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été installé que pour vendre le Mexique à ceux qui l'avaient établi (1).

Derrière cette phraséologie sans pitié qui s'échappait de l'assemblée pour se répandre dans le peuple comme un bruit de clairon avant-coureur de la bataille, et que j'aurais été le premier à applaudir, s'il avait été question de payer la dette contractée, depuis le premier empire, envers la Pologne, cette France du Nord, l'avocat impérial cachait le dépit d'avoir été, pendant si longtemps, la dupe de renseignements erronés, et le regret plus grand encore d'être obligé, pour le moment, à renoncer à l'installation de la monarchie au Mexique (2).

Ce fut, si nous en croyons M. Joseph Hidalgo, un homme qui doit certainement le savoir, s'il est vrai, comme il l'a depuis affirmé dans une lettre publiée par la Epoca de Madrid, qu'il ait été attaché en qualité de secrétaire au grand prêtre de cette religion au Mexique, en 1854 et sous la férule omnipotente de Santa-Anna, que cette altesse d'un genre à part aurait proposé à l'Europe de monarchiser son pays, en appelant au trône un prince de race véritablement royale. Ce mortel privilégié était l'infant Don Juan de Bourbon; mais, par malheur pour lui, Santa-Anna fut obligé de se sauver l'année suivante, et emporta dans sa fuite la couronne de son protégé.

En 1857, lors de la rupture entre l'Espagne et le Mexique, le sieur Hidalgo, qui ne laissait passer aucune occasion de porter le trouble dans son pays, reprit soudainement courage, et il croyait arriver au comble de ses vœux sous l'administration du coup d'État dont les grands hommes, Zuloaga et Miramon, ne pouvant rien pour eux-mêmes, avaient repris

(1) Concession au gouvernement français de la Basse Californie, de la Sonora et de Sinaloa; concession niée, cela est vrai, par ses organes officieux, mais qui, cependant, a été l'objet de plusieurs pourparlers entre M. Drouyn de Lhuys et un certain George Saunders, commissionné de M. Jefferson Davis auprès du cabinet des Tuileries.

(2) Le général Forey n'est entré à Mexico qu'une année après. M. Billault était mort avant l'établissement de sa monarchie.

en sous-œuvre les machinations de Santa-Anna, quand la fortune qui se joue, en véritable femme, des aspirations les mieux réfléchies, remit de nouveau tout en question et emporta les rêves d'llidalgo et de son maître, le fameux Guttierrez Estrada, avec la fortune du vaincu de Capulalpam.

Mais la nouvelle de l'intervention projetée contre le Mexique par les gouvernements de France, d'Angleterre et d'Espagne, vint encore une fois ranimer leur courage, et ces chevaliers errants de la royauté s'attachèrent à cette espérance suprême avec la ténacité des joueurs qui exposent les restes de leur fortune sur une dernière carte. Ils comprirent tout d'abord, c'est le sieur Hidalgo lui-même qui a bien voulu nous l'apprendre (1), que du moment où les souverains de ces trois puissances se chargeaient en commun des frais de l'entreprise, il n'était pas convenable de choisir le futur monarque parmi les princes de leurs familles, et ils eurent l'insigne courage de le déclarer au chef de l'empire français, en lui présentant l'archiduc Maximilien d'Autriche comme l'homme le plus capable de régénérer leur malheureux pays.

Je ne veux rien dire en ce moment de ce qu'il y avait de profondément contraire aux intérêts de la France dans cette idée de faire servir son or et le sang de ses enfants à l'érection, de l'autre côté de l'Atlantique, d'un trône en faveur d'un prince autrichien. Dans la situation extrême où s'étaient placés depuis si longtemps les parrains de cette belle idée, on fait ce qu'on peut, jamais ce qu'on veut. Il leur fallait un monarque, empereur ou roi, là n'était point encore la question, mais il le leur fallait, dussent-ils pour cela s'adresser à l'empereur de la Chine et du moment où ils sacrifiaient à cette monomanie les liens qui attachent tout homme de cœur au pays qui lui donna le jour, nous ne devons pas être étonnés qu'ils fissent si bon marché d'un or et d'un sang qui n'étaient après tout pour eux que l'or et le sang des étrangers. C'était aux ministres de l'empire à représenter au chef responsable du gouvernement toute

(4) Lettre de M. Hidalgo, insérée dans la Epoca.

l'inconvenance d'un pareil procédé, et le plaidoyer de Me Billault, un des plus faibles que j'aie lus de cet avocat, aurait été suivi, dans un autre temps, d'un acte d'accusation qui aurait renvoyé son auteur devant le tribunal chargé de prononcer sur les attentats de haute trahison.

