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table que cette obligation imposée à l'évêque à l'égard de ses prêtres? Ne ressort-elle pas évidemment de la nature des choses? N'estelle pas une conséquence nécessaire de la position que leur a faite l'imposition des mains? L'ordination sépare entièrement le prêtre de la société civile; elle le marque d'un caractère ineffaçable qui en fait un être à part auquel désormais tous les autres états sont interdits, toutes les voies à l'existence fermées. La loi, il est vrai, ne les lui interdit pas formellement; mais nos mœurs, plus fortes que les lois, ne souffrent pas qu'il passe à d'autres professions, et, s'il le faisait, il se verrait partout repoussé, honni; il ne serait plus, aux yeux de ses concitoyens, qu'un être dégradé et avili. Cependant il faut qu'il vive et qu'il vive en prêtre, et l'on ne dira pas, avec le fameux cardinal de Richelieu, dans une occasion différente: Qu'on n'en voit pas la nécessité.

Mais c'est en vain que l'Eglise aurait pris un soin tout particulier de fournir à ses prêtres un honnête entretien, et de ne jamais permettre que leur auguste dignité pût être avilie par le besoin et la misère, si elle avait

abandonné leur personne et leur honneur à la merci d'un seul homme, qui, de quelque dignité qu'il soit revêtu et quelque haut placé qu'il puisse être, est cependant toujours homme, c'est-à-dire toujours sujet aux passions, à la prévention, à l'erreur; mais non: l'Eglise de Jésus-Christ, toujours grande, toujours digne d'elle-même, toujours dirigée par l'esprit de vérité et de justice, a pourvu à la sûreté de la personne et de l'honneur de ses prêtres avec autant de sagesse qu'elle avait pourvu à leurs besoins.

CHAPITRE IV.

La personne et l'honneur des prêtres n'ont jamais été abandonnés par l'Église à la volonté et au bon plaisir de l'évêque. Il a toujours fallu un jugement canonique pour les condamner ou les absoudre.

Un droit naturel et immuable, comme Dieu dont il émane, demande, dit le sage père Thomassin, que tout empire soit réglé par des lois, et que, quelque autorité, quelque puissance même qu'on puisse prétendre, on regarde encore ces lois comme bien audessus. L'Eglise chrétienne, sujette, comme toute autre société, à cette loi nécessaire et imprescriptible, après avoir pourvu avec tant de sagesse à l'entretien de ses ministres, n'a pas dû ni pu permettre que leur personne et leur honneur fussent livrés à la volonté et au bon plaisir de personne. Dans tous les temps elle les a mis à couvert du caprice et de la passion d'une autorité, bien respectable d'ailleurs, mais qui peut toujours devenir injuste ou prévenue; en les entourant de la protection d'une jurisprudence aussi douce qu'éclairée, aussi sage que paternelle. L'Eglise n'a pas cru, pour cela, diminuer l'empire épiscopal; elle n'a voulu que l'asseoir sur sa base naturelle, la raison et la justice; elle n'a voulu que l'affermir et l'étendre par la légalité : car la légalité ôte à l'autorité tout ce qu'elle a d'odieux, et lui donne la douceur, la raison et la justice qui la rendent grande, ferme et lui concilient l'amour et le respect (1).

Mais toute puissance a ses flatteurs. Quelques écrivains, pour faire leur cour aux prélats de leur temps, n'ont pas craint d'avancer que, dans les premiers siècles surtout, les évêques jugeaient les prêtres, non d'après les lois éternelles de la raison et de la justice, mais d'après les caprices de la volonté et du bon plaisir; comme si l'Eglise, qui, partout

(1) Discipline ecc., t. 11, part. 2, liv. 1, c. 15.

où elle s'est légalement établie, a détruit l'arbitraire et le despotisme dans les gouvernemens civils, avait pu les conserver, même un instant, dans sa propre constitution. Cette opinion sera naturellement réfutée, en établissant par les canons la doctrine contraire.

Lorsque saint Paul ordonne à Timothée de ne point recevoir d'accusation contre un prêtre, si ce n'est en présence et sur la déposition de deux ou trois témoins (1), il nous apprend, à la vérité, que les évêques sont les juges naturels des prêtres; mais la nécessité des témoins et la qualité de juge nous montrent évidemment un jugement dans les formes et non un commandement arbitraire, et nous donnent droit d'attendre qu'on donnera tout à la raison, tout à la justice, tout au droit, et rien au caprice, rien au bon plaisir, rien à la volonté, quelque raisonnable qu'elle puisse être. L'apôtre donne donc aux évêques un grand pouvoir sur les prêtres, mais un pouvoir réglé par les lois et tempéré par la douceur et la charité. Ils pourront donc juger les prêtres, condamner les

(1) I. ad Timotheum, c. 5.

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