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prirent sur eux le poids de la défense commune, et pour un instant couvrirent de leurs vaillantes poitrines le royaume de Jérusalem. «Ils furent bientôt accablés par le nombre, «dit Michaud, et périrent presque tous sur le champ de « bataille. Les vieilles chroniques, en célébrant la bravoure << des chevaliers chrétiens, rappellent des prodiges qu'on << aura peine à croire. On vit ces guerriers indomptables, << après avoir épuisé leurs flèches, arracher de leur corps « celles dont ils étaient percés, et les lancer à l'ennemi. On « les vit, altérés par la chaleur et la fatigue, s'abreuver de « leur sang, et reprendre des forces par le moyen même qui « devait les affaiblir. On les vit enfin, après avoir brisé leurs « lances et leurs épées, s'élancer sur leurs ennemis, se « battre corps à corps, se rouler dans la poussière avec les « guerriers musulmans, et mourir en menaçant leurs vain«queurs. Rien n'égala surtout la valeur héroïque de Jacques « de Maillé, chevalier du Temple. Monté sur un cheval << blanc, il était resté seul debout sur le champ de bataille, et «< combattait parmi des monceaux de morts. Quoiqu'il fût « entouré de toutes parts, il refusait de se rendre. Le cheval « qu'il montait, épuisé de fatigue, s'abat et l'entraîne dans << sa chute; mais bientôt l'intrépide chevalier se relève, et, «la lance à la main, couvert de sang et de poussière, tout « hérissé de flèches, se précipite dans les rangs des Musul<<< mans étonnés de son audace; enfin il tombe percé de <« coups, et combat encore. Les Sarrasins le prirent pour saint « Georges, que les chrétiens croyaient voir descendre du « ciel au milieu de leurs batailles. Après sa mort, les soldats « turcs s'approchèrent avec respect de son corps meurtri de << mille blessures; ils essuyaient son sang, se partageaient les << lambeaux de ses habits, les débris de ses armes, etc., etc... «< Ainsi, dit une ancienne chronique, dans la saison où l'on <«< cueillait parmi les champs des fleurs et des roses, les « chrétiens de Nazareth n'y trouvèrent que les traces du «< carnage et les cadavres de leurs frères. >>

Aile du Nord. 65. ENTREVUE DE PHILIPPE-AUGUSTE AVEC HENRI II A GISORS (21 janvier 1188).

Pavillon du Roi.
R.-de-chaussée.

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Par M. SAINT-ÈVRE en 1830.

L'ORIFLAMME A SAINT

Par M. RÉVOIL en 1841.

Saladin, après avoir anéanti l'armée chrétienne sur les

bords du lac de Tiberiade (3 juillet 1187), marcha bientôt de conquête en conquête jusque sous les murs de Jérusalem. Le 3 octobre de cette même année, une capitulation remit la ville sainte entre ses mains, et le drapeau des Ayoubites remplaça l'étendard de la croix sur la montagne de Sion. Cette nouvelle répandit en Europe une consternation sans égale: le pape Urbain III en mourut de douleur. Son successeur appela tout aussitôt les rois et les peuples de l'Occident à la vengeance. Guillaume, archevêque de Tyr, témoin de cette grande catastrophe, alla prêcher la croisade en France, en Angleterre et en Allemagne, et à sa voix les trois plus puissants monarques de la chrétienté donnèrent leurs noms à la milice sainte. La dîme saladine, ainsi appelée en témoignage de la terreur qui s'attachait au nom du redoutable sultan, fut partout levée pour subvenir aux frais de l'expédition.

Philippe-Auguste avait pris la croix à Gisors avec le roi d'Angleterre, Henri II, en 1188: les deux monarques avaient abjuré leurs ressentiments devant le grand intérêt de la guerre sainte, et s'étaient embrassés en versant des larmes. Une église devait s'élever sur le lieu de leur réconciliation pour en perpétuer le souvenir; mais Henri survécut à peine quelques mois à cette entrevue, et ce ne fut que deux ans après que Philippe-Auguste, retenu par les soins de son gouvernement, put se mettre en route pour le grand passage. Il assura, avant tout, sa succession, pourvut à l'administration du royaume pendant son absence, fit entourer de murs sa bonne ville de Paris et d'autres places et châteaux pour les préserver de toute attaque, et libre alors des soucis de la royauté, «l'an du Seigneur 1190, à la fête <de saint Jean-Baptiste, il alla, suivi d'un nombreux cora tége, prendre congé du bienheureux martyr saint Denys dans son église. C'étoit un ancien usage des rois de « France, quand ils alloient à la guerre, d'aller prendre « une bannière sur l'autel du bienheureux Denys, et de « l'emporter avec eux, comme une sauvegarde, au front de bataille... Le Roi très-chrétien alla donc, aux pieds a des saints martyrs Denys, Rustique et Eleuthère, se

