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CHAPITRE DOUZIÈME.

JEAN SOBIESKI.

LA mort de Michel fit renaître les espérances de la plupart des candidats qui s'étaient présentés à la dernière élection. A ces candidats s'en joignirent de nouveaux. Les prétendans furent le grand-duc de Russie, l'électeur de Brandebourg, le prince de Transylvanie, le prince George de Danemarck, le prince Thomas de Savoie, le duc de Neubourg, et le prince Charles de Lorraine; Sobieski et son parti se déclarèrent pour le prince de Conde.

Tous ces candidats appuyaient leurs préten tions par des promesses plus ou moins brilJantes.

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Le tzar, malgré qu'il eût échoué pour son fils aîné à la dernière election, offrait son second fils aux Polonais. Cette nouvelle proposition était faite dans des termes plus conformes à la dignité de la république; mais personne ne pouvait croire à la sincérité des démonstrations amicales du tzar.

L'électeur de Brandebourg proposait le prince électoral, son fils, et promettait que ce jeune prince embrasserait la communion romaine, s'il était choisi.

Le waivode ou prince de Transylvanie, Michel Abassi, avec l'offre de quinze millions, faisait celle d'unir à perpétuité sa principauté à la couronne, et d'entretenir à ses frais une armée de quinze mille hommes, tant que durerait la guerre avec la Porte. Mais le waivode n'était pas assez puissant pour exécuter tout ce qu'il promettait.

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Le prince George de Danemarck, soutenu par le roi de Danemarck, son frère, offrait trois millions, et promettait d'entretenir six mille hommes de cavalerie. Ce prince fut écarté par les intrigues du cabinet de Stockholm....

Le prince Thomas de Savoie offrait, sous la garantie du duc de Savoie, son oncle, deux millions pour solder les troupes de la république, et un secours de cinq mille hommes d'infanterie jusqu'à la conclusion de la paix avec les Turcs. Il promettait en outre d'appliquer aux besoins de l'état le produit de la vente des immenses possessions qu'il avait en Savoie, et qu'on estimait à neuf millions de florins.

Les plus puissans des prétendans étaient le duc de Neubourg et le prince Charles de Lorraine. Le premier de ces deux princes sollicitait. en faveur de son fils aîné, et offrait en même temps un roi à la Pologne et un mari à la reine Éléonore. Un grand nombre de Polonais penchait en faveur du jeune duc; mais il trouva un redoutable compétiteur dans le prince Charles de Lorraine, que la reine aimait. Cette princesse engagea ses diamans pour acheter des voix au prince Lorrain. Son mérite personnel, les intrigues de la reine et l'appui de la cour de Vienne lui créèrent un parti nombreux et puissant. Dans ce parti l'on remarquait le primat inter-roi, Florian Czartoriski, les deux Paç, le premier, grand-général, et le second, grand-ckancelier de Lithuanie.

La diète fut orageuse, chaque parti appuyait avec chaleur le prince qu'il portait au trône. Au milieu de ces discussions, le primat prit la parole. « Quand nous pensions à déposer le roi >> Michel, notre premier mouvement fut de des>> tiner notre couronne au prince Charles, en >> projetant son mariage avec la reine Éléonore. >> Ce que nous ne pouvions faire alors sans de >> violentes secousses, nous le pouvons à pré› sent par la liberté de nos suffrages et pour le >> bien de la patrie. Pourquoi changerions-nous d'avis? Dans tout autre arrangement nous n'a>>>vons rien à espérer de mieux; et nous aurions >> deux reines dont l'entretien chargerait la ré>> publique ».

Sobieski, que la faction autrichienne avait tenté indirectement d'empêcher de se mettre au nombre des candidats (*), parla en faveur du prince de Condé (**), qui n'avait fait aucune proposition, et ne s'était pas même déclaré prétendant. Il rappela tout ce qu'il avait dit du vainqueur de Rocroi lorsqu'il l'avait proposé à l'élection précédente.

La diète se prolongea encore quelque temps, sans que personne parlât en faveur du héros qui était le plus digne de porter la couronne, de Sobieski. Le parti du primat et des Paç aurait peut-être triomphé, et le prince Charles aurait été élu, si la mort ne fût venu frapper le primat inter-rot: il mourut pendant la session. Le parti du prince Charles fut affaibli et déconcerté

(*) En faisant dire par ses émissaires que l'épouse de Sobieski (Marie de La Grange d'Arquien), fille d'un simple gentilhomme français, n'était pas faite pour s'asseoir sur le trône, et en faisant donner l'exclusion à tout Piast, pour éviter, disait-on, les malheurs qu'on avait soufferts sous le règne du roi Michel. Nous nous abstenons de toute réflexion sur l'emploi de tels prétextes......

(**) Quelques historiens ont pensé que Sobieski n'avait tenté de faire un parti au prince de Condé, que pour entraver l'élection du prince de Lorraine et du duc de Neubourg.

par cette mort. L'assemblée flottait encore entre lui et le duc de Neubourg, lorsqu'un homme qui aimait sa patrie et le héros qui l'avait sauvée tant de fois, le palatin de Russie, Stanislas Jablonowski, entreprit de fixer les suffrages.

<< Si, pour nous donner un roi, dit-il, il ne » s'agissait que de se décider sur les apparences, >> il serait à peu près égal de choisir le prince >> de Lorraine ou celui de Neubourg : l'un et >> l'autre montrent des fleurs; mais ce sont des >> fruits qu'il nous faut; et, sous ce point de vue, >> je donnerais mon suffrage au grand Condé, si >> des fruits trop mûrs ne touchaient à la cor>> ruption. Je méprise, comme vous, ce libelle >> infâme qui tenta de le noircir dans la dernière >> election. Je ne m'attache qu'à des objets frap>> pans. Sobieski, en nous le présentant, ne re>> garde que ses qualites héroïques; mais moi je >> jette les yeux sur son âge, ses infirmités et ses >> habitudes. Il est accoutumé à un autre climat, >> à une autre façon de faire la guerre, à d'autres >> usages, à d'autres mœurs, à d'autres lois. Il >> ignore notre langue et notre liberté. Il ne con>> naît que le gouvernement arbitraire sous lequel >> il a vieilli. Est-il temps, sous des cheveux qui >> blanchissent et dans l'épuisement qui le me>> nace, de se faire un nouveau corps et une nou>> velle âme? Sa vie sera usée avant qu'il ait ap

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