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on craignit quelque temps de le voir partager leur hérésie.

Dans ce temps les chevaliers de l'ordre teutonique furent dépossédés par les Moscovites de presque toute la Livonie. Sigismond marcha à leur secours avec une armée de cent mille hommes; après avoir repoussé les Russes, il força non-seulement les chevaliers, mais tous les Livoniens à reconnaître sa suzeraineté; ils furent obligés de se soumettre. Gothard Kettler (grandmaître de l'ordre ) fut indemnisé de la résiliation de la grande maîtrise et de la remise qu'il fit de Riga au roi de Pologne, par le duché de Courlande et de Sémigalle, qui lui fut accordé à titre de fief héréditaire dans sa famille: Kettler fut en même temps nommé gouverneur de la Livonie.

De tels arrangemens excitèrent le mécontentement de Basile, czar de Moscovie, qui fondit avec une puissante armée sur les domaines de la Pologne, et qui y fit des ravages horribles. Les Moscovites furent vaincus par Radzivill, palatin de Wilna, et par les autres généraux polonais, qui les forcèrent enfin d'évacuer la Lithuanie. Cette guerre fut terminée par la conclusion d'une trève de trois ans, pendant laquelle Sigismond mourut. Ce prince eut toutes les vertus d'un grand roi et toutes les faiblesses d'un homme.

Albert Frédéric ayant succédé à son père, Al

bert, duc de Prusse, vint en 1568 à Zublin demander à la république l'investiture des états de la succession de son père. Ce prince reçut au milieu de la diète l'investiture qu'il demandait, et jura au roi Sigismond de lui être fidèle comme à son seigneur, lui et ses successeurs.

Sigismond étant mort sans héritier mâle, une loi fut rendue par la diète, qui portait : « Que dé> sormais aucun monarque ne pourrait être re>> connu s'il n'avait été élu librement par la na>> tion ». Il est esssentiel d'observer que durant le règne des princes de la maison de Jagellon, les rois de Pologne, quoiqu'élus par la nation, fondaient seulement leurs prétentions à cette élection sur le titre qu'ils portaient d'héritiers de la couronne de la Pologne. Sigismond-Auguste, qui fut le dernier des mâles de la maison de Jagellon, fut aussi le dernier qui ait été qualifié du titre d'héritier de la couronne.

La mémoire des princes de cette maison fut toujours chère aux Polonais.

CHAPITRE CINQUIÈME.

HENRI DE VALOIS.

APRÈS la mort de Sigismond 11, on assembla une diète générale qui publia une charte des immunités de la nation. Cette charte fut depuis appelée le pacta conventa, et contenait la fixation de tous les priviléges de la noblesse. Le dernier article de cette charte portait que le prince s'engageait à relever ses sujets de leur serment de fidélité, s'il manquait à aucun des engagemens qu'il prenait envers eux.

Sigismond II laissa, en mourant, deux sœurs : Catherine, qui fut mariée en premières noces au duc de Finlande, et qui épousa, après la mort de ce prince, Jean, roi de Suède; et Anne, mariée à Etienne Bathori, prince de Transylvanie. Si la postérité mâle de Jagellon ne se fût pas éteinte, il est probable que la succession à la couronne n'aurait jamais été disputée à cette famille; mais, immédiatement après la mort de Sigismond II, des intrigues se formèrent dans presque toutes les cours de l'Europe pour appuyer les prétentions de divers candidats.

Les soins du légat du pape en Pologne procurèrent d'abord l'élection à l'archiduc Ernest d'Autriche; mais l'orgueil et l'impolitique conduite de son père (l'empereur d'Allemagne Maximilien II) lui firent perdre le fruit de cette élection, qui fut annulée. Henri de Valois, duc d'Anjou, et frère du roi de France Charles IX, fut proclamé roide Pologne. Le prince français n'obtint son élection qu'en se soumettant à toutes les conditions qu'il plut à la noblesse de lui imposer.

Parmi ces conditions, on remarque celles-ci: « La France fournira une flotte à la Pologne; >> elle lui prêtera secours dans toutes les guerres >> qui lui surviendront; et, si c'est contre les Mos>> covites que la Pologne est en guerre, la France >> sera tenue de lui envoyer quatre mille hommes, >> auxquels elle donnera six mois de solde. Henri >> emploiera chaque année quatre cent cinquante >> mille florins de ses revenus de France, à des >> établissemens utiles à la Pologne; il paiera >> toutes les dettes de l'état, et fera élever, à ses » dépens, cent jeunes Polonais à Paris ou à Cra>> covie; il n'introduira dans la Pologne que fort >> peu de Français, et il ne pourra donner à aucun >> d'eux aucune charge; enfin, il laissera aux pro>> testans la liberté de conscience (*) ».

(*) Fastes de Pologne, année 1573,

Le duc d'Anjou avait alors une grande réputation, que lui avait acquise parmi les catholiques son zèle contre les protestans français.

Les grâces de sa personne, sa magnificence et sa politesse, commençaient à lui attirer l'affection des Polonais, quand il apprit la mort de son frere. Cette mort l'appelant au trône de France, la reine-mère (Catherine de Médicis) lui dépêcha successivement plusieurs courriers pour hâter son retour à Paris, où sa présence était nécessaire. Charmé de pouvoir quitter le séjour de la Pologne, que l'arrogance des grands et les mœurs d'un peuple alors peu policé lui avaient rendu insupportable, Henri désirait autant que sa mère son prompt retour en France. Dans la crainte que les Polonais ne s'opposassent à son départ, et qu'il ne fût contraint de renoncer à la couronne de France, il s'enfuit la nuit de Varsovie, déguisé, et accompagné seulement de quelques Français, sur la fidélité desquels il pouvait compter. A la nouvelle du départ du roi, ła consternation se répandit dans Varsovie. Le sénat chargea aussitôt le grand chambellan, comte de Tenczyn, de courir après Henri, avec ordre de l'arrêter et de le forcer à rentrer dans sa capitale, s'il pouvait le rencontrer sur les terres du royaume. Tenezyn ne put rejoindre le roi qu'en Silésie; il se jeta à ses genoux, eut recours aux prières les

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