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na. Cette ville était alors la capitale de la Lithuanie. Quand le soleil était assez obscurci par les nuées, pour être plusieurs jours sans paraître, la terreur se répandait parmi le peuple, qui courait en foule au temple appaiser, par des sacrifices humains, la divinité qu'il croyait offensée. L'obscurité des forêts excitait leur vénération; ils considéraient ces lieux comme habités par leurs dieux; ils en approchaient avec un respect profond et croyaient y entendre des oracles. Ils adoraient également les serpens, et ils avaient une telle dévotion pour les vipères, que chaque chef de famille nourrissait chez lui un de ces reptiles, et le regardait comme le dieu tutelaire de sa maison.

Jagellon, pour accomplir la promesse qu'il avait faite, lors de son mariage, d'employer tous ses efforts à la conversion de ses anciens sujets, renversa le temple de Wilna (*), et fit éteindre le feu perpétuel. Il fit aussi abattre les forêts qui servaient de retraite aux prêtres lithuaniens, et tuer les serpens et les vipères. Quand le peuple, qui avait été aveuglé par l'ignorance et par une longue habitude, vit que les prétendus sacriléges de Jagellon étaient impunis, il fut convain

(*) On voit encore à Wilna des restes de ce temple.

cu de l'impuissance de ses dieux, et la majeure partie des Lithuaniens se fit baptiser. Le nombre des catéchumènes fut si grand, qu'on fut obligé de les baptiser en masse; seulement un petit nombre des plus distingués d'entre eux reçut le baptême individuellement et selon les førmes usitées. Jagellon laissa des prêtres pour instruire le peuple, et fonda un archevêché à Wilna. Obligé de retourner en Pologne, il chargea son frère Skirgellon du gouvernement de la Lithuanie, avec le titre de duc.

Ce prince fut indigne de son rang. Fougueux et barbare, il fut également redoutable à ses frères et à ses ennemis; en un mot, il ne cessait d'être cruel, que quand la débauche l'avait affaibli. Le nouveau pouvoir qu'il acquit par le gouvernement que son frère venait de lui confier, le rendit plus intraitable encore. Son cousin Vitholde, qui avait eu quelques différens avec lui, se retira parmi les chevaliers de l'ordre teutonique, le refuge habituel des mécontens. Ils le reçurent avec distinction, et, bien que ces chevaliers fussent institués pour la défense du christianisme, ils s'opposèrent de tout leur pouvoir à la conversion des Lithuaniens. Une guerre sanglante eut lieu entr'eux et les Polonais; cette guerre fut terminée par la nomination de Vitholde au duché de Lithuanie,

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Tamerlan était alors empereur des Tatars. Ces peuples firent, sous le règne de Jagellon, de fréquentes invasions en Pologne. Vitholde remporta d'abord de grands avantages sur ces barbares; mais il fut ensuite vaincu par le nombre. Les chevaliers teutoniques ravagèrent aussi quelques provinces, et se montrèrent plus féroces encore que les soldats de Tamerlan. A la fin, ils furent entièrement défaits par les Polonais (*). On a blamé le roi de n'avoir pas suivi

(*) On rapporte que, quelques instans avant la bataille, deux hérauts vinrent, de la part du grand-maître des chevaliers, offrir à Jagellon, et à son frère Vitholde qui commandait une partie de l'armée, deux épées nues et teintes de sang: « Le grand-maître, dirent-ils, voyant le peu >> d'ardeur que vous témoignez dans ce moment critique, >> vous envoie ces armes, comme un sujet propre à ranimer >> votre courage. Si vous vous trouvez trop resserrés dans >> le lieu que vous occupez, il vous offre de faire reculer un >> peu son armée, pour vous donner la liberté de vous

étendre : il ne croit pas courir aucun risque en vous pro>> curant cet avantage. » Voila sans doute une ambassade des plus singulières; ce qui n'est pas moins singulier, c'est que les chevaliers reculèrent en effet de quelques pas. Jagellon se moqua de cette ridicule bravade, et répondit d'un ton ironique : « Qu'il serait assez temps de rendre les ar>> mes lorsqu'ils seraient vaincus; que cependant il acceptait >> ce gage de leur prochaine défaite. >> Un instant après on. ses succès, après cette journée, et de ne s'être pas rendu maître de Marienbourg, résidence du chapitre général de l'ordre. Les chevaliers profitèrent en effet de cette négligence, et leur grand-maître, Plawen, trouva moyen de détacher Vitholde des intérêts de son frère, par l'offre qu'ils lui firent de lui aider à s'emparer de la souveraineté de la Lithuanie et de la Samogitie. Les victoires du souverain polonais et la mort de Vitholde terminèrent toutes ces intrigues, et Ja

en vint aux mains. La bataille fut sanglante, et la victoire long-temps disputée. Jagellon contemplait de loin les efforts des Polonais, et frémissait de ne pouvoir combattre à leur tête. On connaissait son courage bouillant et impétueux, et l'on avait donné ordre à ses gardes de le retenir malgré lui loin du champ de bataille. Il trompa cependant leur vigilance; et déjà il était prêt à s'élancer dans la mêlée, lorsque ses gardes, qui couraient après lui, l'atteignirent; et Jagellon désespéré courut sur eux, la lance baissée, pour les écarter; mais un d'entr'eux, évitant le coup, sauta sur la bride de son cheval, et le ramena malgré lui. Tant de précautions n'empêchèrent pas que Jagellon ne courût le plus grand danger: un guerrier d'une taille gigantesque, l'ayant remarqué, sortit des rangs, et s'élança sur lui avec la rapidité d'un éclair; mais, au moment qu'il se préparait à porter au roi un coup de sabre, il fut renversé par un jeune Polonais, nommé Speignée Olenischi.

(Anecdotes du Nord, II. partie.)

gellon mourut en 1454, il termina un règne glorieux qui avait duré quarante-huit ans.

Après la mort de ce monarque, son fils, âgé de onze ans, lui succéda sous le nom de Ladislas VI.

Durant la minorité du roi, la Pologne et la Lithuanie éprouvèrent de continuelles invasions des Tatars, et on fut enfin obligé de mettre le jeune roi à la tête de son armée, afin d'encourager les soldats, et de s'opposer à Amurat, empereur des Turcs, qui tenta lui-même une expédition en Pologue.

Selon plusieurs auteurs, Ladislas v1, dès ce temps, était roi de Hongrie; il est certain, cependant, que les Hongrois, peu après, lui offrirent leur couronne et leur trône. Ladislas, après avoir vaincu les Turcs, fit une paix honorable et avantageuse non-seulement à ses propres états, mais encore à toute la chrétienté. L'éclat des victoires de Ladislas fut terni par le manque de foi auquel il fut porté par le cardinal Césarini, légat du pape Félix v. Entraîné par les suggestions du légat, et au mépris du traité de paix qu'il avait solennellement ratifié, Ladislas marcha en Bulgarie, et s'avança jusqu'à Nicopolis, capitale de cette province : il pénétra même en Thrace et y obtint quelques succès. Son intention était d'attaquer Andrinople; mais Amurat,

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