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les yeux des législateurs sur une propriété aussi immorale que celle des negres; mais enfin, que dans l'état actuel, on ne peut les donner pour base de population, mais seulement pour base de richesses. Il a conclu à l'admission du projet & à ce qu'il soit envoyé promptement aux colonies.

M. l'abbé Grégoire a annoncé une motion incidente, qui a produit quelques momens d'orage: j'allois parler, a-t-il dit, en faveur des gens de couleur libres, mais j'apprends que les députés des colonies renoncent à l'aristocratie de couleurs, & M. de Dillon me promet que l'intention est de les admettre dans les assemblées comme citoyens actifs. Nous n'en convenons pas, s'est écrié un autre député des colonies; en ce cas répliqué M. l'abbé Grégoire, que la discussion s'ouvre. Plusieurs motions se sont croisées; mais M. Charles de Lameth a ramené les opinions en proposant de ne pas ouvrir la discussion sur la motion indiscrete de M. l'abbé Grégoire, de la continuer sur le fond. L'assemblée l'a décrété ainsi.

M. de Gouy d'Arcy s'est annoncé comme venant discuter le projet au nom de la députation de Saint-Domingue; mais bientôt il a dévoyé, comme à son ordinaire; il s'est mis à lire sa correspondance avec les colons, a faire l'histoire des

deux conseils supérieurs du Cap & du Port-auPrince; on l'a rappellé à l'ordre de tous côtés & il s'est retiré enfin en concluant à l'ajourne

ment.

M. Barnave, rapporteur, a proposé l'observation de M. l'abbé Maury, concernant les pouvoirs législatif & exécutif, & a proposé de commencer les articles 17 & 18 par ces mots en examinant les formes, &c.

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L'assemblée a adopté cette nouvelle rédaction, & a décrété tous les articles en écartant, par la question préalable, les amendemens des députés des colonies à mesure qu'ils les présentoient. Celui de M. de Cocherel, qui tendoit à substituer au lieu de Léogane Saint-Marc pour être le lieu de l'assemblée coloniale, puisqu'elle y est déjà en activité, a subi le sort des autres. Je vous déclare, a-t-il dit, que la colonie n'en fera rien, & que l'assemblée ne se déplacera pas. Vous travaillez à perdre vos colonies. Et en effet, il coûtoit si peu à l'assemblée de satisfaire là-dessus la colonie, qu'il est difficile de trouver une cause raisonnable de ce refus.

La séance a fini trois heures & demie.

Séance du lundi 29 mars.

Parmi les adresses qu'on a lues, est celle du régiment de Normandie, en garnison à Brest, qui se plaint que le journal des journaux ait avancé qu'il avoit été déchirer, dans les registres de la municipalité de cette ville, les feuillets qui contiennent son serment civique; il désavoue cette calomnie. On a remarqué l'adresse d'une mere

de famille de Lannion en Bretagne, nourrice de' son enfant; elle demande, pour elle & les autres meres de famille, la faveur dêtre admises à prêter le serment civique devant la municipalité. M. Bouche a voulu donner quelque extension à cette affaire; mais l'exemple des citoyennes de Paris prouve, par les faits, que les meres de familles doivent être admises à prêter le serment.

M. le président a annoncé une lettre & un mémoire de la part de M. Lambert, contrôleurgénéral, touchant la perception de l'impôt sur le tabac. Cette perception, dit-il dans sa lettre souffre une diminution sensible; & je suis persuadé que l'assemblée nationale ne tardera pas de prendre en considération cette branche importante des revenus publics. Ce mémoire a été renvoyé au comité des finances.

M. le Chapelier a pris la parole, au nom du comité de constitution. La formation, a-t-il dit, des assemblées administratives souffre des retards en plusieurs endroits, non seulement de la part des ennemis du bien public, mais encore par l'empressement qu'on met à exécuter nuement vos décrets. Lorsque vous avez ordonné de travailler à la division du royaume, & à l'organisatlon des assemblées administratives de départemens, de districts & de municipalités, vous avez prié le roi de surveiller ces opérations il a en conséquence nommé des commissaires, à qui il a donné des instructions relatives à leur conduite.

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La municipalité de Troie en Champagne a refusé de reconnoître ceux qui lui ont été envoyés, sous prétecte que l'assemblée nationale n'avoit pas ordonné cette nomination: elle a écrit des

lettres circulaires à toutes les autres municipalités. Ici M. le Chapelier a donné lecture des commissions & instructions données par le roi, & de la délibération & lettre circulaire de la ville de Troie, dont la municipalité de Versailles a envoyé copie. Par cette délibération, la municipalité de Troie refuse l'admission de tous commissaires, porteurs d'ordres ministériels, à moins qu'ils ne tiennent leur mission de l'assemblée nationale.

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Nous avons pensé, a-t-il continué , que la ville de Troie s'est égarée & a outre-passé se's pouvoirs, en envoyant ainsi des lettres circulaires, qu'il seroit dangereux d'admettre, & que ses alarmes ne sont pas fondées, parce qu'elle ignoroit l'objet de la mission de ces commissaires & votre décret du 8 janvier, qui prie le roi de prendre les moyens de surveiller & diriger l'établissement des assemblées administratives; cependant, quelque peu fondées que puissent être au fond les alarmes de la municipalité de Troie, elles nous ont paru justes sous un aspect; est-ce que nous avons cru que les fonctions des commissaires du roi doivent finir à la clôture des procès-verbaux d'élection? Mais ils ne doivent rien prétendre au delà, si l'on veut conserver la constitution. Il est bon qu'ils décident ces petites difficultés, qui naissent de l'intérêt personnel; mais sur les difficultés majeures ils ne doivent pas porter de décisions ni interpréter vos décrets: il faut alors renvoyer à l'assemblée nationale. En conséquence, je propose le projet de décret

suivant.

Comme cette matiere a été vivement débattue, nous allons d'abord entrer dans les détails.

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Votre comité vous propose deux especes d'amendemens, a dit M. Robespierre, en ouvrant la discussion; mais ils ne détruisent pas l'influence de ces commissaires du roi dans les assemblées primaires; &, sous un autre aspect, ils vous portent à reconnoître leur nomination; & moi, je vous dénonce cette nomination au nom de la patrie & du salut public: je vous dénonce surtout la nature & l'objet des instructions qu'ils ont reçues. Si l'on m'accuse d'un excès d'inquiétude & de zele, c'est le patriotisme qui m'entraîne. Mon motif est excusable. Quand, sous l'ancien régime, le pouvoir employoit la force, je n'ai jamais craint; mais s'il avoit recours aux caresses, alors j'étois réellement effrayé. La mauvaise organisation des assemblées administratives nous conduit à la réunion des pouvoirs exécutif, ministériel & municipal; & alors que devient notre liberté, si nous ne prenons des mesures pour prévenir cette coalition? Suffit-il donc de faire des loix comme si notre constitution étoit solidement établie ? N'en devriez-vous pas en ce moment surveiller l'exécution, du moins. par la correspondance de vos comités avec les agens? Pour moi, qui depuis long-tems demande audience de la part de toutes les gardes nationales des provinces belgiques, pour vous exposer les manoeuvres, les oppressions dont elles ont à se plaindre, je ne puis me taire.

Ne regardez pas, je vous en conjure, tout ce qui se passe sous nos yeux comme des chimeres. Nous sommes loin de la position où nous étions il y a trois mois. Aujourd'hui les amis du peuple sont foibles, épuisés par leur constance & leurs

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