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travaux pour la cause publique ; les ennemis de la liberté, forts de leur réunion, de l'appui des gens en place, de leur opulence qu'ils augmentent chaque jour en concentrant le numéraire dans leurs mains, abusent le peuple fatigué de sa misere. Votre déclaration des droits de l'homme n'a été promulgué nulle part. Au lieu de faire exécuter nos loix, n'avez-vous pas vu ces mêmes ministres tirés de votre sein, faire tout le contraire de ce que commande le patriotisme, ne vous adresser des discours que pour insulter à la majesté du peuple, vous tromper par des rapports infideles? Quel zele que celui de ceux qui ont tâché d'abord de renverser votre ouvrage, & qui ne pouvant y réussir, à force ouverte, cherchent aujourd'hui à le miner sourdement. N'a-t-on pas vu l'un d'eux, ( le garde des sceaux ) mandé à la barre, & convaincu non-seulement de n'avoir pas fait parvenir vos décrets, mais d'y avoir substi-. tué des ordres contraires, avouer ses torts? Et ils ont été oubliés!

Sur cette liste des commissaires, figure une foule d'hommes, de prélats intéressés aux anciens abus, les seuls plébeiens y sont oubliés : leurs commissions portent de diriger les assemblées juger les contestations comme le feroit le roi luimême; point de mode fixe; ces MM. commissaires sont libres; un seul jugera ou plusieurs ; qu'importe aux ministres ? Les commissaires seront même éligibles, & en cela le pouvoir exécutif excede visiblement ses droits. Le seul pouvoir législatif peut prononcer cette éligiblité. Eh! de quel droit le pouvoir exécutif veut-il la lui attribuer ? Mais ce n'est pas tout, les commissaires

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prendront au greffe de la municipalité la liste des citoyens actifs; ils indiqueront le jour & le lieu des assemblées ; ils s'empareront, pour ainsi dire, des citoyens. Ne diroit-on pas que ceux-ci sont des automates qui ne peuvent agir que par les secours des commissaires du roi; enfin, Ies assemblées primaires ouvertes, ils doivent s'informer à chaque instant de tous les détails; ils décideront de toutes les difficultés, que dis je tous les doutes tant les ministres ont peur qu'il ne s'échappe quelque rayon de liberté : ils décideront toutes les difficultés, c'està-dire, qu'ils seront les arbitres des élections, &, en derniere analyse, de l'organisation des assemblées administratives. Quoi de plus étonnant, ou de l'audace ministérielle, ou de votre patience à la souffrir? Car ces décisions provisoires ne deviendront-elles pas dans le fait définitives? Je demande que l'assemblée déclare qu'il n'y a lieu à délibérer sur le projet du comité, & que les commissiors seront retirées à ces commissaires.

M. Armand, député de l'Auvergne, est venu à l'appui de M. Robespierre. Je regarde, a-t-il dit, cette nomination de commissaires comme inconstitutionnelle, & contraire à vos principes. Votre comité a pu adopter cette mesure, ni voyant que l'accélération de vos travaux. Je rends hommage à la pureté de ses intentions; mais j'aurois voulu qu'il se fût concerté avec l'assemblée : j'aurois voulu que la nomination des commissaires pour chaque province, se fût faite de concert avec les députés de la province. Ma province s'en est alarmée, & elle n'est pas la seule. On les y a regardés comme d'autres commissai

res départis. Chez moi, on a nommé un noble, un ecclésiastique, un magistrat ; & pour suivre en tout la distinction des ordres, ils se sont assemblés chez l'ecclésiastique. Depuis cette réunion, le bruit s'est répandu que la premiere opération de l'assemblée administrative seroit de révoquer le pouvoir des députés à l'assemblée nationale, & d'en envoyer d'autres ; que l'assemblée nationale alloit se transférer à Soissons, pour y déclarer la banqueroute. Ici l'opinant a été rappellé à l'ordre. M. Armand rêvoit, & il a conclu â restreindre les fonctions attribuées à ces commissaires.

