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se prêtent le mieux au but qu'on se propose; et comme il est impossible encore de ne pas rencontrer, par-ci par-là, dans un document historique, quelque lambeau de phrase qui fournisse, au moyen de l'isolement, la matière d'une double interprétation, on arrive petit à petit à tronquer l'histoire; à faire dire aux pièces dont on se sert le contraire de ce qu'elles disent réellement.

De cette manière, nous pouvons bien nous flatter de posséder sur l'histoire de telle ou telle époque l'opinion plus ou moins juste, plus ou moins consciencieuse, de MM. tels et tels, mais nous ne saurions affirmer que cette opinion soit la reproduction fidèle des faits qu'elle traite et des circonstances qui les ont amenés.

Pour obvier à cet inconvénient, il n'y a qu'un seul moyen selon nous. Il consiste à rapporter simplement les faits, comme le recommandait en 1814 au ministre de la police le premier Bonaparte, en se contentant de les lier entre eux; mais en laissant à chacun le droit de se prononcer avec connaissance de cause sur les conséquences qu'on se croit soi-même en droit d'en tirer.

Mais comment faut-il s'y prendre pour obtenir une relation exacte des faits dont l'histoire doit se composer?

Le premier Bonaparte ordonnait à son ministre de la police de s'adresser aux préfets, aux maires, aux juges de paix, aux curés, aux évêques, voire même aux anciens seigneurs. Tout cela est sans doute fort bien; mais quelque respectables que soient individuellement des personnes ainsi placées, nous ne voyons rien qui puisse garantir leur véracité.

Il y a plus elles peuvent se tromper, et l'erreur alors deviendra d'autant plus regrettable que le caractère de celui qui l'aura commise inspirera plus de respect.

Le seul moyen pour ne pas se tromper, nous dirons plus, pour ne tromper personne, est de recourir aux pièces officielles et de constater les faits avec la confession de ceux qui les ont exécutés.

Ici se présente une nouvelle difficulté. Comment s'y prendre pour obtenir la communication de ces pièces? Il faut, selon nous, s'adresser aux gouvernements qui les

IV

communiqueront ou les refuseront selon qu'ils croiront avoir intérêt à faire l'un ou l'autre.

Des affaires particulières nous ayant conduit à Mexico en 1867, nous avons agi ainsi. Nous avons demandé au gouvernement de M. Juarez, qui nous l'a accordée, l'autorisation de rechercher dans les papiers laissés par l'archiduc Maximilien au moment de son départ pour Querétaro, tous les documents qui nous paraîtraient de nature à faire connaître les moyens mis en œuvre pour imposer l'empire aux populations du Mexique.

C'est avec les copies de ces documents que nous avons composé cette histoire. Toutes les pièces qu'elle contient sont officielles, et le congrès lui-même, connaissant parfaitement leur origine, a autorisé le gouvernement, par un décret daté du 20 avril 1868, à en acheter 1,000 exemplaires aux frais de l'État.

Un mot maintenant sur le but que nous nous proposons. Les orateurs qui ont parlé de la question du Mexique, les écrivains qui s'en sont occupés, ont négligé jusqu'ici deux éléments essentiels : la situation du pays au début de l'expédition, la part de responsabilité des puissances européennes dans cette situation. L'expédition elle-même n'a été bien souvent qu'un objet de polémique servant d'un côté à attaquer la conduite du maréchal Bazaine; d'un autre à la défendre; d'un autre encore à célébrer les bonnes intentions de Maximilien. Quant aux moyens employés pour imposer l'empire à des populations qui n'en voulaient pas, personne n'a même songé à s'en occuper les intérêts des acteurs s'opposent encore, à ce qu'il paraît, à ce qu'on dissipe les ombres qui entourent ce drame lugubre et sanglant. Si nous parvenons à dissiper une partie de ces ombres, à combler une partie des lacunes dont nous parlions plus haut, à rétablir en un mot une partie de la part qui revient à chacun dans cette œuvre de bestiaires, nous croirons avoir fait une œuvre utile, et nous n'en demandons pas davantage.

E. LEFEVRE.

Londres, avril 1869.

AVANT L'INTERVENTION.

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HISTOIRE

DE

L'INTERVENTION FRANÇAISE

AU MEXIQUE

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Le Mexique à vol d'oiseau.

Le Mexique est une vaste contrée de la partie la plus méridionale de l'Amérique du Nord, située entre le 16o et le 320 degrés de latitude N., et le 87e et le 126o de longitude O. Il est borné au N. par les États-Unis; à l'E., par le golfe du Mexique; au S., par le Guatemala; à l'O., par le Pacifique, et s'étend sur une superficie de 144,247 lieues carrées, cinq fois grande à peu près comme la France en y comprenant les pays récemment annexés de Nice et de la

Savoie.

Le ciel y est pur et d'une inaltérable sérénité, excepté cependant pendant la saison des pluies qui dure de trois à quatre mois, du 15 juin aux premiers jours d'octobre. Alors, pour parler le langage métaphorique de la Bible, les cataractes du ciel s'ouvrent régulièrement tous les jours; mais seulement le soir, de 3 à 5 heures, et les matinées restent d'une admirable sérénité. Grâce à une élévation de 7,010 pieds au-dessus du niveau de la mer, le plateau qui constitue la majeure partie du pays, bien que situé sous la zône torride,

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