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pour

comme une faveur un appui moral qu'on ne pouvait en aucune manière leur refuser, et l'on obtint de la facilité du noble lord la suppression de ces paragraphes fâcheux afin parler comme M. Billault de ne pas décourager le mouvement national, que les gouvernements de France et d'Espagne, sur la foi de leurs agents et des traîtres intéressés à les tromper, croyaient certain, et que les puissances intervenantes attendaient pour procéder à l'organisation d'un gouvernement conforme à leurs seules volontés.

Et qu'on ne crie pas à la calomnie : qu'on ne dise pas que j'invente à loisir des suppositions pour les besoins de la cause libérale; voici, pour convaincre les plus incrédules, une dépêche de M. Calderon Collantes, ministre d'État du gouvernement espagnol, adressée de Madrid, le 22 octobre 1861, c'est-à-dire, huit jours avant la signature de la Convention de Londres, aux ambassadeurs de son gouvernement accrédités près des cours de Saint-James et des Tuileries, dans laquelle toutes mes prétendues suppositions sont officiellement reproduites dans l'ordre même que je viens d'indiquer.

« Le Ministre d'État au Ministre de S. M. à Londres et à son ambassadeur à Paris.

» Excellence,

Madrid, le 22 octobre 1861.

» Le Ministre de S. M. B. accrédité près de cette Cour, m'a remis une copie du projet de Convention qui doit être signé par les plénipotentiaires de l'Angleterre, de la France et de l'Espagne, pour réglementer leur action commune au Mexique, afin d'obtenir du gouvernement de cette république l'accomplissement des engagements contractés par elle avec les souverains des trois nations ci-dessus mentionnées, et d'assurer la protection des personnes et des propriétés de leurs sujets.

>> J'ai soumis immédiatement le projet dont il s'agit à l'examen du gouvernement qui, après une mûre délibération, a décidé que je communiquerais à V. E. les observations que ce projet lui a suggérées et les modifications qui peuvent s'y introduire, selon lui, afin que V. E. en tienne compte dans ses relations avec ce gouvernement et dans les conférences qui auront lieu pour mener à bonne fin une négociation aussi importante.

» Le préambule de la Convention détermine avec clarté le motif

de l'action commune des trois puissances, et exprime en termes énergiques les causes qui l'ont rendue nécessaire. La violation de toutes les lois, de tous les principes; les outrages commis par suite de cette violation contre les gouvernements des trois puissances; les iniquités dont les personnes et les propriétés de leurs sujets ont été victimes, réclament impérieusement des satisfactions promptes et complètes, et des garanties efficaces et sûres, afin que des attentats aussi scandaleux ne se renouvellent pas.

» Les moyens que l'on doit employer pour obtenir des résultats aussi importants sont spécifiés dans l'art. 1er du projet de Convention, et ces moyens ne laissent rien à désirer au gouvernement de S. M.

» Cependant, comme les forces de mer et de terre que doit fournir chaque puissance seront fixées au moyen de communications entre leurs gouvernements respectifs, il convient que V. E. sache que le gouvernement de S. M. désire envoyer une force navale égale, pour le moins, à celle que destine chacun des gouvernements avec lesquels il contracte, et qu'il est décidé à envoyer une force militaire supérieure à la leur.

» Pour cela, il a plus de facilité que les deux gouvernements amis, car il peut prendre cette dernière force dans ses provinces d'outre-Mer sans diminuer ses garnisons et de manière à ce que leur tranquillité n'en soit pas le moins du monde compromise. Le nombre des sujets que S. M. la reine compte sur le territoire mexicain et les intérêts considérables qu'ils y possèdent, suffiraient pour établir le droit que possède l'Espagne en faisant cette demande; mais comme elle pourrait exciter des doutes et des méfiances contraires aux sentiments de loyauté et de désintéressement qui animent le gouvernement de la reine, V. E. pourra la présenter comme une offre plutôt que comme une exigence.

