quelque inquiétude sur l'issue de la bataille qui se préparait. «Pensez, >> leur dit Sobieski, au général que vous avez à >> combattre, et non à la multitude qu'il com» mande. Depuis notre arrivée il a fait des fau>> tes graves: cet homme est sans capacité ».

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Il fit alors défiler devant eux l'armée de la république. La cavalerie se faisait admirer par les chevaux, l'habillement et la bonne mine. Mais l'infanterie était mal vêtue; il y avait surtout un bataillon dont le dénuement était plus remarquable que celui des autres. Le prince Lubomirski conseillait au roi, pour l'honneur de la nation, de ne pas faire défiler ce corps devant les alliés: Sobieski rejeta l'avis du prince. Au moment où ce bataillon passa devant eux, il dit: « Regardez-le bien; c'est une troupe invincible » qui a fait le serment de ne jamais porter, en » temps de guerre, d'autres habits que ceux de » l'ennemi; dans la dernière guerre, ils étaient >> tous habillés à la turque ».

Tandis que l'armée chrétienne se réunissait, Vienne était aux abois. Le comte de Staremberg parvint à faire remettrre au duc de Lorraine, général de l'armée impériale, un billet qui ne contenait que ces mots : Plus de temps à per dre, monseigneur, plus de temps à perdre!

Le visir, livré à la mollesse et plein de cette folle présomption qui a perdu tant d'armées, ne pensait pas qu'une poignée de chrétiens pût a voir l'audace d'attaquer deux cent mille hommes qu'il commandait. Il avait assis son camp dans une mauvaise position, et se contentait de faire presser le siége par ses lieutenans. Les ja nissaires, plus expérimentés que lui, voyaient le danger et prévoyaient les suites de l'impéritie de leur général.

Sobieski, après avoir examiné les dispositions du visir, dit aux généraux allemands: Cet hom me est un ignorant; il est mal campé: nousk

battrons.

Tout fut enfin préparé pour une bataille. Le roi de Pologne rédigea et remit à chacun des généraux le plan de l'attaque. Il était ainsi conçu:

« Le corps de bataille sera composé des trou >> pes impériales, auxquelles nous joindrons le » régiment de cavalerie du maréchal, de la cour, >> le chevalier Lubomirski, et quatre ou cinq es »` cadrons de nos gendarmes, à la place desquels

>> on nous donnera des dragons ou quelques au»tres troupes allemandes. Ce corps sera com>> mandé par monsieur le duc de Lorraine.

» L'armée polonaise occupera l'aile droite, » qui sera commandée par le grand-général, Ja» blonowshi, et les autres généraux de cette na» tion.

» Les troupes de messieurs les électeurs de » Bavière et de Saxe seront à l'aile gauche, aux>> quelles nous donnerons aussi quelques esca>> drons de nos gendarmes et de notre autre ca» valerie polonaise, à la place desquels ils nous >> donneront des dragons et de l'infanterie.

>> Les canons seront partagés, et, en cas que >> messieurs les électeurs n'en aient pas assez, >> monsieur le duc de Lorraine leur en fournira. >> Cette aile sera composée par messieurs les >> électeurs.

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>> Les troupes des cercles de l'empire s'éten>> dront le long du Danube avec l'aile gauche, » en se rabattant un peu sur leur droite; et cela >> par deux raisons: la première, pour inquiéter » les ennemis, dans la crainte d'être chargés en » flane; et la seconde, pour être à portée de je>> ter un secours dans la ville, en cas que nous » ne puissions pas pousser les ennemis aussitôt » que nous l'espérons. Monsieur le prince de » Valdeck commandera ce corps.

>> La première ligne ne sera que d'infanterie >> avec des canons, suivie de près par une ligne >> de cavalerie. Si ces deux lignes étaient mêlées, » elles s'embarrasseraient sans doute dans les » passages des défilés, bois et montagnes. Mais, >> aussitôt qu'on sera entré dans la plaine, la ca>> valerie prendra ses postes dans les intervalles >> des bataillons, qui seront ménagés à cet effet, » et surtout nos gendarmes qui chargeront les >> premiers.

>> Si nous mettons toutes nos armées en trois >> lignes seulement, cela nous prendra plus d'u>> ne lieue et demie d'Allemagne, ce qui ne se>> rait pas à notre avantage; et il faudrait passer » la petite rivière de Vien, qui doit nous de» meurer à notre aile droite. C'est pourquoi il >> faut faire quatre lignes, et cette quatrième >> servira de corps de réserve.

>> Pour une plus grande sûreté de l'infanterie, >> contre le premier effort de la cavalerie turque, >> qui est toujours fort vif, on se pourrait fort >> bien servir de spanchéraistres ou chevaux» de frise, mais fort légers pour les porter » commodément, et à chaque halte les jeter à la » tête des bataillons.

>> Je prie tous messieurs les généraux, qu'à >> mesure que les armées seront descendues de >> la dernière montagne, en entrant dans la plai

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