Page images
PDF
EPUB

XIII

Réclamations des puissances alliées.

Les réclamations présentées à cette époque par les commissaires alliés qui les accompagnèrent d'une note où leur pensée intime se trouvait, pour ainsi dire, voilée sous les circonlocutions en usage dans le style diplomatique, furent remises au président de la République dans l'ordre suivant :

Numéros 1. Réclamations espagnoles;

>> 2. Réclamations françaises;
3. Réclamations anglaises.

No 1

RÉCLAMATIONS ESPAGNOLES.

Ces réclamations étaient entièrement conformes à ce que j'en ai déjà dit à la page 65 de cet ouvrage. Je me contente de le constater, pour éviter les redites, et je passe tout de suite aux indemnités réclamées par M. de Saligny au nom du gouvernement français.

No 2.

RÉCLAMATIONS FRANÇAISES.

L'amiral Jurien de Lagravière et M. de Saligny avaient adressé, sous forme d'ultimatum, la note suivante au gouyernement mexicain, note que je crois devoir reproduire en entier afin de bien préciser la question du débat qui existait entre la France et le Mexique, et d'établir contrairement aux affirmations de M. Rouher, dans la séance du 24 juillet

l'affaire Jecker a été réellement une des causes

dernier, que
de l'intervention.

Voici cette note:

« Les soussignés, représentants de la France (1) ont l'honneur, conformément à ce qui est dit dans la note collective adressée sous cette date au gouvernement mexicain par les plénipotentiaires de France, d'Angleterre et d'Espagne, de formuler ainsi qu'il suit l'ultimatum dont ils ont l'ordre, au nom du gouvernement français, d'exiger l'acceptation simple et complète de celui du Mexique.

ART. 1er. Le Mexique s'obligera à payer à la France la somme de douze millions de piastres 60,000,000 de fr. à laquelle est évalué le total des réclamations françaises pour les faits commis jusqu'au 31 juillet dernier, sauf les exceptions comprises dans les articles 2 et 4, et dont il sera parlé ci-après.

Quant aux faits qui ont eu lieu depuis le 31 juillet dernier, faits pour lesquels ils introduisent une réserve expresse, le montant des réclamations auxquelles ils pourront donner lieu sera fixé ultérieurement par les plénipotentiaires français.

ART. 2. Le reliquat des sommes dues en vertu de la convention de 1853, reliquat qui n'a point été compris dans l'article 1er cidessus (2), devra être payé aux ayants droit, conformément aux obligations stipulées dans la susdite convention de 1853.

ART. 3. Le Mexique s'obligera à l'exécution PLEINE, LOYALE ET IMMÉDIATE du contrat passé au mois de février 1859 (3), entre le gouvernement mexicain et la maison Jecker.

[ocr errors]

55,000 fr.

ART. 4. Le Mexique s'obligera au paiement immédiat de 11,000 piastres reste de l'indemnité stipulée en faveur de la veuve et des enfants de M. Riche, vice-consul de France à Tepic, assassiné au mois d'octobre 1859.

Le gouvernement mexicain devra en outre, ainsi qu'il s'y est déjà engagé, destituer de ses grades et emplois et punir d'une manière exemplaire le colonel Rojas, un des assassins de M. Riche, avec la condition expresse que le susdit Rojas ne pourra, dans l'avenir,

(1) Ces messieurs auraient dû dire du gouvernement impérial, parce que la France, je tiens à le répéter bien haut, n'a jamais été pour rien dans ces ignobles tripolages.

[ocr errors]

954,225 fr. 15 c.

(2) Ce reliquat était de 190,845 piastres 03 (3) M. de Saligny se trompait. Le contrat Jecker a été signé le

29 octobre 1859 et non pas au mois de février.

exercer aucun emploi, aucun commandement, aucune fonction publique.

ART. 5. Le gouvernement mexicain s'obligera également à rechercher les nombreux assassinats commis contre les français, spécialement contre M. Davesne, et à punir les assassins (1).

ART. 6. Les auteurs des attentats commis le 14 août dernier contre le ministre de l'empereur et des insultes adressées au représentant de la France dans les premiers jours du mois de novembre 1861, seront soumis à un châtiment exemplaire, et le gouvernement mexicain devra donner à la France et à son représentant toutes les réparations et satisfactions dues pour de pareils excès (2).

ART. 7. Pour assurer l'exécution des articles 5 et 6 relatés cidessus et le châtiment de tous les attentats qui ont été commis ou qui pourraient être commis dans la suite contre les Français qui résident dans la République, le ministre de France aura toujours le droit d'assister personnellement ou par l'intermédiaire d'un délégué qu'il désignera à cet effet, à toutes les instructions qui seront faites par la justice criminelle du pays.

Il sera investi du même droit dans toutes les instructions criminelles intentées contre ses nationaux.

ART. 8. Les indemnités stipulées dans le présent ultimatum bénéficieront, depuis le 17 juillet dernier et jusqu'à leur paiement intégral, d'un intérêt annuel de 6 p. c.

