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ville de Traina, dont il fit sa place d'armes. Il marcha dès lors de succès en succès, mais toujours opposant des centaines d'hommes à des milliers, toujours vainqueur par d'incroyables prouesses de chevalerie. Le plus prodigieux de ces faits d'armes est le combat de Ceramo, où, suivant la chronique de Gaufred Malaterra, il mit en fuite avec cent trentesix hommes trente-cinq mille Sarrasins. Ce ne fut toutefois qu'au bout de trente années d'efforts qu'il accomplit sa conquête.

29. DÉPART DE GUILLAUME LE CONQUÉRANT (1066). Par M. Théodore GUDIN en ....

Aile du Nord. Pavillon du Roi.

Pendant que les fils de Tancrède de Hauteville prome- R.de-chaussée. naient ainsi jusqu'au fond de l'Italie l'esprit aventureux de la race normande, leurs compatriotes, établis depuis cent cinquante ans sur le sol de la France, cherchaient encore autour d'eux de nouveaux sujets de guerre et de conquêtes. Mêlés à toutes les querelles dans l'espoir d'en profiter, ces turbulents voisins inquiétaient la Bretagne et le Maine, lorsqu'une occasion s'offrit à leur duc Guillaume le Bâtard de prétendre à la couronne d'Angleterre. Édouard le Confesseur, roi de cette ile, étant mort sans postérité, Guillaume prétendit avoir été désigné par ce prince pour lui succéder, et, appuyant ses prétentions d'une bulle du pape Alexandre II et d'une armée de soixante mille hommes, dont quatre cent deux chevaliers, il se prépara à envahir l'Angleterre, où Harald avait été élu par l'assemblée nationale des Anglo-Saxons.

« Le rendez-vous des navires et des gens de guerre était à l'embouchure de la Dive, rivière qui se jette dans a l'Océan, entre la Seine et l'Orne. Durant un mois, les « vents furent contraires et retinrent la flotte normande « au port. Ensuite une brise du sud la poussa jusqu'à « l'embouchure de la Somme au mouillage de Saint-Valery. « Là les mauvais temps recommencèrent; et il fallut atatendre plusieurs jours. La flotte mit à l'ancre et les « troupes campèrent sur le rivage, fort incommodées par a la pluie qui ne cessait de tomber à flots. >>

Le mauvais temps et le retard jetèrent le découragement dans l'armée de Guillaume qui, pour relever le courage de ses soldats et obtenir du ciel un vent favorable, fit promener processionnellement dans son camp la châsse de saint Valery; « la nuit suivante, comme si le ciel eut fait a un miracle, les vents changèrent et le temps redevint

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des Croisades. No 128.

<«< calme et serein. Au point du jour, c'était le 27 septembre, « le soleil, jusque-là obscurci de nuages, parut dans tout << son éclat. Aussitôt le camp fut levé, et les apprêts de « l'embarquement s'exécutèrent avec beaucoup d'ardeur << et non moins de promptitude, et quelques heures avant « le coucher du soleil la flotte entière appareilla. Quatre « cents navires à grande voilure et plus d'un millier de << bateaux de transport se mirent en mouvement pour ga«gner le large, au bruit des trompettes et d'un immense «< cri de joie poussé par soixante mille bouches.

«Le vaisseau qui portait le duc Guillaume marchait en « tête, portant, au haut de son mât, la bannière envoyée par « le pape, et une croix sur son pavillon. Ses voiles étaient « de diverses couleurs, et l'on y voyait peints en plusieurs << endroits les trois lions, enseigne de Normandie; à la «proue était sculptée une figure d'enfant portant un arc «tendu, avec la flèche prête à partir. Enfin de grands fa<<< naux élevés sur les hunes, précaution nécessaire pour « une traversée de nuit, devaient servir de phare à toute la << flotte et lui indiquer le point de ralliement. Ce bâtiment, << meilleur voilier que les autres, les précéda tant que dura « le jour, et, la nuit, il les laissa loin derrière (1). »

Le lendemain toute la flotte débarqua heureusement à Pevensey, et l'on sait comment, un mois après, la bataille d'Hastings délivra Guillaume de son compétiteur, et livra pour jamais l'Angleterre à la domination normande. 30. HENRI DE BOURGOGNE RECOIT L'INVESTITURE DU COMTÉ DE PORTUGAL (1094).