mettre en oraison sur le parvis de marbre, et recom◄ manda son âme à Dieu, à là bienheureuse vierge Marie, a aux saints martyrs et à tous les saints. Enfin, après avoir a prié, il se leva, fondant en larmes, et reçut dévolement « la jarretière et le bourdon de pèlerin des mains de Guillaume, archevêque de Reims, son oncle, légat du siége

Aile du Nord. Pavillon du Roi. R-de-chaussée.

« apostolique; puis il partit pour combattre les ennemis de « la croix de Dieu..... » Philippe-Auguste s'embarqua à Gênes, pendant que son frère d'armes, Richard Coeur-deLion, qui bientôt devait être son ennemi, faisait voile de Marseille.

67. SIÉGE DE PTOLEMAÏS (juillet 1191).

LE MARÉCHAL ALBÉRIC CLÉMENT ESCALADE LA TOUR

MAUDITE.

Par M. FRAGONARD en 1839.

Le grand événement de la troisième croisade est le siége de Ptolémaïs, qui dura près de deux ans (28 août 1189 à 13 juillet 1191), et qui est comparé au siège de Troie dans les chroniques contemporaines. La résistance des Sarrasins derrière leurs murailles fut héroïque, l'intrépide persévérance des Croisés le fut plus encore. Ce ne fut toutefois qu'à l'arrivée des deux rois de France et d'Angleterre que les coups devinrent décisifs. Ce que l'Europe avait de plus vaillants chevaliers se trouva alors réuni dans la plaine qui entoure Ptolemais, et le camp des Chrétiens, «où l'on avait bâti « des maisons, tracé des rues, élevé des forteresses », présenta l'aspect d'une ville dont l'enceinte enfermait celle de -la ville assiégée.

Plus d'une fois Saladin vint les y attaquer, et toujours les efforts de sa rapide cavalerie se brisèrent contre le rempart de fer des lances européennes. Plus d'une fois aussi les Croisés montèrent à l'assaut, et accablés de pierres et de flèches, livrés surtout à l'effroyable puissance du feu grégeois, ils remplirent de leurs cadavres les fossés de la ville.

Le principal effort de l'armée française se porta contre la tour maudite, et c'est là aussi qu'eut lieu le fait d'armes le plur mémorable de tout le siége. La mine ayant ébranlé les fondements de cette tour, et le mur commençant à chanceler, un même élan emporte aussitôt une foule de Croisés qui se croient déjà maîtres de la place. Ils sont repoussés. A cette vue, Albérie Clément, «Maréchal du Roi Philippe », s'anime d'une généreuse résolution. «Je mourrai aujourd'hui, «s'écrie-t-il, ou, avec la grâce de Dieu, j'entrerai dans Acre.»> Et saisissant une échelle, il s'élance au haut de la muraille, et abat de son épée plusieurs Sarrasins. Mais trop de guerriers l'ont suivi, et ils sont entraînés à terre avec l'échelle qui ne peut les porter. Les Sarrasins, en la voyant tomber, pous

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sent un cri de joie : Albéric, seul sur le mur, combat encore;
mais il succombe à la fin sous une grèle de traits que lui lan-
cent de loin des milliers de mains ennemies.

68. PTOLEMAÏS REMISE A PHILIPPE-AUGUSTE ET A RICHARD
COEUR-DE-LION (13 juillet 1191).

Par M. BLONDEL en 1840. Aile du Nord.
Pavillon du Roi.

