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Cette Convention avait été précédée de négociations longues et difficiles entre les trois gouvernements, et, comme il arrive toujours en pareil cas, ces négociations avaient été tenues secrètes. Elles ne furent connues que le 24 septembre au matin, par un article publié dans un journal anglais, le Morning-Post, ce qui lui valut la réponse suivante du Journal des Débats :

Nos lecteurs auront sans doute été quelque peu surpris, comme nous, de la confidence que le Morning-Post vient de nous faire au sujet du traité que la France, l'Angleterre et l'Espagne seraient sur le point de conclure en vue d'une expédition combinée contre le Mexique. En lisant le programme complet de cette expédition dans un journal qui passe pour être bien renseigné sur les secrets du cabinet anglais (1), on ne saurait se défendre d'une réflexion trèssimple et très-innocente. Si le traité dont il s'agit est à la veille d'être signé, si les trois gouvernements sont déjà tombés d'accord non-seulement sur le principe, mais sur le plan et sur les détails de l'expédition, ainsi que le prétend le journal anglais, comment se fait-il que nous en recevions la première nouvelle de Londres? Comment, à l'heure qu'il est, en sommes-nous réduits aux renseignements qui nous sont fournis par la presse anglaise? Pourquoi le Moniteur, ou du moins les journaux qui lui servent de suppléants au besoin, continuent-ils de garder à ce sujet un silence absolu? D'un autre côté, comment la notification presque

(1) Le Morning-Post avait la réputation d'être l'organe particulier de lord Palmerston, alors premier lord de la trésorerie.

officielle que le Morning Post vient de nous faire peut-elle se concilier avec le langage que tiennent depuis quelques jours les journaux de Madrid, et avec les pompeux détails qu'ils nous ont donnés au sujet de l'expédition que le gouvernement espagnol entreprendrait pour son propre compte et « de sa propre résolution » contre le Mexique? Ce sont là des questions sur lesquelles il nous semble que le public français aurait quelque droit d'être éclairé. Cependant, la Patrie est le seul journal qui prenne la parole aujourd'hui pour nous dire que les informations du journal anglais manquent d'exactitude, et que le gouvernement français n'a pris encore aucune décision sur la manière de régler son différend avec le Mexique. Mais quel est le degré de confiance, d'exactitude et d'autorité qu'il est permis d'attacher en ce moment aux informations de la Patrie elle-même ? C'est une question que ce journal nous excusera bien de poser et que nous croyons pouvoir élever sans lui faire injure, après le procédé violent, après la sentence d'excommunication trop peu fraternelle qui vient de l'atteindre, au grand étonnement, nous dirions volontiers au grand scandale de l'opinion publique (1). »

Le Journal des Débats avait mille fois raison.

En effet, dans une note datée du 19 du même mois, M. A. de la Fuente, ministre du gouvernement mexicain à Paris, après avoir rappelé au ministre des affaires étrangères de son pays l'entrevue qu'il avait eue chez Mad. Agüero, le 20 août précédent, avec le général Prim et M. Camyn, alors sous-secrétaire au ministère d'Etat en Espagne, et la condition unique, pour ainsi dire sine qua non, que celui-ci avait de lui-même posée comme devant précéder la reconnaissance du gouvernement de M. Juarez par la cour d'Espagne (2), continuait ainsi :

(1) Journal des Débats, no du 25 septembre 1861.

(2) Cette condition unique était l'acceptation pure et simple du traité Mon Almonte.

A cet égard, le gouvernement espagnol tenait surtout à faire admettre le principe; il tenait moins aux détails, et M. Camyn allait jusqu'à promettre, s'il le fallait absolument, de soumettre ensuite

» L'attitude prise vis-à-vis du Mexique par les cours de Paris et de Londres depuis l'arrivée du dernier courrier anglais (f), et les publications insérées dans les journaux de ces deux capitales, ont réveillé M. Calderon Collantes, et lui ont fait songer à quelque coup d'éclat pour échapper à l'accusation de s'être laissé devancer par la France et par l'Angleterre. Il n'est pas vrai, bien que cela sõi affirmé par un journal ministériel, que l'Espagne ait fait à l'avance des préparatifs de guerre mais elle a profité de l'occasion pour se montrer résolue et prête à jouer un rôle dans les conseils et les opérations des puissances susnommées, et si nous devons en croire les révélations des journaux, révélations parfaitement d'accord, du reste, avec les renseignements que j'ai pu me procurer, elle a offert d'envoyer des troupes pour effectuer un débarquement sur les côtes du Mexique. Mais le parti conservateur ne se contente pas de cela. Il demande à grands cris que l'Espagne agisse toute seule, sans soumettre ses actes au contrôle de la France et de l'Angleterre. Quelques organes du parti libéral, entre autres le Contemporáneo, soutiennent la même opinion, et aux dernières dates la Correspondencia déclare que tel est aussi l'avis du gouvernement. Les journaux de Londres, au contraire, affirment, ainsi que V. E. le verra, que le gouvernement espagnol désire ardemment se voir appuyé par ceux de France et d'Angleterre, afin d'obtenir un triomphe facile sur nous. L'arrogance proverbiale du cabinet de la Péninsule, son ignorance crasse, auraient-elles donc été cause que les deux autres gouvernements l'ont exclu de leurs arrangements contre nous ? Cela pourrait bien être, car il est impossible que les rêveries d'un Juan de Bourbon ou de tout autre prince obtienne même les honneurs de la discussion (2). Cette hypothèse expliquerait

les crédits contestés à l'examen d'une nouvelle commission. Quant aux autres questions, à l'expulsion de M. Pacheco, par exemple, le ministère espagnol en faisait bon marché.

