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rent encore à tant de maux : Prédislas, duc de Bohème, s'empara de Breslaw et de toute la Silesie; il pénétra ensuite en Pologne, et brûla Posen et Gnesne. Les Polonais implorèrent l'assistance du pape, qui était alors tout-puissant; le souverain pontife reçut les présens que chacune des factions lui offrit, il réçut également ceux du prince bohémien, promit sa protection à tous, et ne tint parole à aucun.

Les nobles se réunirent pour aviser aux moyens de faire cesser ces désordres; tous reconnurent la nécessité d'élire un roi, les avis différèrent seulement sur la fixation du choix. Plusieurs donnaient leurs suffrages à des princes étrangers, d'autres se déclaraient pour des seigneurs polonais; mais enfin le plus grand nombre, entraîné par les discours d'Étienne Poboz, archevêque de Gnesne, demanda que la couronne fût déférée à Casimir, qui avait embrassé l'état monastique, en France, dans l'abbaye de Cluny.

Casimir fut rappelé; ce jeune prince ayant pris l'habit religieux, et reçu le diaconat, il fallut obtenir du pape qu'il fût relevé de ses vœux. Le pape fit d'abord quelques difficultés et ne céda aux instances des Polonais, qu'aux conditions qu'ils paieraient annuellement et à perpétuité une somme d'argent, pour l'entretien d'une lampe dans l'église de Saint-Pierre de Rome; et qu'aux grandes fêtes, pendant la messe, les nobles porteraient à leur cou une étole de lin.

Bien qu'il soit permis de reprocher à Casimir d'avoir été, pendant son règne, trop dévoué aux intérêts de la cour de Rome, ce ne fut pas moins un des plus grands rois qui ait gouverné la Pologne. Il montra beaucoup de valeur à la guerre et déploya de grands talens dans l'administration. Il mourut en 1058, laissant le royaume dans un état prospère.

Boleslas II, surnommé l'Intrépide, succéda à son père. Trois ans après son couronnement, il joignit la Russie Rouge à ses domaines par son mariage avec la princesse Wiszeslava, héritière de ce duché. Il reprit une grande partie du territoire que Boleslas-le-Grand avait conquis, et qui avait été démembré du royaume, sous la régence de Miécislaw; il ajouta Kiow à ses conquêtes, et obtint par ses exploits contre les Bohemiens, les Prussiens, les Moscovites et les Hongrois, le surnom d'Intrépide.

Après avoir employé les premières années de son règne d'une manière aussi glorieuse, le courage de Boleslas s'amollit dans les pays qu'il avait envahis, et particulièrement à Kiow. C'est dans cette ville, située sur les bords du Borystène, et alors la plus voluptueuse du monde, que lui et son armée se livrèrent à toutes sortes de débauches.

La longue absence des Polonais de leur patrie (*), et peut-être plus encore ce qu'apprirent leurs femmes des désordres auxquels ils se livraient en Russie, portèrent ces dernières, selon Cromer et beaucoup d'autres historiens, à se venger de leurs époux infidèles; elles résolurent donc de se regarder comme veuves, et de contracter de nouveaux liens: il ne restait alors dans le royaume que les hommes qui, lors du départ de l'armée, étaient trop jeunes pour porter les armes, et les esclaves. Quelques dames polonaises s'unirent aux premiers; mais comme le nombre en était peu considérable, la plupart d'entr'elles se livrèrent aux seconds, et devinrent les concubines de leurs propres esclaves. Les maris apprirent bientôt les déréglemens de leurs femmes, et se hâtèrent de revenir dans leur patrie, pour punir les outrages qu'ils avaient reçus. A leur retour, il y eut une bataille sanglante, dans laquelle les femmes combattirent pour leurs ignobles amans contre leurs époux : les premiers furent vaincus, et la Pologne fut inondée de sang.

Boleslas devint un tyran; il commanda l'assassinat de plusieurs membres du clergé: parmi ces

(*) Ils furent environ huit ans absens de leurs foyers.

crimes, celui qui inspira le plus d'horreur, fut le meurtre de l'évêque de Cracovie. Ce meurtre attira les foudres du Vatican sur le royaume. Le roi s'enfuit et périt misérablement dans un monastère de la Carinthie, où il était, selon quelques auteurs (*), réduit aux vils emplois de la cuisine : d'autres assurent qu'il périt à la chasse dans les forêts de la Hongrie, et que ses propres chiens le dévorèrent.

En 1082, le pape, après avoir été long-temps sollicité en vain, permit aux Polonais d'élire Ladislas, frère du dernier roi, pour leur souverain; mais à condition qu'il ne prendrait pas le titre de roi. Ce règne fut encore un temps de troubles, et ces troubles ne cessèrent qu'à la mort du monarque.

Boleslas III, fils et successeur de Ladislas, fut un des plus belliqueux princes de son siècle; il défit l'empereur Henri v; il commanda dans quarante-sept batailles : il fut cependant vaincu

(*) Duglassius, Cromer, Kadlubek. Ce dernier prétend que Boleslas était inconnu dans le monastère de la Carinthie, où il s'était retiré, et qu'il dit être celui de Villach; que seulement, au moment de sa mort, il révéla qui il était aux compagnons de sa solitude, et que ceux-ci gravèrent cette épitaphe sur son tombeau : Hic jacet Boleslaus, rex Polonia, occisor S. Stanislai, episcopi Cracoviensis.

par les Moscovites, et mourut peu de temps après, universellement regretté et digne de l'être par sa bonté pour ses peuples, son courage à la guerre, et la sagesse de son gouvernement.

Boleslas avait, peu de temps avant sa mort, divisé le royaume entre quatre de ses fils, au préjudice du cinquième, Casimir, qui était alors au berceau; mais, au mépris de ces dispositions, Ladislas, le second de ses fils, excité par la reine Christine, sa femme, que les historiens ont peinte sous les couleurs les plus noires, s'empara seul du gouvernement de tout le royaume.

Après un règne turbulent, Ladislas, prince sans vertus et sans caractère, fut déposé et se retira en Allemagne.

En 1146, Boleslas, frère du dernier duc (le pape n'avait pas encore permis aux souverains polonais de reprendre le titre de roi ), gouverna la Pologne, et fit jouir cette contrée d'une administration douce, éclairée et ferme. Il assigna à son frère, le duc exilé, la province de Silésie.

Dans ce temps, la fureur des croisades dépeuplait l'Europe, et Henri, frère du souverain, partit avec beaucoup d'autres princes européens pour aller combattre les Turcs en Palestine, et revint en Europe après avoir perdu la majeure partie de l'armée qui l'avait suivi.

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