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>> de potentats s'intéressent à lui, pour qu'il ne >> nous en coûte pas quelque chose. La Suède et >> le Brandebourg nous touchent de près. On >> nous offre un roi; mais qu'on nous cite ce » qu'il a fait dans la guerre ou dans la paix, pour >>> la gloire ou le bonheur de ses sujets. Tout ce » qu'on sait, c'est qu'il est père d'une famille >> nombreuse: deux de ses fils sont destinés au >> sacerdoce; pour qui seront nos meilleures abbayes, nos plus riches évêchés, si ce n'est >> pour eux? Et ses filles! quel fardeau pour l'é>>> tat! Si ce vieillard recherche notre couronne, >>> c'est moins pour lui, n'en doutons pas, que >> pour sa postérité qu'il veut élever sur le trône. >> Livrés pour toujours à la dureté d'une nation > hautaine, nous verrons la cour et les grandes >> places se remplir d'Allemands et d'Alleman>> des, qui nous vanteront sans cesse leur nais-> sance, qui nous braveront, nous et nos fem» mes, nous les enfans des Sarmates, qui tant >> de fois ont fait trembler la Germanie.

>> La fortune nous offre un autre prince bien >> différent de celui-là; il sort d'une nation mo>> deste, et il l'est lui-même; fier seulement à la >> tête d'une armée. Les Lorrains, en petit nom» bre, s'il en amène, se croiront trop heureux >> de marcher nos égaux. Sans brigue, sans re>> muer l'Europe pour s'élever, il ne veut devoir >> notre sceptre qu'à nos suffrages; son âge, sa >> taille, sa force, ses vertus, ses actions qui l'ont » déjà illustré, tout nous présage un règne long » et heureux. Ses enfans, s'ils doivent lui suc>> céder, naîtront Polonais, et de telle mère qui >> nous platra ».

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La discussion s'échauffait et déjà quelques coups de pistolet avaient été tirés de part et d'autre, lorsque Sobieski, qui comme grandmaréchal de Pologne et qui en qualité de grand-général avait l'armée à sa disposition, menaça les factieux de quelque parti qu'ils fussent d'en faire justice, et parvint à les contenir.

Opaliniski, palatin de Kalisch, profita du cal me pour se faire entendre : « A quoi pensons >> nous, dit-il, de vouloir nous égorger pour des >> princes que nous n'avons jamais vus, et qui >> peut-être nous frapperont de leur sceptre? Nos >> ancêtres étaient plus sages: la nation, à peine >> formée, se trouva divisée, comme elle l'est au>> jourd'hui, entre plusieurs prétendans étran>> gers; les malheurs dont on était menacé ra>> menèrent la raison.

>> Un originaire polonais, Piast, fut choisi; et >> cet homme sans fortune, sans naissance, gou>> verna si sagement qu'aujourd'hui encore tout >> Polonais se nomme Piast par honneur et par >> reconnaissance. Laissons le duc de Neubourg >> gouverner sa nombreuse famille et son petit >> état. Que le prince de Lorraine emploie son >> argent pour rentrer dans le sien. Imitons nos >> ancêtres, élisons un Piast ».

Olsowki, évêque de Culm et vice-chancelier de Pologne, se lève et s'écrie avec enthousiasme: Vive le roi Michel! et ce cri est aussitôt répété par toute l'assemblée. On courut alors chercher Michel Koribut Wieçnowiecki, fils de Jérémie Koribut Wieçnowiecki, palatin de Russie, qui, après avoir joui d'une grande fortune en Ukraine, était mort, ruiné par les Cosaques, et descendant de Koribut, oncle du grand Jagellon. Michel fut proclamé roi, et c'est ainsi que fut terminée cette élection qui, sans la fermeté de Sobieski et la sagesse d'Opaliniski, aurait infailliblement livré la Pologne à toutes les horreurs de la guerre civile.

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CHAPITRE ONZIÈME.

MICHEL KORIBUT WIEÇNOWIECKI.

gou

PEU d'hommes étaient moins propres à verner que le roi que l'on venait d'élire (*). Il sentit lui-même son insuffisance : il était absent

du champ électoral; et, lorsqu'on vint le tirer d'un couvent de Varsovie dans lequel il était, pour le conduire au milieu de la diète, il se mit à pleurer, s'efforçant de faire entendre aux députés de la noblesse qu'il était incapable de remplir la tâche qu'on lui imposait. Il céda enfin, et se rendit en tremblant au milieu de ceux qui venaient de placer la couronne de Pologne sur sa tête.

Cette élection causa de vives inquiétudes aux Cosaques. Ils craignaient que le nouveau roi ne voulût tenter de recouvrer les domaines que ses ancêtres avaient possédés dans l'Ukraine, et qu'aux prétentions du monarque se joignissent celles de tous les seigneurs polonais qui, com

(*) Lorsque Casimir apprit cette élection, il s'écria : Quoi! ils ont couronné ce pauvre homme!

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me la maison de Koribut, avaient des réclamations à faire dans la même province. Les Cosaques demandèrent la remise de tous les titres de possession de ces domaines. Les Polonais rejetèrent cette demande, et bientôt on en vint aux mains. Sobieski, qui commandait en chef l'armée polonaise, fit tous ses efforts pour épargner le sang des Cosaques même, qu'il regardait comme les sujets du roi de Pologne.

Sobieski parvint à jeter la division parmi les Cosaques en opposant deux de leurs chefs, et profitant avec toute son habileté du manque d'union qu'il avait fait naître dans l'armée ennemie, il fit rentrer sous la domination de la république les villes de Bar, de Nimirow, de de Kalnick, de Braclaw et tout le pays situé entre le Bog et le Niester. A l'occasion de ces succès le vice-chancelier écrivit au grand-général, au nom du roi et de la république : « On ne peut assez >> admirer votre courage et votre prudence dans >> cette expédition. Comment, avec une poignée » de soldats, avez-vous pu nous reconquérir >> tant de places, Braclaw surtout, qui seule vaut >> une victoire? Vous nous ouvrez toute l'Ukrai>> ne, et vous achèverez de nous la rendre. Vous > forcez l'envie même à convenir que la Polo➤ gne vous doit son salut ».

Sobieski, qui savait que les Cosaques avaient

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