Page images
PDF
EPUB

attentat serait immédiatement mis en jugement (1); et conformément aux stipulations de l'art. 79 du même pacte, ses fonctions, jusqu'à la nomination de son successeur, devaient être remplies par le président de la Cour suprême de justice (2). De cette manière, il n'y avait qu'un changement de personne, je ne voudrais pas dire de nom, et M. Comonfort en était lui-même si bien convaincu que, le 17 décembre au matin, en se lançant dans son, aventure liberticide, son premier soin avait été de faire arrêter M. Juarez, parce qu'il était son successeur désigné.

Du reste, M. Comonfort s'aperçut bientôt du triste rôle qu'on lui faisait jouer. Mais trop faible pour oser avouer publiquement l'erreur dans laquelle il était tombé, et se livrer ensuite à la justice du Congrès, il préféra biaiser et continuer à louvoyer entre les partis, espérant, sans doute, opposer habilement le crédit du président de la Cour suprême à l'influence tracassière du chef des prononcés, et l'ambition du général de l'armée contre- révolutionnaire au patriotisme bien connu du président provisoire désigné par la Constitution. Dans ce but, il fit arrêter, le 10 janvier 1858, le général Zuloaga, chef du mouvement; mais cette fois encore, cette politique double, par conséquent fausse,

[blocks in formation]

ART. 103. Les députés au Congrès de l'Union, les membres de la Cour suprême de justice et les secrétaires d'État sont responsables pour les délits qu'ils peuvent commettre contre le droit commun pendant tout le temps de leurs fonctions, ainsi que pour les crimes, absences ou omissions dont ils pourraient se rendre coupables dans l'exercice de ces mêmes fonctions. Les gouverneurs des États le sont également pour infraction à la Constitution ou aux lois fédérales. Il en est de même du président de la République; mais pendant le temps de sa magistrature, il ne pourra être accusé, si ce n'est pour crime de haute-trahison envers la patrie, violation flagrante de la Constitution, attaque à la liberté des élections ou crime qualifié contre le droit commun.

(2) ART. 79.- En cas d'absence absolue ou momentanée du président de la République, le président de la Cour suprême de justice en exercera les fonctions, jusqu'à l'installation de son successeur.

échoua devant la logique impitoyable des partis; et bon gré mal gré, il lui fallut rendre la liberté à ses deux prisonniers, à M. Juarez et à M. Zuloaga. Le premier, rendu à la liberté le 11 janvier, quitta immédiatement la capitale pour aller organiser le gouvernement à Guanajuato; le second, heureux d'en être quitte à si bon marché, s'enferma dans la citadelle, bien décidé à ne plus livrer sa fortune aux mains de M. Comonfort, et bientôt celui-ci, abandonné de tous, sans partisans ni prestige, ne pouvant compter ni sur les réactionnaires qui le méprisaient après en avoir fait leur complice, ni sur les libéraux qu'il avait si indignement trahis, comprit enfin que son jour était venu, et se démit de fait de la présidence qui ne lui appartenait plus en droit en signant, dès le 15 janvier, les décrets que nécessitait la situation en qualité de général en chef de l'armée, et non plus comme président de la République (1).

De cette manière, il y eut pour la première fois deux gouvernements dans le pays : l'un réactionnaire et qui, bien que reconnu par les ministres étrangers, ne comptait d'adhérents que dans les villes de Mexico, Querétaro et Puebla; l'autre, libéral, et dont le pouvoir, nié par ces mêmes ministres, s'étendait cependant sur les États entiers de VeraCruz, Yucatan, Guerrero, Michoacan, San-Louis, Guanajuato, Zacatecas, Jalisco, Colima, Durango, Cohahuila, Nuevo-Leon, Tabasco, Chiapas, Chihuahua, Sonora, Sinaloa, et même sur une grande partie du district de Mexico.

Il serait trop long, peut-être même fastidieux, de raconter jour par jour les faits et gestes de ces deux gouvernements, mais comme il faut à toute force en parler, ne fût-ce que pour donner au lecteur une idée de leur moralité respective, je me contenterai d'en tracer les éphémérides.

Voici celles de la réaction :

(1) Voir les deux décrets des 15 et 16 janvier 1858, relatifs, le premier, à l'embauchage, le second, à l'introduction dans la ville des denrées de première nécessité.

ÉPHÉMÉRIDES DU PARTI RÉACTIONNAIRE.

23 janvier 1858. M. Zuloaga, le lendemain de son installation au palais national, s'empressa, par un décret, de rapporter les deux lois des 25 juin et 22 novembre 1856, ce qui prouve, de la manière la plus évidente, que l'insurrection n'avait pas eu d'autre motif.

15 mai 1858. - Contribution extraordinaire, imposée pour une fois seulement de 1 p. c., sur tout capital, meuble ou immeuble, qui était ou pouvait être employé dans une industrie quelconque.

Décembre 1858. Création de 7,500,000 fr. de bons 1,500,000 piastres portant la signature du clergé, et dont le remboursement, en dépit de la sainteté du caractère de ceux qui les avaient émis et signés, a été refusé quand est venue l'époque des échéances.

