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Qu'est devenue cette lettre du général Zaragoza, dont le public entendait parler pour la première fois? — Pourquoi, si elle existe, M. de Lorencez ne l'a-t-il pas publiée dans le journal dont il disposait à Orizaba? - Pourquoi ne l'a-t-il pas transmise au gouvernement impérial? Pourquoi M. Billault, si prolixe cependant dans ses explications, ne l'a-t-il pas produite devant le Corps législatif afin de justifier cet étrange oubli, je tiens à rester poli, des obligations. les plus simples imposées par le droit des gens, et répondre victorieusement s'il le pouvait, à cette apostrophe foudroyante de Jules Favre M. de Lorencez a allégué des > raisons bien vagues, à la vérité, mais enfin il en a allégué quelques-unes. Je me permettrai seulement de lui dire, > au nom de mon pays, que les sentiments chevaleresques qui forment le fond de son caractère se concilient peu avec » de tels actes, et que ce n'est pas par le talent d'éluder les » traités il aurait dû dire de violer que la France se distingue dans l'histoire? »

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Il est permis dans tous les pays du monde de repousser la force par la force, à plus forte raison de châtier une nation assez misérable pour comploter lâchement le massacre des malades placés par les préliminaires d'un traité de paix sous la sauvegarde de son honneur. Mais lui imputer gratuitement un crime aussi odieux, afin de justifier par ce moyen un acte qui, dans une circonstance normale, n'aurait de justification possible dans aucune langue, c'est infâme, et si M. de Lorencez, aujourd'hui membre du sénat, avait eu le moindre souci de son honneur, il y a longtemps qu'il aurait donné publiquement les explications que le gouvernement n'a peut-être pas songé à lui demander.

Quant à nous, il nous reste pour nous aider à asseoir notre jugement sur la moralité de cet acte :

1o La lettre du général Zaragoza à l'amiral Jurien de Lagravière avec la réponse de celui-ci et celle de M. de Lorencez.

2o Celle de M. le docteur Colson au général Zaragoza pour lui demander une entrevue, avec la réponse de ce dernier. 3o La proclamation de M. de Lorencez.

Tout le reste n'est qu'un composé de bruits erronés, de

suppositions vagues, de raisons inventées après coup pour le soutien d'une mauvaise cause, et ne saurait, par conséquent, empêcher la responsabilité de retomber de tout son poids sur la tête de ceux qui l'ont encourue.

J'espère donc que l'on voudra bien me pardonner ces détails sans lesquels il m'eût été impossible de bien fixer le point de départ et la moralité de la guerre du Mexique, et je poursuis maintenant la suite de mon récit.

J'ai dit un peu plus haut comment l'armée française avant de marcher sur Puebla, avait assisté au pronunciamiento ridicule d'Orizaba en faveur du sieur Almonte. Cette nouvelle farce a eu lieu le 20 avril 1862, je veux dire, le jour même de l'entrée de M. de Lorencez à la tête de ses troupes, et fut signée par 90 individus, sur 30,000 environ, dont se compose la population de cette ville.

Mais si nous en croyions deux communiqués adressés à cette époque au journal Le Siglo XIX; le premier, par quatre Mexicains, le second, par huit Espagnols, il paraîtrait qu'on était tellement pressé d'avoir un acte quelconque, qu'on n'a pas même reculé devant la supposition de plusieurs signa

tures.

Voici ces deux pièces.

Protestation des Mexicains.

« MM. les rédacteurs du Siglo XIX.

» Messieurs, nous avons vu aujourd'hui dans le no 1 du Verdadero Eco de Europa (1), la copie de l'acte du pronunciamiento dressé, dans cette ville, le 20 courant. Comme nos signatures y figurent par supposition, et que nous ne nous sommes pas même approchés du lieu où s'est fait ce pronunciamiento, nous vous prions de vouloir bien démentir ce fait, aussi faux qu'abusif, dans les colonnes de votre estimable journal.

>> Nous vous serons très-reconnaissants de cette faveur.

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(1) Journal qui se publiait à Orizaba, sous la protection de M. de Lorencez.

Protestation des Espagnols.

<<< MM. les rédacteurs du Siglo XIX.

>>

Cordova, 24 avril 1862.

» Messieurs, hier, nous avons vu dans le no 1 du Verdadero Eco de Europa, journal qui se publie à Orizaba, la copie de l'acte dressé dans cette ville le 20 courant, sous les auspices des forces françaises. Il implique la méconnaissance du gouvernement constitutionnel, et renferme d'autres points de pure politique auxquels, en notre qualité d'étrangers, nous avons été bien loin de prendre part. Mais, en dépit de notre neutralité, nos signatures ont été publiées, par supposition, dans cet acte, et, sur ce fait, commis à l'ombre du drapeau français, nous allons nous expliquer loyalement et franchement, pour ne pas démentir notre caractère espagnol.

