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répartition des eaux pluviales, elles nous semblent être restées trop étrangères à son travail.

L'eau qui tombe du ciel sous diverses formes, en neige, en grêle, en pluie, etc., se dissipe de trois manières différentes : une partie, absorhée par le sol, pénètre les montagnes et reparaît à leur pied en sources bienfaisantes qui vont féconder les vallées; une autre est aspirée par la végétation, qui, après en avoir retenu ce qu'il lui faut pour son développement, rend le reste à l'atmosphère sous forme de vapeur. Un chêne consomme ainsi par jour l'énorme masse de six à huit seaux d'eau, et le saule un volume d'eau égal à son volume à lui. Cette eau, la plante la reçoit par ses racines, par ses feuilles, par toute sa surface. Enfin, une troisième partie de l'eau du ciel, obéissant aux lois de l'attraction et de l'équilibre, s'écoule des montagnes vers les vallées: ce sont d'abord des milliers de petits filets d'eau, presque imperceptibles; mais ces filets, en se rencontrant dans leur course, se confondent et forment des ruisseaux ; ceux-ci vont gonfler les rivières, et les rivières deviennent des torrents, dont la fureur et la force sont en raison de la rapidité de leur chute.

Pour préserver le pays du retour des inondations, il s'agit donc d'accroître les masses d'eau qu'absorbent le sol et la végétation, et de diminuer ainsi, dans la même proportion, celles qui se précipitent dans les rivières. On comprend, dès lors, que le meilleur moyen à prendre est de faire passer par la végétation les plus grandes masses d'eau possible; car, de cette manière, on obtiendra deux résultats à la fois : d'abord les récoltes seront plus abondantes; en second lieu, une alimentation plus uniforme des rivières brisera la fureur des eaux courantes. Il y a plus en faisant aspirer à la végétation des masses d'eau plus considérables, on augmentera presque d'autant celles qu'absorbe le sol, puisque celui-ci aura été rendu perméable par la végétation qui le couvre.

Ces principes posés, essayons de résoudre la question capitale, qui est de savoir comment on parviendra à couvrir, le plus promptement possible, la nudité des montagnes par une couche végétale abondante. Nous convenons, avec M. Dumont, que ce n'est pas d'un coup de baguette que nous pouvons faire surgir les bois séculaires de l'antique Gaule. Mais supposons que l'on commence par écorcher superficiellement les flancs des montagnes nues, pour y semer des herbes en automne ou au printemps. On sait que, de toutes les cultures, c'est celle qui exige le moins de soins et qui réussit le mieux. La famille des graminées est une des plus nombreuses du règne végétal; elle compte plus de soixante-dix genres de plantes, dont chacun se compose d'une infinité d'espèces. Nous avons le mil, l'agrostis, l'houlque, le raigrass, le festuque, le paturin, l'avoine sauvage, le brome, la cretelle, et encore une foule d'autres herbes qui aiment, celles-ci tel sol, celles-là tel autre. Nos botanistes-physiologistes auraient ici toute une série de recherches à faire pour indiquer le sol que chaque herbe demande de préférence.

Peut-être pourrait-on, dans certains points, couper ces vastes fapis d'herbes par des plantations de pommes de terre. par des champs d'avoine, auxquels seraient affectés des terrains concédés aux familles pauvres, qui devraient les amender avec leur propre engrais.

L'établissement, sur nos montagnes dénudées, de cette première couche herbacée, occuperait la portion indigente de nos populations rurales. Quelle excellente occasion pour répandre parmi ces populations, si dignes d'intérêt, quelques-uns de ces millions que les débordements de nos fleuves viennent si souvent nous demander pour leurs victimes!

La nature, dont la richesse est inépuisable, a des plantes pour chaque sol; sur les rochers où les graminées ne pourraient plus végéter, s'installeraient les lichens et les mousses, propres aussi à retenir les eaux du ciel.

Cette première enveloppe végétale une fois créée, tout le reste devient facile. Les plantations de chênes, de hêtres, de bouleaux, d'essences résineuses, dont les trois quarts périssent sur des pentes nues, devront leur salut à la couche herbacée qu'on leur aura préparée. D'ailleurs, on ne peut vouloir que nos montagnes soient couvertes de forêts d'un bout à l'autre; il est indispensable que ces forêts soient interrompues çà et là par des tapis de gazon.

Sous quelque rapport donc que nous envisagions la question, nous trouvons que le premier pas à faire vers le reboisement de nos montagnes consiste à les couvrir autant que possible d'une couche épaisse de gazon. Cette couche absorbera déjà une quantité considérable d'eau, en attendant qu'une végétation plus haute et plus serrée vienne l'aider à dissiper les eaux du ciel.