<<< Avant de continuer, je dois faire observer à Votre Excellence, » écrivait M. de la Fuente, que le gouvernement espagnol ne paraît >> attacher aucune importance à l'affaire de M. Pacheco; il ne sc » préoccupe que de la convention relative à la dette espagnole. >> (Dépêche de M. de la Fuente, en date du 21 août 1861, au ministre des affaires étrangères du Mexique.)

(1) Il s'agit de la loi promulguée à Mexico le 17 juillet.

(2) Dans une dépêche en date du 17 du même mois, M. Andres Osegura, secrétaire de la légation mexicaine, à Paris, envoyé à Londres, par M. de la Fuente, lui disait qu'un mois auparavant,

parfaitement pourquoi les journaux ministériels du gouvernement espagnol prétendent aujourd'hui que leur pays veut agir seul, et enverra pour son compte des forces au Mexique, non pour en faire la conquête, mais pour exiger satisfaction des injures et des offenses dont ils ont à se plaindre.

Le nom de l'Espagne n'a donc été pris en considération par les cours de France et d'Angleterre, que depuis l'arrivée du packet anglais qui a apporté la nouvelle de la suspension des paiements.

» Il en a été de même dans la conférence que j'ai eue avec M. de Thouvenel au commencement du mois de juillet, et dans celle qu'il m'a accordée au commencement de septembre. Dans l'une et dans l'autre, ce ministre ne m'a parlé que de l'accord qui régnait entre son gouvernement et celui de la Grande-Bretagne, pour prendre des mesures qui nous obligeassent à accéder à leurs demandes.

» Le 12 juillet, il s'exprimait encore de la même manière, en répondant à la commission qui lui avait été adressée par l'assemblée des teneurs de bons Mexicains. Enfin, en lisant les articles imprimés et les copies manuscrites que j'adresse au gouvernement avec ma correspondance de ce jour, il est facile de se faire une idée de l'impression défavorable que les prétentions de l'Espagne ont causée en France et en Angleterre, et l'on comprendra qu'un mécompte seul a pu produire sa résolution d'agir isolée, afin d'assouvir la haine qu'elle porte au parti libéral du Mexique pour la honte qu'il lui a infligée à elle-même, en refusant de reconnaître le traité MonAlmonte, et celle dont il a couvert du même coup le parti réactionnaire qui l'avait signé et l'ambassadeur Pacheco qui n'avait été envoyé que pour cimenter l'influence espagnole dans notre pays (1)... >>

Mais bientôt les sentiments secrets de l'Espagne s'accentuèrent davantage. Les fils du Cid et de Pelage aspiraient à donner un roi aux Mexicains, et le 23 octobre suivant

M. Murphy, le même qui a été depuis Ministre de Maximilien à Vienne, était venu en Angleterre pour y poser la candidature d'un Bourbon quelconque au trône restauré du Mexique, et avait été obligé de se retirer, sans avoir rien obtenu, après 15 jours d'attente et deux entrevues avec Lord Russell.

(1) Dépêche de M. de la Fuente, au Ministre des affaires étrangères du gouvernement mexicain, en date du 19 septembre 1864. No 48.

M. de la Fuente, rendant compte à son gouvernement de deux conversations qu'il avait eues, l'une avec M. Dayton, l'autre avec M. Adams, ministres des États-Unis à Paris et à Londres, s'exprimait ainsi :

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Le premier de ces Messieurs m'a dit, le jour de mon départ pour l'Angleterre, que l'Espagne, tout en affirmant » à chaque instant que son intention n'était pas d'intervenir › dans les affaires intérieures de la République, se proposait cependant de fomenter au Mexique un parti qui demanderait pour roi un prince de la famille royale, et que ce prince ne serait pas l'infant D. Juan, comme on le croyait généralement, mais D. Sébastien, oncle de la reine (1). » Le second, après lui avoir demandé s'il existait, oui ou non, au Mexique, un parti qui aspirât à établir dans le pays un gouvernement monarchique régi par un prince espagnol, avait ajouté ces paroles significatives :

Le ministre des États-Unis à Madrid m'a écrit que le plan des Espagnols était de se faire demander par leurs amis du Mexique de leur envoyer un prince de la famille royale pour gouverner la nation, que les Espagnols y con» sentiraient et feraient alors marcher un corps de troupes » pour appuyer le nouveau roi (2). »

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Enfin, M. Adams lui avait encore dit au sujet des dettes du Mexique, de l'offre faite par les États-Unis d'en garantir les intérêts pendant cinq ans, et des motifs qui avaient fait rejeter ces offres par l'Angleterre, motifs sur lesquels j'aurai bientôt à m'expliquer, « que lord Russell lui avait parlé d'un plan qu'il se proposait de soumettre au gouvernement des » États-Unis relativement à cette affaire; que S. S. avait prié les gouvernements de France et d'Espagne de suspendre leurs opérations contre le Mexique jusqu'à l'arrivée › de la réponse de Washington; que la France, après avoir › hésité pendant quelque temps, avait consenti à cette suspension; mais que l'Espagne avait répondu qu'elle ne

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(1) Dépêche de M. de la Fuente au ministre des affaires étrangères du Mexique, en date du 23 octobre 1861. Très-réservée, no 1. (2) Même dépêche,

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