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CHAPITRE QUATRIÈME.

DEPUIS L'ÉLECTION DE JAGELLON JUSQU'A HENRI DE VALOIS.

LOUIS, roi de Hongrie, neveu de Casimir par sa sœur, lui succéda au trône de Pologne, en 1370; mais comme il était étranger, les Polonais lui déclarèrent qu'ils ne lui accorderaient la couronne qu'à la condition qu'il reconnaîtait les limites qu'on se proposait de prescrire à l'autorité royale. Les rois de Pologne avaient été jusqu'à cette époque des monarques absolus.

Roide Hongrie et de Pologne, Louis préféra toujours les Hongrois aux Polonais, et la partialité qu'il manifesta en faveur des premiers, causa les plus grands maux. Les invasions des ennemis extérieurs et les guerres civiles ensanglantèrent tour à tour le royaume. Le pouvoir de Louis prévalut cependant, et il parvint à faire élire avant sa mort, pour son successeur, Sigismond, marquis de Brandebourg.

C'est sous le règne de Louis de Hongrie qu'acheva de se former en Pologne l'esprit d'indépendance qui, après avoir pendant quatre siècles

produit les actions les plus héroïques et les séditions les plus dangereuses, a fini par livrer la nation aux fers des puissances qu'elle avait si souvent vaincues.

A la mort de Louis, en 1382, les Polonais annulèrent l'élection qu'ils avaient faite du marquis de Brandebourg, sous le prétexte que cette élection n'avait pas été libre; et ils offrirent la couronne à Hedwige, princesse de Hongrie, seconde fille du feu roi, à la condition expresse qu'elle ne se marierait qu'avec le consentement de la nation, et que, lorsqu'elle serait mariée, elle et son époux résideraient dans le royaume. Hedwige promit tout ce qu'on exigea d'elle, et fut proclamée reine. Peu de temps après cette élection, Sernovik, duc de Masovie, fut choisi par les états pour être l'époux de la reine; mais Elisabeth de Hongrie, mère d'Hedwigė, ne voulut pas accepter Sernovik pour son gendre, et parvint à faire annuler par les états le choix qu'ils avaient fait de ce prince.

Deux nouveaux prétendans demandèrent la main de la reine. Guillaume, due d'Autriche, et Jagellon, grand-duc de Lithuanie. La prétention du premier était appuyée par les vœux d'Hedwige; celle du second par la volonté de la nation. Jagellon promettait d'embrasser le christianisme et d'employer tous ses efforts pour convertir les Lithuaniens. Il promettait également de rendre la liberté à tous les chrétiens esclaves dans ses états, et particulièrement aux Polonais; de réunir, à perpétuité, la Lithuanie, la Samogitie, et ses autres domaines au royaume de Pologne: enfin il s'engageait à reconquérir la Poméranie, la Silésie et toutes les autres provinces dont la république avait été dépouillée par ses voisins.

Au moyen de ces offres brillantes, Jagellon l'emporta sur le duc d'Autriche. La reine de Hongrie approuva cette alliance et s'en rapporta, des dispositions ultérieures de cette affaire, à la prudence de la noblesse. Les grands du royaume arrêtèrent aussitôt le mariage d'Hedwige avec le grand-duc de Lithuanie, malgré la répugnance de la jeune reine qui aimait le duc Guillaume d'Autriche, auquel elle avait été promise par le roi Louis, son père. Elle ne considérait Jagellon que comme un prince barbare, souverain d'une nation idolâtre et cruelle.

Le duc d'Autriche, ayant appris le choix quela noblesse avait fait de son rival, accourut à Cracovie, où la reine ordonna qu'il fût reçu malgré l'opposition du castellan. Hedwige et son amant curent ensemble plusieurs entrevues secrètes; il lui donna des fêtes, et les deux amans furent sur le point de déjouer toutes les mesures du sénat.

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Leurs entrevues alarmèrent à la fin la noblesse, qui alors fit entourer le château par des troupes, et contraignit le duc à se retirer. Au chagrin que la jeune reine éprouva d'être séparée de son amant, se joignit la mortification d'être gardée en quelque sorte comme prisonnière dans son palais.

Jagellon alors s'avançait vers Cracovie à la tête d'un corps considérable de troupes, et accompagné de ses deux frères Boris et Skirgellon; mais le grand-duc de Lithuanie ayant eu connaissance de la résolution qu'Hedwige avait prise de ne pas le voir, arrêta quelque temps sa marche. Les membres du sénat, dans cette circonstance, se jetèrent aux pieds de la reine pour obtenir son acquiescement au mariage qu'on avait conclu pour elle. Elle céda enfin à leurs prières, et Jagellon lui fut présenté. Il était jeune, aimable, et le duc d'Autriche fut oublié.

Elle s'unit à Jagellon, non-seulement sans répugnance, mais en lui laissant même entrevoir que son cœur commençait à être d'accord avec les vœux de la nation.

Depuis la renonciation de Louis de Hongrie, les rois de Pologne avaient perdu le droit d'imposer aucune taxe, sans le consentement de la nation. Jagellon, après son avénement au trône, assembla les nobles dans leurs provinces respec

tives, pour en obtenir un tribut additionnel. Ces assemblées provinciales sont remarquables, parce qu'elles furent l'origine des diétines: elles perdirent bientôt le droit de donner leur consentement à la levée des impôts; mais depuis elles élurent des nonces ou représentans à la diè* te générale qui s'était emparée de ce droit.

Les avantages que Jagellon avait procurés à la Pologne par la réunion au royaume des provinces de Samogitie, de la Russie Blanche et de la Lithuanie, attachèrent tellement les Polonais à sa famille, que la couronne fut conservée à ses descendans mâles jusqu'à Sigismond Auguste, mort en 1571.,

La prospérité du règne de Jagellon excita la jalousie des chevaliers teutoniques; et les Lithuaniens, mécontens delaréunion de leur pays au royaume de Pologne, se révoltèrent plusieurs fois.

Les habitans de la Lithuanie et de la Samogitie adoraient encore le feu. Leur grand-prêtre, qu'ils nommaient Zinez, et les prêtres qui lui étaient subordonnés, étaient obligés, comme les vestales de l'ancienne Rome, d'entretenir du feu, sur un autel, le jour et la nuit. Si ce feu se fût éteint par la négligence des prêtres auxquels l'entretien en était confié, ils auraient été punis de mort. Le temple principal était à Wil

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