Nous sommes tout à fait de l'avis de M. Dumont, quand il dit que les inondations sont l'effet de causes nombreuses et combinées, et que pour les faire cesser il faudrait employer, en les combinant ensemble, des moyens non moins nombreux; mais nous pensons que la cause première et fondamentale de ces désastres, c'est la trop grande nudité du sol dans la partie méridionale de la France, et que toutes les mesures que l'on pourra prendre pour en prévenir le retour, resteront impuissantes tant que le pays ne sera pas couvert d'une couche végétale plus épaisse et surtout plus étendue.

Le livre de M. Dumont se compose de vingt lettres adressées à M. le directeur de la Presse, et dont la plupart, comme nous l'avons dit, avaient déjà paru dans ce même journal. Ces lettres traitent de l'organisation des cours d'eau (l'auteur entend par ces mots l'ensemble des travaux d'assainissement du sol, dont il s'occupe peu, et des travaux d'irrigation); du projet d'un canal d'irrigation pour les plaines du Languedoc et de la Provence, projet conçu par l'auteur lui-même ; des inondations ; des routes et des chemins de fer; du défrichement et du reboisement; de la vallée du Pô et de l'irrigation de la Lombardie.

La seconde moitié du livre contient ce que l'auteur appelle des notes; elles sont au nombre de neuf. En voici la teneur : Textes des divers

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projets de loi présentés sur l'endiguement; Lettre de M. le préfet du Var à M. le ministre de l'agriculture et du commerce; Statistique des cours d'eau de la Haute-Garonne, au point de vue de l'endiguement et du curage; Extrait du vœu émis par le conseil général d'agriculture dans la séance du 7 janvier 1846; Rapport du préfet de la Sarthe au conseil général; Extrait du procès-verbal des séances du conseil général du département de la Sarthe. Extrait du registre des arrêts de la préfecture du département de la Sarthe; - Sur le bassin et le régime du Pô; — Les bases de l'avant-projet du canal d'irrigation du Midi.

En résumé, l'ouvrage de M. Dumont renferme un grand nombre de faits, sinon nouveaux, du moins bien choisis et parfaitement présentés. Ce n'est pas un ouvrage définitif; nous ne croyons pas que l'auteur ait prétendu traiter à fond la question des travaux publics en ce qui touche à l'agriculture; mais il a recueilli des matériaux dont pourra se servir un jour utilement celui qui voudra la résoudre. Comme, en définitive, l'objet dont M. Dumont s'occupe a tout l'attrait pour ainsi dire de la nouveauté, et, d'ailleurs, comme il est d'une haute importance sous le rapport économique, administratif et social, nous pouvons promettre, au livre dont nous venons de donner l'analyse, les suffrages de tous ceux qui s'intéressent à la prospérité matérielle du pays.

HISTORY OF THE BANK OF ENGLAND, its Times and Traditions, by John Francis. 2 vol. in-8°. Londres, 1847.

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Le titre de cet ouvrage nous avait frappé: nous espérions y trouver quelques idées générales, et nous pensions que cette histoire du passé de la Banque nous offrirait une étude approfondie du système qui la régit à présent. Nous aurions désiré un examen sérieux des causes diverses, de ces crises financières, par exemple, qui exercent une influence si effrayante sur le bonheur des individus, sur la prospérité de tout un peuple, et sur la situation politique de l'Angleterre. Nous avons été déçu dans notre attente. M. Francis n'est ni un philosophe, ni un financier. Il cite des faits, mais il ne sait en déduire aucune conséquence. Cependant, pour quiconque veut seulement connaitre le mécanisme et les rouages de la Banque, si on peut s'exprimer ainsi, cet ouvrage offre une lecture utile et agréable. M. Francis a recueilli des matériaux qui seront très-utiles au futur historien de la Banque,

et il donne des détails curieux sur les commencements de cet établissement. Voici quelques faits que nous empruntons aux deux volumes que nous avons sous les yeux.

Venise fut la première ville, en Europe, où l'on fonda une banque. Cette création remonte à la fin du XIIe siècle. Les règlements qui régissaient la banque étaient si bien conçus, qu'ils servirent plus tard de modèle, lorsque d'autres peuples voulurent suivre l'exemple des Vénitiens. En Angleterre, à l'époque dont nous parlons, les juifs étaient à la fois banquiers et usuriers; les rois et les grands seigneurs daignèrent souvent leur emprunter des sommes énormes qu'ils oubliaient quelquefois de rendre, et les juifs durent s'estimer heureux d'acheter à ce prix la liberté et quelquefois même la vie. Mais ils se vengeaient à leur tour, en prêtant à des taux excessifs, quand ils croyaient pouvoir le faire impunément.

La première persécution contre les juifs en Angleterre eut lieu en 1189, sous le règne de Richard Cœur de Lion. Vers la fin du XIIIe siècle, Édouard Ier, poussé par le parlement, et mû par l'espoir d'obtenir un riche butin, consentit à expulser les juifs hors du pays. Nous Jaissons aux chroniques de l'époque le soin de constater les traits de - cruauté qui accompagnèrent l'exécution de cet édit. Nous ferons remarquer seulement que depuis lors jusqu'à l'avénement de Cromwell, au XVIIe siècle, les juifs n'exercèrent aucune influence sur les affaires commerciales ou financières de la Grande-Bretagne.

