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CHAPITRE SEPTIÈME.

SIGISMOND III.

LE prince Sigismond de Suède, fils de la sœur aînée de Casimir, et neveu de la reine veuve d'Étienne Bathori, fut proclamé roi de Pologne, le 9 août 1587, et prit le nom de Sigismond III.

Le crédit de la veuve du roi Étienne, l'influence duclergé dans la diète, et la valeur de Zamoiski, général qui s'était acquis une brillante réputation par ses talens politiques et militaires, placèrent et maintinrent la couronne de Pologne sur la tête du prince suédois. Il avait pour concurrens Théodore, tzar de Moscovie, et les trois princes de la maison d'Autriche, Ernest, Mathias et Maximilien. Ce dernier fut élu par une faction, et entra en Pologne à main armée pour faire confirmer son élection.

On a lieu de s'étonner, sans doute, de ce que Sigismond, héritier présomptif d'un trône héréditaire, ait brigué une couronne élective, qui lui était d'ailleurs disputée par des rivaux puissans. Cet étonnement diminuera cependant, si l'on observe que ce prince était ennemi de la religion dominante dans le royaume de son père, et regardait les Suédois comme des hérétiques. Il ne balança pas à immoler leurs intérêts au désir de régner sur un peuple catholique; et, pour être elu, il promit aux Polonais de réunir la Livonie aux domaines de la république.

Jean, roi de Suède, aurait ratifié toutes les honteuses cessions faites par son fils, sans l'opposition de son frère Charles, duc de Sudermanie, qui était alors adoré des Suédois.

Tandis qu'une faction puissante soutenait en Pologne le parti de Maximilien d'Autriche, les Suédois, dont Sigismond méconnaissait les droits, prenaient, dans une assemblée des états tenus à Stockholm, la généreuse mais impolitique résolution de prêter à Sigismond des forces pour assurer son élection au trône de Pologne; à condition, cependant, que les Polonais se désisteraient de toute prétention sur la Livonie.

Sigismond entra donc en Pologne avec une armée suédoise, à laquelle vinrent se joindre tous les partisans qu'il avait dans la république. Il parvint bientôt à soumettre ses ennemis. Maximilien, le plus puissant de tous, fut vaincu par l'armée du général Zamoiski. Le prince autrichien, poursuivi par les vainqueurs, s'enferma avec le reste de ses troupes dans la forteresse de Witzen, qui fut emportée d'assaut par les Polo

nais, qui le firent prisonnier. La maison d'Autriche implora la médiation du saint-siége; le pape envoya près de Sigismond le cardinal Aldobrandini, qu'il chargea d'offrir une rançon considérable pour Maximilien, et d'obtenir qu'il conserverait le titre de roi, même après avoir renoncé au trône. Le roi de Pologne rejeta ces propositions avec magnanimité; il rendit la liberté à son compétiteur, refusa sa rançon, et le contraignit à renoncer au titre dont il s'était revêtu.

Le traité qui venait d'être conclu entre Sigismond et Maximilien rendit pour un moment la paix à la Pologne; mais que ce moment fut court! Les Turcs et les Tatars attaquèrent la Pologne avec une armée de cent mille hommes, commandée par le kan des Tatars. Cette armée fut vaincue par Zamoiski, dont on trouve le nom partout où il y eut des périls à affronter et de la gloire à acquérir.

En 1594, Jean, roi de Suède, mourut, et Sigismond partit de Varsovie pour aller prendre possession du trône auquel le droit de sa naissance l'appelait. Il s'arrêta quelques jours à Dantzick, où il devait s'embarquer pour passer en Suède. Le séjour qu'il fit dans cette ville faillit lui être funeste : une rixe s'éleva entre un valet de sa suite et un portefaix; ce dernier, ayant été maltraité par son adversaire, ameuta ses compagnons pour se venger; bientôt toute la populace de Dantzick vint environner la maison que le roi occupait, et poussa l'audace jusqu'à tirer le canon contre cette maison. Sigismond fut cependant assez heureux pour échapper à ce danger.

Peu de temps après son arrivée en Suède, il fut couronné à Upsal. Après avoir confirmé les priviléges de la nation, il déclara son oncle, le duc Charles, régent du royaume. Il tenta de rétablir la religion catholique; mais le sénat insista pour sa proscription, et l'autorité du monarque fut forcée de céder aux vœux unanimes des Suédois. Sigismond, obligé de retourner en Pologne, laissa dans le royaume dont il venait de prendre possession, des germes de mécontentement qui se développèrent pendant son absence, et bientôt après lui arrachèrent la couronne de Suède.

A peine le roi fut-il parti, que le duc de Sudermanie s'empressa de mettre à exécution le plan qu'il avait formé de monter sur le trône à sa place : il se mit à la tête des Suédois que Sigismond avait aliénés par ses tentatives contre la religion protestante. En 1595, les états s'assemblèrent, et Charles parvint, à force d'adresse, à faire déclarer par cette assemblée qu'il était régent, non-seulement par le choix du roi, mais encore par le vœu de la nation. Le même acte portait que Sigismond ne pourrait, sous quelque prétexte que ce fût, priver son oncle de l'importante dignité dont il était revêtu.

Le roi prit les armes, marcha pour soumettre le régent, et perdit contre lui la bataille de Stegebord. La diète de Stockholm fut prise pour arbitre: elle adressa au monarque vaincu un exposé de ses griefs, et s'engageait à se soumettre à lui, s'il voulait venir résider en Suède, ou au moins y envoyer un de ses fils pour être élevé dans la religion luthérienne. Sigismond, ayant rejeté ces propositions, fut déclaré déchu de la souveraineté, et le régent proclamé roi de Suède. Le roi de Pologne demanda alors au sénat de Varsovie de lui procurer des forces qui pussent le mettre à même de soutenir ses prétentions; ce fut en vain; en Pologne, comme en Suède, de violens murmures s'élevaient contre l'administration de Sigismond; au lieu des secours qu'il demandait, il reçut des plaintes amères de la part de la noblesse. Peu de temps après, les nobles s'unirent contre le roi (*), et l'un d'entr'eux (le prince Radzivill) osa demander la convocation

(*) Cette confédération de la noblesse est remarquable en ce que c'est la première dont l'Histoire de Pologne fasse

mention.

(WILLIAMS, Histoire des Gouvernemens du Nord.)

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