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pratiqué ses devoirs d'une manière entièrement differente. Cette déclaration ne pouvait tomber plus d'aplomb sur la tête de M. Lettsom d'abord, puis sur celle de M. Otway, qui se sont convertis l'un et l'autre, je ne sais trop pourquoi, en instruments passifs deM. de Gabriac, et je profite de la circonstance pour appeler l'attention du gouvernement de la Grande-Bretagne sur une confession dont la sincérité ne saurait être mise en doute, et dont la candeur lui apprendra ce que M. de Gabriac pensait intérieurement du rôle que les représentants de l'Angleterre protestante ont joué dans cette triste affaire.

Sans prétendre justifier en rien la conduite de M. de Gabriac, cette conduite, quelque coupable qu'elle fût, avait cependant, et jusqu'à un certain point, son explication dans le rétablissement du pape à Rome, en 1849, et dans la réciprocité dont le clergé avait donné des preuves, en France en acclamant, le premier, le succès du 2 décembre 1851. Mais la conduite des representants de l'Angleterre n'était liée par aucun compromis antérieur, ni à Mexico, ni à Rome; et si quelque chose avait encore été capable de m'étonner, je l'aurais été bien certainement en voyant les chanteurs de psaumes, comme les appellent les catholiques, sacrifier aussi facilement les intérêts de leur libre examen aux exigences d'une coterie exclusivement papiste.

Quoi qu'il en soit, M. de Gabriac, au moment de quitter le Mexique, avait trouvé le moyen d'y économiser une somme de 150,000 piastres, et encore je dois ajouter que cette somme ne constituait pas tout son avoir (1).

Je ne voudrais pas dire qu'il y a battu monnaie avec les sentiments qu'il appelait le plus doux des devoirs pour un fils de notre Sainte Religion, mais enfin une pareille somme ne se trouve pas, comme on dit, sous le pied d'un cheval, et nous donne bien le droit d'examiner d'où elle pouvait provenir. Examinons donc un peu.

(1) Voir sa lettre à l'administration réactionnaire, en date du 5 mai 1860, pour lui demander l'autorisation de pouvoir expédier librement à Veracruz, c'est-à-dire, sans payer les droits imposés sur l'argent, une somme de 150,000 piastres, composant, disait-il, une grande partie de son avoir,

450,000 piastres mexicaines font, si je ne me trompe, quelque chose comme 795,000 francs, argent de France, à raison de 5 fr. 30 c. la piastre.

M. de Gabriac est resté cinq années au Mexique avec des appointements de 80,000 francs par an, soit un peu moins de 16,000 piastres.

Il n'a jamais passé pour généreux, j'en conviens, mais en dépit de sa propension bien connue à l'économie, il fallait bien vivre et de plus il était obligé parfois de rendre, bon gré malgré, quelques-unes des invitations que lui valait sa qualité de ministre de France.

Pour compenser autant que possible ces deux nécessités, celle de l'économie et celle qui résultait de certaines dépenses obligatoires, j'admettrai, si l'on veut, qu'il ne dépensait qu'une moitié de ses appointements et qu'il économisait l'autre; et l'on m'accordera en échange, du moins je l'espère, que s'il avait des capitaux en France avant d'être nommé à la légation du Mexique, il ne les aura certainement pas déplacés pour les emporter avec lui.

Or, 8,000 piastres par an, c'est-à-dire la moitié de ses appointements, multipliés par 5, chiffre représentant le nombre d'années que M. de Gabriac a passées au Mexique, donnent pour résultat, si je ne me trompe encore, une économie de 40,000 piastres, soit à 5 fr. 30 c. l'une, 212,000 fr.

D'autre part, M. de Gabriac, par une note du 5 mai 1860, a demandé la faculté de pouvoir expédier librement à Veracruz, c'est-à-dire, sans être soumis à aucune des charges qui grèvent en ce pays l'argent du commun des martyrs, quand cet argent est obligé de voyager, une somme de 150,000 piastres, constituant, disait-il, une grande partie et non la totalité des valeurs qu'il possédait 150,000 Il lui restait :

1o Le surplus des susdites valeurs, surplus dont je ne connais pas le chiffre et que pour ce motif, je porte ici uniquement pour mémoire.

20 celles qu'il avait peut-être déjà envoyées en France, et que je ne porte encore que pour mémoire.

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Report.

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Il avait économisé sur ses appointements une somme de

Partant il restait en sa faveur, et sans parler de l'inconnu un excédant de 110,000 piastres, soit 583,000 francs argent de France

40.000

. p. 110,000

Ce n'est pas, je le répète, que je veuille dire par là que M. de Gabriac avait eu soin de se faire payer les services qu'il avait rendus à l'Église mexicaine, pendant l'accomplissement de sa mission, mais on conviendra du moins que pour réaliser un semblable bénéfice avec le produit de cinq années d'économies, M. de Gabriac avait dû s'occuper de toute autre chose que de ses fonctions diplomatiques, et les Français dont il refusait à chaque instant de défendre les droits outragés par la réaction, doivent comprendre maintenant qu'il ne pouvait vaquer en même temps à leurs intérêts et aux siens.

No 2.