Par M. JACQUAND en ....

Henri de Bourgogne, arrière-petit-fils du roi de France Robert, possédé de l'esprit religieux et guerrier qui fit les croisades, était allé avec un grand nombre de chevaliers français offrir à don Alphonse VI, roi de Castille, son épée contre les infidèles. Il avait combattu en même temps que le Cid à ce fameux siège de Tolède qui dura dix ans (1075 à 1085) comme celui de Troie, et sa vaillance s'était fait remarquer à côté de celle du premier héros de la chevalerie. Il avait encore aidé Alphonse VI dans sa lutte périlleuse contre les Almoravides, tribus fanatiques et guerrières, accourues d'Afrique au secours de l'islamisme (1086). Enfin il s'était signalé par de nombreux exploits contre les Maures de Duero, (1) Histoire de la Conquête de l'Angleterre, par Aug. Thierry.

dans la Galice méridionale. En récompense de tant de glorieuses prouesses, le roi Alphonse lui donna en mariage sa fille dona Theresa, et lui accorda en même temps l'investiture du comté de Portugal que ses armes lui avaient soumis (1094). Henri de Bourgogne plaça ainsi sur un nouveau trône la maison royale de France. Son fils Alphonse El conquistador prit le titre de roi de Portugal sur le champ de bataille d'Ourique, au sein d'une victoire.

On sait que la maison de Bragance, aujourd'hui régnante, est un des rameaux sortis de cette souche royale, et que le nom même de Bragance paraît être une corruption, de celui de Bourgogne.

31. PRÉDICATION DE LA PREMIÈRE CROISADE, A CLERMONT EN AUVERGNE (novembre 1095).

Par M. Henri SCHEFFER en .... Aile du Nord.

R.-de-chaussée.

L'ermite Pierre avait parcouru une grande partie de la Pavillon du Roi. chrétienté, racontant partout les misères des fidèles de la Palestine, et partout invoquant pour eux la pitié de leurs frères d'Occident. L'Europe, et en particulier la France, était donc déjà toute pleine de l'esprit des croisades, lorsque le pape Urbain II convoqua un concile général à Clermont en Auvergne.

La voix du pontife eut un prodigieux retentissement. Treize archevêques, deux cent vingt-cinq évêques, un nombre presque égal d'abbés mitrés, avec plusieurs milliers de chevaliers, et une foule innombrable d'hommes et de femmes de toute condition accoururent, au cœur de l'hiver, sous le ciel rigoureux de l'Auvergne, attendant impatiemment la proclamation de la guerre sainte.

L'ermite Pierre redit alors à cette multitude immense d'hommes rassemblés ce qu'il avait dit séparément à la plupart d'entre eux dans leurs châteaux ou leurs chaumières. Il exalta puissamment les imaginations par le tableau pathėtique des outrages et des persécutions prodiguées par les Musulmans aux fidèles qui habitaient près des saints lieux, ou aux pèlerins qui les visitaient. Le pape Urbain prit à son tour la parole: il appela toute la chrétienté aux armes pour venger la sainte cause de Jésus-Christ; il échauffa les ambitions par la promesse des riches dépouilles des Infidèles, en même temps qu'il enflammait l'enthousiasme religieux en lui montrant les palmes immortelles du martyre.

Ce ne fut alors qu'un seul cri: Dieu le veut! Dieu le veut! Clercs et laïques, seigneurs et humbles vassaux, tous s'empressèrent de donner leurs noms à la milice sainte et de

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des Croisades. No 128.

s'enrôler pour le grand passage. Hugues de Vermandois, frère du roi Philippe Ier, Raymond, comte de Toulouse, représenté par ses ambassadeurs, Godefroy de Bouillon, duc de basse Lorraine, avec ses deux frères Eustache et Baudouin, Robert, duc de Normandie, fils aîné de Guillaume le Conquérant, Étienne comte de Blois, de Chartres et de Meaux, étaient les plus renommés de ceux qui marquèrent alors leurs épaules du signe sacré de la croix, et prirent de là le nom de Croisés. Urbain bénit toute l'assemblée, et presque aussitôt commencèrent à s'ébranler vers l'Orient les masses d'hommes qui allaient poursuivre la querelle engagée depuis plus de quatre siècles entre la religion du Christ et celle de Mahomet.

