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« l'esclave de tes desirs. Sans que rien change en toi, << sans que rien t'offense, sans que rien touche à ton « être, que de douleurs peuvent attaquer ton ame! « que de maux tu peux sentir sans être malade! que << de morts tu peux souffrir sans mourir! Un men« songe, une erreur, un doute peut te mettre au désespoir.

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« Tu voyois au théâtre les héros, livrés à des dou« leurs extrêmes, faire retentir la scène de leurs cris « insensés, s'affliger comme des femmes, pleurer << comme des enfants, et mériter ainsi les applaudis<< sements publics. Souviens-toi du scandale que te « causoient ces lamentations, ces cris, ces plaintes, << dans des hommes dont on ne devoit attendre que des actes de constance et de fermeté. Quoi! disois«< tu tout indigné, ce sont là les exemples qu'on nous « donne à suivre, les modèles qu'on nous offre à «< imiter! A-t-on peur que l'homme ne soit pas assez

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petit, assez malheureux, assez foible, si l'on ne

<< vient encore encenser sa foiblesse sous la fausse

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image de la vertu? Mon jeune ami, sois plus indul<< gent désormais pour la scène : te voilà devenu l'un « de ses héros.

« Tu sais souffrir et mourir; tu sais endurer la loi « de la nécessité dans les maux physiques: mais tu << n'as point encore imposé de lois aux appétits de ton «< cœur ; et c'est de nos affections, bien plus que de « nos besoins, que naît le trouble de notre vie. Nos « desirs sont étendus, notre force est presque nulle. « L'homme tient par ses vœux à mille choses, et par « lui-même il ne tient à rien, pas même à sa propre

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vie; plus il augmente ses attachements, plus il multiplie ses peines. Tout ne fait que passer sur la terre: << tout ce que nous aimons nous échappera tôt ou tard, << et nous y tenons comme s'il devoit durer éternelle«ment. Quel effroi sur le seul soupçon de la mort de « Sophie! As-tu donc compté qu'elle vivroit toujours? << Ne meurt-il personne à son âge? Elle doit mourir, « mon enfant, et peut-être avant toi. Qui sait si elle « est vivante à présent même? La nature ne t'avoit << asservi qu'à une seule mort; tu t'asservis à une se<«< conde; te voilà dans le cas de mourir deux fois.

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« Ainsi soumis à tes passions déréglées, que tu vas « rester à plaindre ! Toujours des privations, toujours « des pertes, toujours des alarmes; tu ne jouiras pas « même de ce qui te sera laissé. La crainte de tout perdre t'empêchera de rien posséder; pour n'avoir « voulu suivre que tes passions, jamais tu ne les « pourras satisfaire. Tu chercheras toujours le repos, <«< il fuira toujours devant toi; tu seras misérable, et << tu deviendras méchant. Et comment pourrois-tu ne << pas l'être n'ayant de loi que tes desirs effrénés? Si « tu ne peux supporter des privations involontaires, << comment t'en imposeras-tu volontairement? com«ment sauras-tu sacrifier le penchant au devoir, et « résister à ton cœur pour écouter ta raison? Toi qui « ne veux déjà plus voir celui qui t'apprendra la mort de ta maîtresse, comment verrois-tu celui qui vou<< droit te l'ôter vivante, celui qui t'oseroit dire, Elle << est morte pour toi, la vertu te sépare d'elle? S'il faut « vivre avec elle quoi qu'il arrive, que Sophie soit « mariée ou non, que tu sois libre ou ne le sois pas,

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est morte pour toi, la vertu te sépare d'elle? S'il faut « vivre avec elle quoi qu'il arrive, que Sophie soit « mariée ou non, que tu sois libre ou ne le sois pas,

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Opeine l'a-t-elle embrasse, que le père, enchanté,

firppu des moins, en eniant bis, bas

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