» L'art. 11 mérite l'approbation la plus complète du gouvernement de S. M. Bien que les dispositions qui en font l'objet pourraient peut-être se réserver afin de les consigner dans les instructions qui doivent se remettre aux chefs des forces unies, il est nécessaire, cependant, de bien définir dans la Convention quelle doit être leur conduite à partir du moment où ils se présenteront sur les côtes du Mexique, et bien plus encore après l'occupation de Veracruz et des points importants dont ils doivent s'emparer sur cette côte.

>> Cet article contient en outre une disposition essentielle et que l'on ne doit pas omettre, c'est que les gouvernements des hautes puissances contractantes se réservent le droit de prendre les mesures qu'elles croiront convenables pour surveiller et rendre effective l'exécution des traités qui seront célébrés. Dès lors, l'occupa

tion de Veracruz et des ports adjacents devra durer autant de temps qu'il sera nécessaire pour que le gouvernement mexicain ne puisse s'écarter en aucun cas des engagements qu'il aura contractés et qu'il ne soit plus indispensable, dans l'avenir, de renouveler des démonstrations peut-être plus vigoureuses pour l'y contraindre.

L'art. 111 du projet est entièrement conforme aux idées que le gouvernement de la reine a constamment manifestées. Il a toujours pensé qu'on devait laisser aux Mexicains une liberté entière pour constituer leur gouvernement de la manière la plus conforme à leurs intérêts, à leurs coutumes et à leurs croyances. Sur ce point, le gouvernement de S. M. a toujours été des plus explicites. Mais s'il a cru, s'il croit encore que les Mexicains doivent être les arbitres de leurs destinées, il croit également qu'il est nécessaire de les mettre en état de pouvoir examiner sans passion et sans égarement la situation où les a conduits leurs erreurs, afin qu'ils puissent adopter les moyens les plus convenables pour l'améliorer (1).

<< On pourrait obtenir ce résultat en ordonnant au gouvernement mexicain et aux chefs de forces belligérantes (2) de suspendre les hostilités, et de célébrer un armistice assez long pour discuter et résoudre pacifiquement, si cela est possible, les questions intérieures.

>> Autrement, bien qu'il soit probable que la présence des forces combinées suspendra la lutte et arrêtera l'effusion du sang, il se pourrait, cependant, que les horreurs dont la République a été le théâtre pendant si longtemps, prissent, au contraire, plus d'extension encore.

» Dans ce cas, il serait imprudent et peut-être un peu risqué de renoncer d'une manière absolue, et par anticipation, à une action qui pourrait être nécessitée plus tard par des événements imprévus.

L'art. 111 paraîtrait aussi clair et aussi précis, si le gouvernement de S. M. B. (3) consentait à en supprimer la dernière période et à le terminer au mot préambule. De cette manière, le but de la Con

(1) C'est justement, ainsi que nous le verrons plus tard, la théorie dont le général Forey a utilisé la pratique.

(2) Au moment de l'arrivée à Veracruz des commissaires alliés, la réaction, partout vaincue, se personnifiait dans la bande de Marquez. Voir la déclaration des susdits commissaires en tête des préliminaires de la Soledad.

(3) On ne parle pas du gouvernement français. C'est une preuve de l'entente qui existait à cet égard entre les cabinets de Madrid et de Paris.

vention ne serait point obscur, et on le déterminerait sans limiter l'action successive dans les choses que les circonstances peuvent exiger. Pour ces causes, le gouvernement de S. M. croit que l'art. 144 pourrait être rédigé de la manière suivante :

» Les hautes parties contractantes s'engagent mutuellement à ne pas distraire les forces dont elles vont faire usage en vertu de la présente Convention, pour les employer à un objet, quel qu'il soit, différent de ceux qui sont spécifiés dans son préambule (1).

» Comme l'intervention, dans le gouvernement intérieur de la République, ne se trouve pas comprise dans ce préambule, il est évident que toute action exécutée dans ce but serait contraire à la Convention.