» Lorsque l'Eco de Prim, comme l'appelle aujourd'hui le Verdadero Eco de Europa, dans la conférence du 9 courant, a dit que M. le représentant de la France avait manifesté au nôtre le désir de fonder un empire auquel devait être appelé le prince Maximilien d'Autriche, ni S. E. M. de Saligny, ni aucune autre personne en son nom, n'a osé le démentir. Nous avons dès lors le droit de croire que l'Eco de Prim a dit la vérité, et que ceux qui ont propagé cette rumeur ne sont pas des gens mal intentionnés. Ces derniers mots répondent à l'injure que ces paroles renferment contre M. le comte de Reuss, et nous désirons que l'on sache bien que nous n'examinons pas la question de nationalité, attendu qu'en notre qualité d'Espagnols, nous croyons de notre devoir de repousser tout ce qui insulte notre représentant, quel que soit le drapeau qui protége celui qui profère l'insulte. Personne n'est autorisé à blâmer la conduite de M. le comte de Reuss, tant que notre patrie et l'Angleterre, désormais déliées de la Convention de Londres, n'auront pas désavoué la conduite de leurs commissaires; et c'est alors seulement que nous saurons si l'Eco de Europa a été l'Echo de Prim, et si le Verdadero Eco de Europa est en ce moment l'Eco de la France.

>> Ces explications une fois données pour dégager l'honneur de notre pays, nous devons exposer les motifs puissants qui nous ont empêchés d'assister au pronunciamiento du 20, et par conséquent de le signer. Le premier résulte de notre qualité d'étrangers, que nous perdrions par le seul fait de nous immiscer dans les affaires politiques du pays. Le second, aussi puissant que le premier, est causé par la politique de l'armée française, politique qui sera con

traire à la notre jusqu'à ce que le gouvernement impérial soit revenu purement et simplement au but qu'il se proposait en intervenant dans ce pays.

» Nous demandons à ceux qui ont abusé de nos signatures de nous en produire les originaux. Nous sommes décidés à les appeler devant les tribunaux de la République, et, en cas extrême, à élever nos plaintes jusqu'à notre gouvernement. En attendant, nous nous adressons à M. le vice-consul espagnol, résidant à Orizaba, pour qu'il veuille bien exiger la rectification de ce fait évidemment faux, nonseulement en ce qui nous concerne, mais encore à l'égard de quelques autres: 1o parce que nous avons refusé de nous rendre à l'invitation qui nous avait été faite en ce but; 2o parce que quelques autres des signataires prétendus n'étaient pas même en ville; 3o enfin, parce qu'un de ces derniers est en ce moment hors de la République.

» Dédiés à notre travail personnel depuis que nous sommes arrivés sur les côtes de ce pays infortuné, nous le considérons comme notre patrie adoptive. Nous déplorons ses malheurs. Nous avons été présents, peut-être même continuerons-nous à l'être, aux luttes qu'il soutient contre les étrangers; mais nous n'avons jamais pris, nous ne prendrons jamais aucune part dans ses discordes politiques. Pourquoi done, au risque de compromettre nos personnes et nos intérêts, un imposteur veut-il nous entraîner, en supposant nos signatures, sur un terrain qu'il nous est défendu d'aborder?

» Il est fort étonnant qu'à l'ombre d'un drapeau aussi civilisé que celui de la France, un fonctionnaire public, comme le secrétaire de la préfecture, se permette de certifier les signatures de certaines personnes dont il ne connaît pas même la voix: et il est pour le moins aussi regrettable que le Verdadero Eco de Europa ait inauguré sa publication en imprimant de pareils mensonges.

» Veuillez, messieurs les rédacteurs, donner place aux lignes qui précèdent, dans les colonnes de votre estimable journal, et recevoir, ete...

» Signé : Ramon RODRIGUEZ, P. PASTOR, Vicente QUIJANO,
Luis VALDECILIO, Gayetano G. de QUEVEDO, M. QUINTANA,
Vicente MANTILLA. Pour mon frère qui se trouve en
Europe, Gayetano G. de QUEVEDO. »

De pareils faits se passent aisément de commentaires; aussi, je n'en ferai pas. M. de Saligny avait enfin trouvé dans le général Almonte un homme selon son cœur; et M. de Lorencez, satisfait de pouvoir emporter dans ses bagages un

gouvernement aussi favorable à l'intervention, marcha quelques jours après sur la capitale de l'État de Puebla, où l'on tressait, a-t-il dit depuis, les couronnes de son triomphe; mais le général Zaragoza lui barra le passage à la journée du 5 mai suivant, et il fut obligé de revenir à Orizaba.

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