M. DE SALIGNY.

M. de Saligny était arrivé à Mexico le 12 décembre 1860, quinze jours seulement avant la chute de l'administration réactionnaire.

Son nom était pur de tous les tripotages qui avaient rendu celui de M. de Gabriac si profondément impopulaire, et pour se faire aimer de la population française, il n'avait besoin que d'avoir l'air de s'occuper de ses intérêts.

Mais engagé par la conduite passée de son prédécesseur, peut-être même dominé par la lettre de ses propres instructions, il attendit dans l'ombre ce qui adviendrait du parti conservateur auprès duquel il avait été lui-même accrédité par un office daté de Fontainebleau, le 28 juin précédent ; et pour ne pas être une déclaration positive de guerre, son silence, dans les circonstances où l'on se trouvait, n'en était pas moins significatif.

C'était cependant le cas, ne fût-ce que pour justifier la conduite tenue le 23 janvier 1858, par M. de Gabriac, de

mettre en pratique cette fameuse théorie de reconnaître, quand même, le gouvernement maître de la capitale; mais les journaux avaient beau le harceler, M. de Saligny s'obstinait à garder le silence, et laissait le champ libre à l'appréciation des nouvellistes dont les uns (1) prétendaient qu'il voulait faire payer sa reconnaissance au gouvernemeut, tandis que d'autres (2) allaient jusqu'à douter de sa qualité de ministre de France.

Cet état de choses dura jusqu'au milieu de février, époque à laquelle il donna tout à coup signe de vie, et voici à quelle occasion.

Le gouvernement avait de bonnes raisons pour soupçonner la supérieure de l'ancien couvent de la Conception d'avoir caché tout ou partie des valeurs précieuses de son monastère dans la maison mère des Soeurs de Charité. Il ordonna en conséquence au général Valle d'y faire des recherches, et celui-ci en confia la direction au colonel Refugio Gonzalez. Ce dernier se mit aussitôt à l'œuvre et découvrit une somme de 41,600 piastres, 220,480 francs cachée dans un conduit pratiqué sous la niche, no 17, du panthéon de cet établissement.

Les religieuses prétendirent d'abord que cet argent appartenait à une dame nommée Mme Perez Galvez; mais s'apercevant bientôt de l'impossibilité de soutenir ce mensonge officieux, elles se hâtèrent d'ajouter qu'elles n'en étaient pas bien sûres et qu'il leur était impossible de designer au juste la personne à qui il appartenait.

Puis on découvrit dans des caisses déposées dans les appartements, une couronne, des chandeliers, des vases, des plats, des ciboires, des patères et des ostensoirs, le tout massif, en or ou en argent, et mis en dépôt dans cette maison tant par la supérieure de la Conception que par des prêtres qui avaient dépouillé les églises à leur profit, et espéraient utiliser ces objets volés pour leur service personnel, ou pour provoquer le zèle mercenaire des amateu ́s des pronunciamientos.

(1) Le Movimiento du 2 février 1861. (2) Le Constitucional du 28 janvier,

Ici se pose la question de savoir si le gouvernement avait ou n'avait pas le droit de faire opérer les perquisitions dont il s'agit.

Pour ma part, je n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Cette communauté, comme toutes les congrégations religieuses nées et à naître, était uniquement dirigée par les ordres, si l'on aime mieux, par les avis du clergé. Dans un moment où les intrigues cléricales étaient très-actives, où Marquez et Zuloaga, cela n'était un mystère pour personne, recevaient de Mexico des subsides et des informations journalières, la maison des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul pouvait devenir, même à l'insu des religieuses qui l'habitaient, un lieu de recel, de refuge ou de dépôt; en un mot, le point de départ des correspondances et des menées du clergé. Dès lors il est évident qu'en vertu du droit que nous possédons tous, les gouvernements aussi bien que les individus, de veiller à notre sûreté, le ministère pouvait surveiller les actes justement suspects des chefs de l'Eglise, et en suivre les traces jusqu'au milieu de l'enceinte où vivaient réunies les Sœurs de Charité.

Ce fut cependant le moment que choisit M. de Saligny pour sortir du silence caractéristique qu'il avait gardé jusqu'alors, et la manière dont il s'y prit indique une colère concentrée dont il serait impossible de comprendre les motifs, à moins de supposer quelques exigences antérieures de sa part, exigences auxquelles le gouvernement aurait refusé de se prêter.

Il prit une feuille de papier libre, et sur ce chiffon, voici la lettre, non la note, qu'il adressa à M. F. Zarco, alors ministre des relations extérieures.

<«<< Mon cher Monsieur,

» Votre gouvernement a-t-il donc résolu de me pousser à bout et de » se brouiller avec la France? Je dois le croire en le voyant persister » dans les incroyables outrages dont l'établissement des Sœurs de >> Charité est le théâtre depuis trente-six heures. Malgré toutes les >> recommandations que je vous ai fait adresser hier par M. de La » Londe, cet établissement continue à être occupé par une soldates» que grossière et brutale qui se livre à toutes sortes d'insultes » envers la supérieure et les autres sœurs. Je n'assisterai pas plus » longtemps à un tel spectacle qui est une offense directe et préméditée

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