Il serait peut-être difficile de trouver, au point de vue politique, la raison ou même l'excuse d'une semblable exclusion, si nous ne savions pas que les juifs eurent bientôt des successeurs qui permirent de se passer de leur ministère.

En effet, vers la même époque, les Lombards (nom générique qui comprenait tous les négociants italiens de Gênes, de Florence ou de Venise) allèrent s'établir à Londres, dans la rue qui porte encore leur nom. Ces hommes possédaient une intelligence parfaite du commerce et de la banque. Ils étaient les seuls au monde qui connussent la science des affaires, et ce furent eux qui introduisirent l'usage des lettres de change, au moyen desquelles ils faisaient passer des valeurs dans leur propre pays. Les Lombards avaient commencé par exercer le métier d'orfévre; les plus habiles d'entre eux ajoutèrent à leur commerce des opérations de banque. Peu à peu les deux professions se confondirent. Comme les Lombards, en leur qualité d'orfévres, appartenaient à une corporation riche, on se fiait à eux volontiers.

Les troubles de l'époque empêchaient les gentilshommes de province de garder dans leurs manoirs les sommes qu'ils recevaient. Ils étaient heureux de pouvoir les confier à des gens qui leur offraient des garanties de solvabilité. L'orfévre, de son côté, consentait volontiers à payer de légers intérêts à ces propriétaires. Il savait qu'il pouvait prêter à un taux plus élevé les valeurs qu'ils déposaient chez lui. Le marchand nécessiteux empruntait au Lombard à un intérêt usuraire. Les riches, qui tenaient seulement à conserver leur capital, le dépo

saient dans la main d'un orfévre comme en un lieu sûr, et sans demander d'intérêts. La veuve et l'orphelin recevaient quatre pour cent d'intérêt. De cette manière l'argent circulait entre les mains des prêteurs, qui ajoutèrent bientôt une nouvelle branche à leur industrie, en introduisant l'usage d'escompter les billets.

Voilà donc les orfévres, prêteurs, emprunteurs et dépositaires de la fortune d'un grand nombre de personnes. Ils avançaient au roi de fortes sommes, hypothéquées sur la rentrée des taxes. Les reçus qu'ils donnaient pour l'argent déposé chez eux, circulaient de main en main, et étaient connus sous le nom de billets d'orfévres. Ce furent les premiers billets de banque qui eurent cours en Angleterre.

La première maison de banque fut fondée par M. Francis Child, qui débuta comme apprenti chez M. Wheeler, orfévre et banquier, dont la boutique occupait l'emplacement où se trouve encore aujourd'hui la banque de Child. Francis épousa la fille de son maître, et hérita ainsi de sa clientèle et de ses propriétés. Il se trouva maître d'une belle fortune, et commença les affaires pour son propre compte. Child laissa de côté l'orfévrerie, et se renferma uniquement dans les affaires de banque. Ce fut ainsi qu'il mérita d'être appelé le père de la banque.

On sait la considération dont jouit aujourd'hui à Londres, dans les cercles financiers, la maison de Child. Il ne sera peut-être pas sans intérêt de rappeler ici le scandale qu'occasionna dans la haute société de cette capitale, au siècle dernier, la fuite de mademoiselle Child, fille unique et une des plus riches héritières de l'Angleterre, avec le comte de Westmoreland. La noble famille de Westmoreland se récria contre cette alliance avec la banque, et M. Child ne désapprouva pas moins l'entêtement de sa fille à accepter pour époux un homme de mœurs prodigues et dissolues. Dernièrement nous avons vu la petite-fille de mademoiselle Child, lady Adèle Villiers, suivre l'exemple de sa grand'mère, et prendre, elle aussi, la fuite pour faire une mésalliance avec un homme sans fortune. L'orgueilleuse lady Jersey, mère de cette dernière, oublia son aïeul Francis Child, et ne pardonna jamais ce mariage à sa fille.

Les livres de Child portent la date de 1620. Puis nous avons la banque de Hoare en 1680, et celle de Snow en 1685. Peu d'années après cette époque, M. Patterson fondait la Banque nationale. La charte royale qui confirmait cet établissement porte la date de 1694. La banque d'Angleterre s'ouvrit à Grocer's Hall, édifice qui a été rasé depuis cette époque. Là, tous les directeurs, secrétaires et commis travaillaient dans une salle commune. Les secrétaires et les commis étaient au nombre de cinquante-quatre, et leurs appointements, mis ensemble, ne dépassaient pas la somme de 4,350 livres sterling. En 1732, on résolut de construire un édifice pour la banque dans Threadneedle Street, et l'on choisit à cet effet le terrain occupé par la maison de sir John Houblon, premier gouverneur de l'établissement. Le 3 août, on posa les fondations. Sur une des pierres étaient inscrits les noms des directeurs. Les ouvriers recurent en cadeau vingt gui

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