» Le gouvernement de S. M. croit, pour ce motif, que la rédaction proposée par lui, donnerait satisfaction aux intentions des trois gouvernements, et il insiste seulement sur la nécessité de suspendre les hostilités parce que cette nécessité a été reconnue par le gouvernement britannique et par le gouvernement impérial quand, au printemps de 1860, ils ouvrirent des négociations pour étudier les moyens capables de conduire à l'établissement d'un gouvernement raisonnable sur le territoire mexicain (2).

» L'exécution de cette idée était si avancée que les trois gouvernements ayant donné à leurs représentants des instructions pour contribuer à la pacification du pays, ils reçurent à cet effet des propositions formulées par le président substitué de la République et par le général Degollado (3).

(1) Dans le remaniement des articles on supprima le mot spécialement et tout le membre de phrase auquel faisait allusion le ministre espagnol.

(2) Cette tentative échoua par la mauvaise foi de Miramon, ainsi qu'on peut s'en assurer par la correspondance du négociateur anglais, M. William Cornwallis Aldham.

(3) Il y a dans ce paragraphe une double erreur.

1o Le général Miramon, dont il s'agit ici, n'était pas le substitué du président de la République, comme le dit par erreur M. C. Collantes, mais celui de M. Zuloaga, chef de l'administration réactionnaire émanée du coup d'État, ce qui est bien différent. Le président de la République, alors comme aujourd'hui, était M. Juarez, et c'est en vertu de ses ordres que M. S. Degollado, alors ministre des affaires étrangères, fit à M. Aldham les ouvertures dont parle le ministre espagnol.

2o Quant à M. Miramon, sa conduite était tellement infâme, que le

» Or, ce que la situation du Mexique réclamait à cette époque, est devenu depuis une impérieuse nécessité, de telle sorte que ce n'est pas seulement un besoin politique, mais un devoir d'humanité.

» On ne peut donc pas croire que les gouvernements d'Angleterre et de France aient abandonné une idée aussi juste, et V. E. mettra tout en œuvre pour leur persuader que l'action commune des trois puissances serait peu digne, si le sang des Mexicains et des Européens qui habitent ce malheureux pays devait continuer à couler à flots en présence de leurs glorieux pavillons.

» L'art. IV pourrait se refondre avec le premier, mais comme l'Espagne a constamment protesté de son désintéressement et qu'elle n'aspire à aucun avantage matériel en dehors de ceux que peuvent obtenir les deux nations amies, V. E. se contentera de manifester au gouvernement près duquel vous êtes accrédité l'opinion de celui de S. M. sur le peu d'importance de cet article, et même sur les inconvénients de la répétition d'une même idée qu'on pourrait interprêter comme l'expression d'une méfiance sans motifs, ou comme la manifestation d'une volonté irrévocable de laisser le peuple mexicain abandonné à ses propres forces et à ses déplorables habitudes (1), en rendant impossible l'organisation d'un gouvernement raisonnable par le découragement que la crainte d'un pareil abandon pourrait produire sur les caractères droits et sur les personnes bien intentionnées.

» Du reste, quand bien même cet article conserverait la rédaction qu'on lui a donnée dans le projet de Convention et ne s'arrêterait pas au mot d'avantage spécial, ce qui, dans l'opinion du gouvernement de la reine, serait tout ce qu'il devrait contenir, ses intentions et ses désirs n'en seraient encore nullement contrariés.

» Il est inutile de dire que le gouvernement de la reine considère la forme monarchique comme préférable à toutes les autres formes de

même M. Aldham, le 28 mars 1860, se crut obligé de lui écrire une lettre dans laquelle se trouve, entre autres, la phrase suivante : « Si V. E. continue à suivre le chemin qu'elle a suivi jusqu'à ce jour, elle ne règnera jamais sur les cœurs de ses concitoyens. Une petite partie de ceux-ci pourra bien s'unir à elle, mais ce sera par crainte et non par amour.......

Une pareille lettre, je l'espère, n'a pas besoin de commentaires. (1) M. Calderon Collantes, pour un ministre venu d'un pronunciamiento, aurait dû peut-être se montrer un peu plus indulgent, et, dans tous les cas, ne pas oublier ainsi l'histoire courante de son propre pays.

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