32. L'EMPEREUR ALEXIS COMNÈNE REÇOIT A CONSTANTINOPLE L'ERMITE PIERRE A LA TÊTE DES PREMIERS CROISÉS (1096).

Par M. SAINT-ÈVRE en 1839.

Tandis que les princes et les seigneurs, retournés dans leurs manoirs, s'y préparaient à la guerre sainte, la multitude, que les prédications de l'ermite Pierre avaient ramassée autour de lui, le suivait ou plutôt le poussait devant elle en Orient. Un seul chevalier, dont le surnom atteste la pauvreté, Gautier sans avoir, servait de chef à ces bandes tumultueuses, qui, dans les illusions de leur enthousiasme, comptaient pour se nourrir sur la manne que Dieu leur enverrait, et marchaient à la croisade en demandant l'aumône. En France et en Allemagne la charité des fidèles vint à leur secours; mais, arrivés sur les terres de la Hongrie et de la Bulgarie, ils ne trouvèrent plus que la faim et des ennemis redoutables. Pierre avait perdu plus de quarante mille de ses compagnons lorsqu'il atteignit la frontière de l'empire grec. L'Empereur cependant fut curieux de voir l'homme extraordinaire qui avait ébranlé tout l'Occident par son éloquence.

« Pierre l'ermite, dit Michaud, fut admis à l'audience « d'Alexis Comnène et raconta sa mission et ses revers. «En présence de toute sa cour, l'Empereur vanta le zèle « du prédicateur de la croisade, et comme il n'avait rien « à craindre de l'ambition d'un ermite, il le combla de « présents fit distribuer à son armée de l'argent et des « vivres, et lui conseilla d'attendre pour commencer la « guerre, l'arrivée des princes et des illustres capitaines << qui avaient pris la croix. » Ce conseil ne fut point suivi;

l'Empereur lui-même, fatigué de la turbulence de ces hôtes incommodes, eut grande hâte de leur faire passer le Bosphore. Là, au bout de peu de jours, cette formidable armée, que des milliers d'Allemands étaient venus grossir, n'était plus, selon l'expression d'Anne Comnène, qu'une énorme montagne de cadavres entassés dans la plaine de Nicée.

33. ADOPTION DE GODEFROY DE BOUILLON PAR L'EMPEREUR ALEXIS COMNÈNE (1097).

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No 128.

Par M. Alexandre HESSE en .... Huit mois après le concile de Clermont, Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, avec quatre-vingt mille des Croisades. guerriers, donna le signal de ce grand mouvement qui allait transporter en Asie tout ce que l'Europe et surtout la France Comptaient alors de plus vaillants chevaliers. Hugues de Vermandois, frère du roi Philippe I, les deux Robert, l'un duc de Normandie, l'autre comte de Flandre, Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, Etienne, comte de Blois et de Chartres, Adhemar de Monteil, évêque du Puy, tous seigneurs français, brillaient à la tête de la croisade : fa France revendiquait encore comme ses enfants Bohémond, prince de Tarente, et son neveu Tancrède, issu de cette race normande qui venait de conquérir l'Italie méridionale. Le rendez-vous de toutes ces armées féodales était sous les murs de Constantinople: elles y arrivèrent les unes après les autres, semblables, dit Anne Comnène, « à des torrents << qui se réunissent pour former un grand fleuve. » Le timide empereur Alexis trembla devant les redoutables défenseurs que lui envoyait l'Occident: il hésitait à leur ouvrir les portes de sa capitale; mais les menaces de l'audacieux Bohémond retentirent à son oreille, et, se fiant alors à la loyauté de Godefroy de Bouillon, il lui envoya son fils en otage.

Godefroy, entouré d'une brillante élite de chevaliers, se rendit au palais impérial. « En voyant le magnifique et « honorable duc, dit Albert d'Aix, chroniqueur contempo« rain, ainsi que tous les siens dans tout l'éclat et la parure ◄ de leurs précieux vêtements de pourpre et d'or, recouverts « d'hermine blanche comme la neige, de martre, de petit« gris et de diverses autres fourrures, telles que les portent les seigneurs de France, l'Empereur admira vivement leur pompe et leur splendeur. D'abord il admit le duc a avec bonté à recevoir le baiser de paix : puis, et sans au

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