plus humbles, les plus pressantes; ce fut envain qu'il le conjura de céder à l'empressement que ses sujets témoignaient de le revoir parmi eux ; qu'il lui représenta le triste état dans lequel il laissait la Pologne qui, sans monarque, allait être déchirée par les factions. Le comte fut congédié sans avoir obtenu autre chose que des promesses vagues de revenir, et celle d'envoyer des ministres sages et éclairés pour maintenir l'ordre pendant le temps que durerait l'absence du monarque. Le peuple furieux faillit massacrer tous les Français qui étaient en Pologne, les regardant comme les complices du départ de Henri. Henri fut accueilli à Vienne par l'empereur Maximilien, avec une grande magnificence. Il se livra quelque temps, à Venise, à tous les plaisirs que cette ville offrait alors. Il s'arrêta aussi à Turin: le duc de Savoie sut tirer parti du séjour que fit dans ses états le nouveau roi de France, en obtenant la cession à la Savoie de Pignerol et de quelques autres places qui étaient sous la domination de la France. Charles de Dannezai, que Henri avait laissé à Varsovie pour exposer les causes de son départ précipité, adressa au sénat un discours dans lequel il développa avec beaucoup d'éloquence les motifs du départ de son maître : le roi écrivit au primat sur le même sujet; mais toutes ces démarches ne satisfirent pas les Polonais, dont l'orgueil était cruellement blessé. Ils reprochèrent vivement au prince son indifférence pour un peuple qui lui avait témoigné tant d'estime et d'attachement, et convaincus enfin que Henri les avait abandonnés, ils résolurent de procéder au choix d'un nouveau monarque. CHAPITRE SIXIÈME. ÉTIENNE BATHORI. L'ARCHEVÊQUE de Gnesne, à la tête d'une faction, fit élire et proclamer, le 15 juillet 1575, l'empereur Maximilien roi de Pologne; mais la majorité de la noblesse élut Étienne Bathori, prince de Transylvanie, qui épousa alors la princesse Anne, sœur du feu roi Sigismond II. L'empereur Maximilien se préparait à disputer le trône au prince de Transylvanie : il mourut avant d'avoir rien pu tenter contre son compétiteur, et Étienne Bathori fut reconnu roi par toute la Pologne, la seule ville de Dantzick exceptée. Les Dantzickois, auxquels les Allemands et les Moscovites fournirent quelques troupes, rejetèrent toutes les offres de pardon qui leur furent faites par Étienne. Ils furent déclarés rebelles, et furent enfin soumis. Leur général, Collea, ayant été tué dans une sortie, ils acceptèrent les conditions auxquelles le roi consentit à les recevoir en grâce; et il confirma bientôt tous leurs priviléges. Les Moscovites continuèrent la guerre contre la Pologne, et dévastèrent toutes les provinces dans lesquelles ils purent pénétrer, jusqu'à ce qu'ils fussent totalement défaits par l'armée de la république, en 1578. Pendant cette guerre les Tatars s'unirent aux Polonais, et tandis que ces derniers battaient l'armée russe, en une campagne les Tatars pénétrèrent jusqu'à Moscow, réduisirent cette ville en cendre, et passèrent environ quarante mille Russes au fil de l'épée. Les Russes ne furent pas les seuls ennemis contre lesquels les Polonais furent obligés de se défendre; les Suédois réclamaient la Livonie, et prirent les armes pour appuyer leurs prétentions sur cette province. Les Suédois et les Polonais sentirent cependant que leur commun intérêt leur commandait de se réunir contre un ennemi puissant, le tzar Basilowitz, qui menaçait également l'indépendance des deux nations. La Suède et la Pologne unirent leurs forces et combattirent jusqu'au rétablissement de la paix dans le nord, qui eut lieu par la médiation d'un légat du pape. Bathori, qui dans cette dernière guerre avait perdu environ cinquante mille hommes, s'appliqua, aussitôt que la paix le lui permit, à l'administration intérieure de son royaume. Il parvint à attacher à la couronne de Pologne les Cosaques, qui jusque-là avaient vécu au milieu des forêts comme des sauvages. Il les disciplina et en fit d'excellentes troupes légères : il fit aussi plusieurs réglemens pour les civiliser. Étienne Bathori mourut en 1586, sans avoir pris aucune mesure qui tendît à assurer le trône dans sa famille. Étienne avait obtenu la couronne sans intrigue, et se montra digne de la porter. Il accorda les emplois au mérite; réforma les nombreux abus qui s'étaient introduits dans l'administration de la justice; maintint la paix dans le royaume, et sut faire respecter sa puissance par les Moscovites et par les Tatars. Un règne de dix ans fut assez long pour sa gloire, mais trop court pour le bonheur de ses peuples. Les Polonais ont encore sa mémoire en vénération. Pendant le règne d'Étienne Bathori, le pouvoir royal diminua encore par la création de six sénateurs résidens, renouvelés à chaque diète; le roi devait prendre leurs opinions dans de certains cas. |