ART. 9. Pour garantir l'accomplissement des conditions pécuniaires et autres énoncées dans le présent ultimatum, la France aura le droit d'occuper les ports de Veracruz et de Tampico, ainsi que tous ceux qu'elle croira nécessaire et d'y établir des commissaires nommés par le gouvernement impérial. La mission de ces derniers

[ocr errors]

(1) M. de Saligny a tenu depuis sous sa main le chef bien connu d'une de ces bandes, le trop fameux Marquez, celui qui désirait en finir avec tous les Français et avait fait mettre en liberté les assassins de M. P. Lacoste, arrêtés par ordre d'un de ses officiers. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait punir en vertu de son ultimatum?....... Pourquoi, chose horrible, a-t-il deshonoré l'institution de la Légion d'Honneur en lui passant le cordon de commandeur autour du cou?

(2) Pour le premier cas, les recherches avaient été faites en présence de M. de Saligny lui-même et avaient abouti à une ordonnance de non lieu; quant aux outrages dont il se plaignait, tous les torts étaient de son côté.

sera d'assurer aux puissances qui y auront droit la dévolution des fonds qui devront être séparés à leur profit sur tous les revenus des douanes maritimes, conformément aux Conventions, et la remise aux agents français des sommes dues à la France.

Les commissaires dont il est ici question auront en outre le droit de réduire de moitié, ou en moindre proportion, selon qu'ils le jugeront convenable, les droits que la loi perçoit actuellement dans les ports de la République.

Il sera établi d'une manière expresse que les marchandises qui auront déjà payé les droits d'importation, ne pourront en aucun cas, ni sous aucun prétexte, être soumises par le gouvernement suprême ou par les autorités des États à des charges additionnelles excédant de 15 p. c. le montant des sommes payées pour droits d'importation. ART. 10. Toutes les mesures qui seront jugées nécessaires pour régler la répartition entre les parties intéressées des sommes prélevées sur le produit des douanes, définir le mode et les termes des paiements et garantir l'exécution des clauses contenues dans le présent ultimatum, seront arrêtées de concert entre les plénipotentiaires de France, d'Angleterre et d'Espagne.

« Veracruz, 12 janvier 1862.

>> Signé E. JURIEN, A. DE SALIGNY. »

No 3.

RÉCLAMATIONS ANGLAISES.

1° « Le gouvernement mexicain devait donner à celui de la Grande-Bretagne une garantie sérieuse pour répondre de la fidélité avec laquelle il exécuterait dorénavant les traités célébrés antérieurement entre l'Angleterre et la République.

11o » Il devait rembourser les 660,000 piastres volées avec effraction par Marquez dans l'hôtel de la légation anglaise, et 269,000 piastres qui restaient encore à acquitter sur les fonds occupés à la Laguna-Seca, avec un intérêt annuel de 6 p. c. pour la première de ces deux sommes, et de 12 pour la seconde.

» Plus un intérêt également annuel de 6 p. c. en faveur des sommes qui auraient dû être payées en vertu des anciennes Conventions, et dont la remise avait été ajournée conformément à la loi du 17 juillet 1861.

III » Il devait admettre dans les ports de la République des agents nommés par le gouvernement britannique, avec faculté de pouvoir

réduire de moitié, s'ils le jugeaient convenable, le montant des droits d'importation, et d'intervenir au même titre que les officiers mexicains dans la perception des droits de douane, afin d'assurer la juste et équitable répartition de la part qui revenait sur ces droits aux teneurs de bons et aux individus portés sur la Convention.

IVo » Enfin, il devait, de concert avec le ministre britannique, procéder immédiatement à l'examen et à la liquidation de toutes les réclamations pendantes, afin de constater la validité de celles qui seraient justes, et de commencer à les faire payer le plus promptement possible. »>

Si nous en exceptons l'article 3 qui n'était que la reproduction des deux premiers paragraphes de l'ultimatum envoyé par les plénipotentiaires français, et qui n'allait à rien moins qu'à confisquer la souveraineté du Mexique au profit des ministres de France et d'Angleterre, ces exigences de M. Wyke ne surprirent personne; mais il n'en fut pas de même de l'ultimatum de M. de Saligny.

En effet, le premier se contentait de réclamer les garanties qu'il trouvait les plus sérieuses en faveur des intérêts déjà reconnus de ses compatriotes, tandis que le second, profitant de la situation, comme le jésuite dont parle Béranger, pour venger ses injures personnelles (1), prétendait imposer au gouvernement mexicain la reconnaissance de certaines dettes qui n'étaient point encore liquidées, et ce qui est pis, il prétendait les imposer sans justifier en rien de leur légitimité.

Sa demande inattendue de 12,000,000 de piastres, tomba comme une bombe au milieu de la première séance que les commissaires alliés eurent entre eux pour fixer en commun le chiffre des réclamations qu'ils devaient exiger du gouver

(4)

Plus d'un écolier rit de voir

Votre large coiffure,

Votre habit fait en éteignoir,

Votre étrange tournure

Mais vous avez la verge en main,

Fouettez, fouettez, frère ignorantin,
Vengez votre figure.

BÉRANGER.

« PreviousContinue »