Quelques jours après cet assaut, les Sarrasins découra- R.-de-chaussée.
gés demandèrent à capituler; mais Philippe-Auguste refusa
d'épargner Ptolemaïs, si Jérusalem et toutes les villes en-
levées aux chrétiens depuis la bataille de Tibériade ne leur
étaient rendues. Le haut prix de cette rançon était un ou-
trage, et cet outrage ranima chez les Sarrasins l'énergie du
désespoir: on les vit, selon le langage figuré d'un de leurs
historiens, « du haut de leurs remparts à demi ruinés se
«jeter sur les assaillants, comme des pierres détachées du
a sommet des montagnes. » Mais ces prodiges d'une va-
leur désespérée ne purent longtemps se soutenir, et une
nouvelle capitulation, que l'honneur des Sarrasins pouvait
accepter, leur fut accordée. Ils s'engagèrent à livrer Ptole-
mais avec toutes les armes, les munitions et les richesses
que renfermaient la ville et le port; à rendre la sainte
croix et seize cents prisonniers chrétiens; enfin à payer deux
cent mille besants d'or. Philippe-Auguste et Richard prirent
ensemble possession de la ville, et les deux bannières de
France et d'Angleterre furent en même temps arborées sur
les murailles. Lå garnison musulmane passa désarmée de-
vant les Croisés rangés en bataille. « Mais, dit un des
a chroniqueurs de la croisade, ils ne sembloient point abat-
« tus par leur défaite; la fierté de leur visage n'avoit point
« péri, et leur air intrépide simulait la victoire. >>

69. TOURNOI SOUS LES MURS DE PTOLEMAÏS (1191).
Par M. Eugène LAMI en

Aile du Nord. Pavillon du Roi.

Pendant le siége de Ptolémaïs on vit quelquefois, dit R.-de-chaussée, Michaud d'après les chroniqueurs contemporains, les « fureurs de la guerre faire place aux plaisirs de la paix... « On célébra dans la plaine plusieurs tournois où les Musul<< mans furent invités. Les champions des deux partis, « avant d'entrer en lice, se haranguaient les uns les autres; ale vainqueur était porté en triomphe, et le vaincu racheté « comme prisonnier de guerre. Dans ces fêtes guerrières, « qui réunissaient les deux nations, les Francs dansaient

Aile du Nord. Pavillon du Roi. R.-de-chaussée.

<<< souvent au son des instruments arabes, et leurs mėnestrels << chantaient ensuite pour faire danser les Sarrasins (1). »

70, BATAILLE D'ARSUR (1191).

Par M. Eugène LAMI en ...

La bataille d'Arsur est peut-être le plus prodigieux exploit qui ait signalé les armes des Chrétiens pendant les deux siècles que durèrent les croisades.

Les Croisés maîtres de Ptolémaïs étaient en marche vers Jérusalem. Ils débouchaient des montagnes de Naplouse dans la plaine d'Arsur, quand ils y trouvèrent deux cent mille Musulmans qui les attendaient pour leur disputer le passage. C'étaient toutes les forces de Saladin, avec lesquelles il se flattait d'anéantir l'armée chrétienne. Richard Coeur-de-Lion la commandait, et sous lui le duc de Bourgogne et le comte de Champagne. Quelque temps les Croisés, dociles à ses ordres, demeurèrent serrés les uns contre les autres, poursuivant leur marche sur Arsur, se contentant de faire face à l'ennemi, qui, suivant l'expression d'un historien arabe, les entourait comme les cils environnent l'œil. A la fin les plus braves se lassèrent d'être impunément assaillis par ce ramas de Bedouins, Scythes, Ethiopiens, etc., qu'ils étaient accoutumés à mépriser L'arrière-garde, où étaient les Hospitaliers, s'ébranla, et bientôt tout le reste de l'armée, chevaliers de Bourgogne et de Champagne, Flamands, Angevins, Bretons, Poitevins, fut entraîné à leur suite. De la mer aux montagnes ce ne fut plus qu'un vaste champ de carnage. Richard se montrait partout faisant entendre son redoutable cri de guerre: Dieu, secourez le saint sépulcre! et partout des ruisseaux de sang, des escadrons en désordre marquaient son passage. En peu de temps l'armée de Saladin fut dispersée devant cette nation de fer, comme ils appelaient les Chrétiens, et le Sultan resta seul avec dix-sept de ses mamelucks. Taki-Eddin, son neveu, dans cette terrible extrémité, rallie autour de lui vingt mille de ses soldats en fuite, et renouvelle contre les Croisés un effort désespéré. Etonnés et croyant à peine à leur victoire, ceux-ci plient d'abord devant ce choc inattendu; mais Richard, semblable au moissonneur qui abat les épis, se jette au milieu des Sarrasins et les disperse encore une fois. Une autre attaque qu'ils tentent contre son arrière-garde lui donne une troisième victoire, et l'armée de Saladin eût

(1) Histoire des Croisades.

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