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froidement à la tribune du Corps législatif, par le ministre principal du second empire. Les faits cependant ont leur logique; logique que personne ne peut nier, et puisqu'on m'entraîne sur ce terrain, voici ce que nous dit la voix irrécusable des faits.

Le 17 décembre 1857, M. Comonfort, président de la République mexicaine, s'est insurgé contre la constitution de son pays, en compagnie des Zuloaga et des Miramon, de la même manière qu'en 1851, le président de la République française s'est insurgé contre la constitution de 1848, en compagnie de M. Rouher et de ses pareils.

Rien de plus, mais aussi rien de moins; et comme la vérité s'impose toute seule, je laisse à chacun le droit de décider, dans les deux cas, de quel côté se trouvait le droit, duquel se trouvait la révolte,

Quant à M. Juarez, que M. Rouher nomme un rebelle au même titre qu'il se donne lui-même comme le défenseur des lois et de la moralité publique, il a pris légalement possession de la présidence de la République, le 19 janvier 1858, en vertu de l'article 79 de la constitution. Il y a été maintenu par le suffrage universel de ses concitoyens, une première fois en 1861, une seconde en 1867; double consécration, n'en déplaise à cet orateur malheureux, qui a manqué à ses bons amis Zuloaga et Miramon; et si nous ne supposons à priori que la reconnaissance de ces derniers par les ministres de France et d'Angleterre en qualité de président de la République a pu leur tenir lieu de légitimité, ce qui, pour parler comme M. de Saligny, serait créer à leur profit un nouveau droit des gens, en opposition formelle à celui qui a servi de règle jusqu'ici à toutes les relations internationales, je ne comprends pas comment, en 1861, les gouvernements de France, de la Grande-Bretagne et de l'Espagne, ont osé rendre le gouvernement légitime du premier solidaire des actes consentis par les administrations intruses des seconds.

Je renvoie après cela M. Rouher, pour s'instruire de ce qui concerne M. Pacheco, aux séances du sénat Espagnol des 15 et 16 novembre 1861, et, fermant ici ma parenthèse, je vais aborder les préliminaires de la Soledad.

XV

Préliminaires de la Soledad.

RUPTURE DE CES PRÉLIMINAIRES ET DISCOURS PRONONCÉ PAR M. BILLAULT DANS LA SÉANCE DU CORPS LÉGISLATIF DU 27 JUIN 1861.

Dans la situation où se trouvaient les choses, tout le monde, au Mexique, s'attendait à un arrangement. On comptait, et quand je dis on, je parle de la population, presque tout entière, des étrangers aussi bien que des indigènes, on comptait sur le bon sens des commissaires alliés dont les noms, si j'en excepte celui de M. de Saligny, paraissaient à chacun comme une garantie de la paix à laquelle tout le monde a cru jusqu'au dernier moment.

La nomination du général Prim par l'Espagne était, en effet, d'une éloquence capable de lever à elle seule bien. des doutes. Je ne veux parler ici ni de ses antécédents, ni de ses relations de famille (1), mais on supposait, je ne sais pourquoi, que ce général devait arriver au Mexique sans parti pris, sans préventions d'aucune espèce; animé de dispositions plutôt favorables qu'hostiles.

On pensait généralement qu'avant de se décider sur les mesures qu'il y avait à prendre, cet officier devait désirer voir et entendre par lui-même, et quelque disposé d'ailleurs qu'il pût être, on était certain qu'il verrait et entendrait des choses sur lesquelles il ne comptait certainement pas. Il devait voir, par exemple, que dans ce pays, que les cabinets européens voulaient, disaient-ils, laisser libre de se

(1) Le général Prim a épousé une Mexicaine; Mlle Agüero, nièce de M. Echevarria, ancien ministre des finances de la République.

constituer à son gré (1), il n'y avait, depuis plus d'une année, ni un État, ni un district, ni même une ville, petite ou grande, qui ne reconnût les autorités établies par la constitution; et que si, après trois ans de guerre civile, il restait encore par ci par là quelques bandes de dissidents, ces bandes étaient toutes commandées par des malfaiteurs reconnus, tels que Marquez et ses complices, ou par des Espagnols qui s'efforçaient précisément de maintenir cette anarchie à laquelle prétendaient mettre un terme les trois puissances alliées.

Le fait était assez remarquable par lui-même pour qu'il y prît garde; car, pour se convaincre du triste rôle joué par ses compatriotes dans ce malheureux pays, il n'avait qu'à parcourir chaque matin les colonnes des journaux. Là, il aurait trouvé les rapports des chefs militaires chargés de combattre les derniers restes de la réaction: et pour peu qu'il eût daigné jeter les yeux sur les faits qui s'étaient passés avant son arrivée, il y aurait rencontré la déroute, la capture et l'exécution de Marcelino Cobos, de Lindoro Cagigas, d'Ibarguren, d'Islas, de Beltram, de Casillas, d'Otero et de plusieurs autres Espagnols, fusillés comme bandits, peu de temps avant son arrivée.

Alors, pensait-on, il comprendrait tout ce que les Espagnols honorables, pacifiques, laborieux, et il y en avait beaucoup, avaient dû souffrir de cette conduite de leurs compatriotes; et alors aussi, l'on n'en doutait pas, il devait vouloir, en qualité de commissaire extraordinaire de son gouvernement, séparer le bon grain de l'ivraie.