Mais du moment où il convenait à la politique impériale de renverser la République au Mexique, le devoir de la France, aux yeux de cet ancien membre de l'opposition, était de prodiguer son or, de verser son sang et de se taire. Dans ce but, les thuriféraires du gouvernement s'empressèrent de déclarer, avant même l'arrivée des commissaires alliés à Veracruz, « que dix-huit États sur vingt et un qui > composaient, disaient-ils, la confédération mexicaine, » étaient décidés à adhérer à la monarchie (1), » et le général Almonte, ancien représentant du gouvernement réactionnaire près le cabinet des Tuileries, accepta la mission odieuse de se rendre auprès de l'archiduc d'abord, pour lui offrir une couronne à laquelle il n'avait jamais songé jusquelà, puis au Mexique, pour y consommer la ruine de sa patrie.

D

(1) La Patrie, no du 6 février 1862.

L'auteur de cette correspondance évidemment falsifiée et qu'on supposait cependant avoir été écrite à Veracruz le 5 janvier précédent, ne connaissait pas même la géographie du pays dont il parlait. La confédération se composait de 24 Étals, et non de 21; d'un district et d'un territoire.

XVI

Continuation du même sujet.

Le général Almonte arriva à Veracruz le 1er mars 1862, en compagnie d'un autre traître, le général Haro y Tamariz, et du fameux P. Miranda, aujourd'hui décédé.

Il se mit immédiatement en rapport avec le colonel A. Garcia, un des officiers commandant l'avant-garde de l'armée mexicaine, pour lui proposer de méconnaître l'autorité constitutionnelle de M. Juarez, et de le proclamer, lui, Almonte, chef suprême de la République. Le colonel, justement indigné, transmit cette étrange correspondance au gouvernement, et M. Doblado, convaincu du rôle que venait jouer dans son pays le fils doublement bâtard de l'illustre Morelos, adressa la communication qu'on va lire aux plénipotentiaires alliés, pour leur demander l'éloignement et non la remise de ce traître aux autorités mexicaines, ainsi que l'a prétendu M. Billault dans sa réponse à M. Jules Favre (1).

« Palais national, Mexico, 3 avril 1862.

» Le soussigné, ministre des relations extérieures de la République mexicaine, en vertu des ordres du C. Président, a l'honneur de s'adresser à LL. EE. MM. les commissaires de l'Angleterre, de la France et de l'Espagne, pour leur exposer qu'il est de notoriété irréfutable que MM. Juan N. Almonte, Antonio Haro y Tamariz, le Padre Francisco J. Miranda, etc, en compagnie de plusieurs autres réactionnaires, se sont présentés dans le pays, dans le but manifeste d'y amener une nouvelle révolution et de provoquer des émeutes. En conséquence, le séjour de ces individus sur le territoire national, sur les points surtout qu'ils ont choisis pour foyers de leurs conspirations, est une menace criminelle contre la paix publique, objet principal des hautes puissances alliées aussi inté-, ressées à sa conservation qu'elle est nécessaire au bien-être et à

(1) Séance du 27 juin 1862.

l'heureuse solution des questions pendantes entre elles et la République.

» Dans cette situation, le gouvernement suprême, obligé de maintenir la paix, et jouissant du droit incontestable qui lui appartient d'éloigner tout ce qui pourrait la compromettre, demande à LL. EE. MM. les commissaires de vouloir bien ordonner que les personnes ci-dessus désignées seront RÉEMBARQUÉES aussitôt et TRANSPORTÉES hors de la République.

>> Cette demande est d'une justice tellement évidente que le gouvernement suprême ne doute pas un instant que les dignes représentants des puissances alliées ne la prendront en considération immédiate.

» Le soussigné saisit cette nouvelle occasion, etc.

(Signé) M. DOBLADO. »

Dans la conférence d'Orizaba (1), M. de Saligny a dit, et jamais il n'a été démenti sur ce point, que le bâtiment sur lequel le général en chef des troupes françaises, M. de Lorencez, était arrivé au Mexique, avait été retenu au port, pendant quatre jours, par ordre exprès de l'Empereur, pour attendre M. Almonte. Il a même ajouté que cet individu était un proscrit: que la France n'avait jamais refusé sa protection aux hommes qui se trouvaient dans sa situation; et que cette protection une fois accordée, il était sans exemple qu'elle eût jamais été retirée.

Depuis, M. Billault a soutenu devant le Corps législatif (2). que le susdit Almonte n'était ni proscrit ni condamné par son gouvernement, si prodigue cependant de condamnations sanglantes si bien que, ne sachant à qui croire des deux, je demande à mon tour la permission d'examiner ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces deux apologies différentes.

Cette qualité de proscrit derrière laquelle M. de Saligny a voulu abriter la situation particulière du général Almonte, afin de justifier la protection spéciale dont il avait été l'objet de la part du gouvernement impérial, était sans contredit la plus intéressante qu'on pût invoquer en sa faveur, et ce n'est pas moi, proscrit du 2 décembre, qui refuserai de

(1) 9 avril 1862.

(2) Séance du 27 juin 1862.

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