23 décembre 1858. Nouveau mouvement militaire initié, cette fois, par le général Manuel Robles Pezuela. — M. Zuloaga, ancien croupier d'une maison de jeu, que sa nullité seule avait désigné au clergé pour en faire son homme de paille, se réfugia chez le ministre de la GrandeBretagne et alla cacher sa honte à l'ombre du drapeau britannique.

Le lendemain, une junte de 150 membres mit fin aux espérances de M. Robles en déléguant le pouvoir au général Miramon, à la majorité de 50 voix contre 46 données à son concurrent. Il y eut 18 récusations, 34 abstentions et 2 billets blancs.

1er janvier 1859. Mais le général Miramon, par une note datée de Guadalajara, refusa la position que la junte lui offrait. Il arriva à Mexico le 21 janvier, réinstalla le pauvre Zuloaga à la présidence le 23, lui fit signer le 28 un décret en vertu duquel il le nommait son substitut, et s'empara de la situation trois jours après, le 1er février 1859.

7 février 1859. Nouvelle contribution, toujours pour une fois seulement de 1 p. c., sur tout capital de 1,000 piastres et au-dessus, meuble ou immeuble, soit qu'il se trouvât ou qu'il pût être employé dans une industrie quelconque.

De plus, << toutes les professions, métiers et exercices >> lucratifs dont le rapport mensuel pouvait être considéré » comme l'intérêt à un demi pour cent du capital affecté à > cette contribution; » y étaient également compris.

11 avril 1859. - A la suite d'une victoire remportée par le général réactionnaire Leonardo Marquez, sept médecins, dans le petit village de Tacubaya, situé aux portes mêmes de Mexico, furent arrachés des lits où ils pansaient les blessés et fusillés par ce tigre, le soir même de la victoire, sur un ordre signé par M. Miramon.

30 mai 1859. Autre contribution, cette fois de 10 p. c., frappée sur la propriété, et payable par moitié entre le propriétaire et le locataire.

Ce fut l'affaire d'un mois, rien de plus, rien de moins. Dès le 1er juillet, les caisses publiques se trouvaient aussi vides que devant, et, pour combler le déficit toujours croissant de l'administration, on eut recours à une sorte de panacée connue dans l'histoire des errements de cette triste époque sous le nom de loi Peza.

16 juillet 1859. — L'assiette de l'impôt s'y trouvait entièrement changée, et pourtant ce n'était point encore ce qu'il y avait de plus extraordinaire. Elle exigeait, ce qui ne s'était jamais vu, même dans les plus mauvais jours des temps, de tous les contribuables, indigènes ou étrangers, le paiement anticipé d'une année de contribution basée sur les règles nouvelles établies par la loi dont nous nous occupons.

28 septembre 1859. TRAITÉ MON ALMONTE.

Pour l'intelligence de ce traité, il est nécessaire d'entrer dans quelques considérations préliminaires.

Il y a, au Mexique, deux sortes de dettes : la dette intérieure et la dette extérieure: celle-ci protégée, l'autre participant de toutes les fluctuations du jour, et dont le prix ne s'est jamais élevé à plus de 12 p. c. de la valeur nominale de chaque bon.

Les Espagnols ayant acheté à vil prix une certaine quantité de ces bons de la dette intérieure, prétendirent, en leur

qualité d'étrangers, les faire comprendre dans le montant de la convention espagnole.

M. Comonfort, président de la République, s'y refusa, parce que leurs vendeurs n'ayant pu leur céder que les droits qu'ils possédaient eux-mêmes, leur qualité d'étrangers n'avait pu changer la nature de la créance qui était et demeurait mexicaine. En conséquence, il leur déclara qu'ils participeraient, comme détenteurs de ces bons, à tous les avantages qu'ils procuraient aux Mexicains, mais qu'ils n'auraient rien de plus.

Les Espagnols protestèrent contre cette décision : ils menacèrent d'envoyer une escadre devant Vera-Cruz, et le gouvernement mexicain, fatigué de tant d'injustice, rompit toute espèce de relation diplomatique avec eux jusqu'à ce qu'ils fussent revenus à de meilleurs sentiments.

Après le triomphe du coup d'État, ils s'empressèrent de reconnaître l'administration qui en était émanée, et, vingt mois après, le 28 septembre 1859, le général Almonte, représentant à Paris de Miramon, signa avec l'ambassadeur d'Espagne, M. Mon, un traité en vertu duquel ces bons furent enfin compris dans la convention espagnole. Mais, par un reste de pudeur dont il faut lui tenir compte, M. Mon stipula lui-même, dans l'art. 4, que son gouvernement s'engageait à ne pas se servir des clauses de ce traité pour en exiger plus tard un semblable.

M. Juarez, de retour à Mexico le 10 janvier 1861, refusa, au nom du gouvernement, de se prêter à cet arrangement léonin.

Il s'y refusa pour plusieurs motifs. Entre autres, parce qu'il était immoral; puis, parce qu'en agissant autrement, il aurait reconnu que l'administration réactionnaire aurait eu le droit de contracter au nom de la République, d'engager sa responsabilité, ce qui aurait infirmé le droit du gouvernement constitutionnel, et aurait changé les rôles en le présentant lui, président légitime, comme un révolté.

29 octobre 1859. - Bons Jecker.

La moralité de cette opération peut se résumer en quelques lignes.

Il y avait alors sur la place deux espèces différentes de

« PreviousContinue »