De leur côté, les amiraux Dunlop et Lagravière, à leur arrivée à Veracruz, n'avaient qu'à s'informer chacun auprès de leurs compatriotes respectifs, pour savoir de quel côté étaient leurs sympathies, duquel leurs antipathies, duquel encore leurs véritables intérêts. Dans ce cas, ils allaient peut-être s'étonner, et certes il y avait bien de quoi, de voir que, dans des circonstances aussi graves, quand ils débarquaient sur la plage les armes à la main, le Mexique se refusait encore à les prendre pour ses ennemis; qu'il ne voulait

(1) Art. 11 de la Convention du 31 octobre 1861.

pas croire à leur hostilité, et que les noms de la France et de l'Angleterre étaient soigneusement écartés de tous les bulletins dirigés contre l'Espagne (1).

C'étaient là des réflexions que tout le monde se faisait, et si je les taisais, je croirais manquer à un devoir de conscience. Les commissaires alliés devaient donc être surpris, je le répète, de tout ce qu'ils allaient voir, de tout ce qu'ils allaient entendre; et il était impossible qu'ils ne comprissent pas, en dépit des rapports intéressés portés au delà des mers, que, dans tout ce qu'on avait à lui reprocher, le Mexique avait été plus malheureux encore que coupable.

La question une fois posée sur ce terrain, et c'était là le véritable, il paraissait hors de doute qu'elle se simplifierait chaque jour davantage. Les commissaires allaient donc comprendre que le Mexique avait besoin tout d'abord d'une pacification complète, et que les outrages, les exactions, les actes arbitraires dont se plaignaient avec raison les étrangers, disparaîtraient en même temps que la guerre civile; mais que la pacification de la République ne pourrait avoir lieu qu'au moyen de la consolidation de l'œuvre constitutionnelle élevée avec tant de peines sur les ruines du passé.

Personne ne fut donc surpris des préliminaires de paix signés le 19 février 1861 à la Soledad, entre le comte de Reuss, d'une part, et M. Doblado, de l'autre ; préliminaires ratifiés depuis par les autres commissaires et par le président de la République.

Ces préliminaires étaient ainsi conçus :

(1) Cette vérité était tellement vraie que le général Prim lui-même en a été frappé, et que, dans une de ses dépêches à M. Calderon Collantes, il s'exprimait ainsi :

« Il n'y a pas ici contre les Anglais et les Français la haine et les » rancunes qui existent contre les Espagnols. Cependant, ces mauvais >> sentiments, quelque immérités qu'ils soient, n'en sont pas pour » cela moins profonds et moins généraux. IL ESt donc indispensABLE » QU'IL N'Y AIT POINT DE SÉPARATION ENTRE les trois puissances. » Dépêche déjà citée du 27 janvier 1868, no 9.

Préliminaires dont sont convenus M. le comte de Reuss et le ministre des relations extérieures de la République du Mexique.

<< Attendu que le gouvernement constitutionnel qui régit actuellement la République mexicaine a manifesté aux commissaires des puissances alliées qu'il n'a pas besoin des secours qu'ont offerts ces derniers avec tant de bienveillance au peuple mexicain, et qu'il possède en lui-même les éléments de force et d'opinion nécessaires pour se maintenir contre toute révolte intestine, les alliés entrent de suite sur le terrain des traités et sont prêts à formuler toutes les réclamations qu'ils ont à faire au nom de leurs nations respectives.

» I. A cet effet, les représentants des puissances alliées protestant, comme ils protestent, qu'ils n'ont l'intention de rien intenter contre l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité du territoire de la République, les négociations s'ouvriront à Orizaba, ville dans laquelle se rendront les commissaires et deux ministres du gouvernement de la République, sauf le cas où, d'un commun accord, on conviendrait de nommer des représentants délégués par les deux partis' (1).

» II. Pendant les négociations, les forces des puissances alliées occuperont les trois centres de population de Cordova, Orizaba et Tehuacan, avec leurs rayons naturels.

» III. Pour qu'on ne puisse supposer, même d'une manière éloignée, que les alliés ont signé ces préliminaires pour se procurer le passage des positions fortifiées qu'occupe l'armée mexicaine, il est stipulé qu'au cas malheureux où les négociations viendraient à se rompre, les forces des alliés abandonneront les centres de population ci-dessus mentionnés, et retourneront se placer sur la ligne qui est en avant de ces fortifications dans la direction de Veracruz, en désignant comme points extrêmes principaux, celui de Paso Ancho, sur la route de Cordova, et celui de Paso de Ovejas, sur celle de Jalapa.

>> IV. Si le cas malheureux de la rupture des hostilités venait à se présenter, et si les troupes alliées se retiraient sur la ligne indiquée dans l'article qui précède, les hôpitaux alliés dans ces trois villes seraient sous la sauvegarde de la nation mexicaine.

» V. Le jour où les troupes alliées entreprendront leur marche pour occuper les points désignés dans l'article deuxième, on arbo

(1) Sur la demande expresse de M. de Saligny, l'ouverture des négociations fut fixée au 15 avril suivant.

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