M. Reubell est le premier qui ait appuyé le projet du comité : il a dit que le pouvoir exécutif ne pouvoit surveiller les opérations qu'en nommant des agens; que s'il avoit voulu donner. sa confiance à des aristocrates, il en eût trouvé dans les municipalités comme ailleurs ; mais il a blâmé cette partie de l'instruction qui leur accorde de juger de la validité des élections, & il a proposé d'ajouter aux deux amendemens du projet de décret, celui de défendre aux commissaires de prononcer, même provisoirement, sur la validité des élections.

M. d'André a ajouté qu'il tenoit d'un député de Bretagne que le choix des commissaires, pour cette province, y étoit approuvé généralement, que tous les membres de l'assemblée ont eu l'influence qu'ils ont voulu dans cette nomination; qu'il étoit inutile de représenter la constitution comme étant en péril, tandis qu'elle étoit soutenue par les dix-neuf vingtieme de la nation; enfin qu'il falloit bien laisser aux commissaires la

décision provisoire de difficultés que l'assemblée nationale ne pouvoit juger sur le champ.

La discussion a été fermée. Les amendemens conformes aux discours de MM. Reubell & d'André, adoptés par le rapporteur du comité, ont été fondus dans le décret qui a été rendu ainsi que suit :

DÉCRET.

<< L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la commission & de l'instruction données par le roi aux commissaires nommés par sa majesté, pour la formation des assemblées primaires & administratives; & sur le rapport à elle fait par son comité de constitution, décrete:

par

1°. Que les pouvoirs des commissaires chargés le roi de surveiller & de diriger, pour cette premiere fois seulement, conformément au décret du huit janvier dernier, la formation des administrations de departement & de district expireront le jour de la clôture du dernier procèsverbal d'élection des citoyens qui composeront lesdites administrations.

2 Que les commissaires devant décider provisoirement les difficultés qui surviendront dans le cours de la formation des assemblées primaires & administratives, renverront à l'assemblée nationale les difficultés majeures qui pourroient sursurvenir, & dont la décision ne pourroit être dirigée, ni par le texte, ni par les conséquences nécessaires des décrets de l'assemblée nationale.

3°. Que le comité de constitution ayant été autorisé à donner son avis sur plusieurs difficultés. relatives à la formation des municipalités, & à

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renvoyer aux assemblées de département les difficultés qui tiennent à, des connoissances locales; ce seront ces assemblées qui prononceront sur toutes les questions survenues à cet égard, ou qui pourront survenir les commissaires du roi ne pourront en connoître sous aucun prétexte.

4. Que les commissaires, avant de commencer leurs fonctions, prêteront le serment civique devant la municipalité du lieu où se tiendra l'assemblée des électeurs du département. >>

On est passé à l'ordre du jour, qui tomboit aujourd'hui sur l'ordre judiciaire. On a entendu le plan de M. des Essarts plan absolument conforme à l'ancien régime, & diamétralement opposé aux principes de l'assemblée nationale. C'étoit une oraison funebre de nos corps antiques de judicature, où l'opinant avoit su entremêler les fi nances du remboursement des charges avec l'ordre judiciaire à établir.

A paru ensuite M. Duport, qui a développé un systême opposé en bien des point au plan du comité de constitution. La base principale de son systême consiste à attribuer à des jurés, tant au civil qu'au criminel, la connoissance & la vérification des faits, & aux juges l'application de la Joi il a développé son opinion avec toute l'energie possible; mais comme après deux heures de lecture, l'assemblée a prié M. Duport de remettre le reste à demain, & que d'ailleurs elle a paru en desirer l'impression, on me permettra de différer & d'attendre que l'assemblée se soit décidée pour un un plan quelconque.

L'assemblée s'est levée à quatre heures

LE HODEY DE SAULTCHEVREUIL.

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