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cution de la loi et l'arrêté du directoire. Il a été présenté à l'assemblée du conseil municipal, et il n'a point fait cette réquisition; il a donc manqué à ses devoirs. L'article IX de la loi du 13 mars 1791, prononce encore la suspension dans le cas où se trouvent le maire et le procureur de la commune. L'article XXVIII de la loi du 3 août 1791, faisait un devoir au procureur de la commune de se présenter, le 20, au lieu de l'attroupement, pour y requérir l'exécution de la loi. Il n'a pas satisfait à ce devoir. Le département avait donc le pouvoir de suspendre le maire et le procureur de la commune; ils sont dans le cas de la suspension. Le département devait donc les suspendre; et s'il ne s'était point acquitté de ce devoir, le roi aurait dû suspendre le département lui-même. Je suis donc d'avis que l'assemblée nationale doit confirmer l'arrêté du conseil du département, portant suspension du maire et du procureur de la commune de Paris.

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La discussion est fermée.

M. Brunck. Je demande qu'on nous fasse lecture du rapport des commissaires du département.

M. Guadet. Monsieur ignore que ces sortes de pièces ne font jamais partie de la procédure.

M. Genty. Ayant assisté à la lecture de toutes les pièces, j'ai remarqué ce fait : c'est parce qu'on a pointé les canons dans la place du Carrousel, sur la porte royale, qu'elle a été ouverte. Par la faute de qui ce rassemblement avait-il des canons? Par la faute du maire qui, en désobéissant au département, avait voulu légaliser la révolte. C'est donc à lui qu'on doit attribuer les désordres qui ont souillé cette journée. ( Les tribunes murmurent.)

M. Giraud. Je suis loin de partager l'opinion de ceux qui pensent que la patrie sera sauvée, si le maire n'est plus en pénitence demain. Comme tous les départemens ont les yeux ouverts sur cette affaire; comme les Parisiens eux-mêmes nous jugeront quand leur moment d'ivresse sera passé, je demande qu'on aille aux voix par appel nominal.

M. Quinette observe que l'appel nominal ne peut avoir lieu que quand les épreuves sont douteuses.

L'assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à déliberer sur l'appel nominal quant à présent.

M. Muraire fait lecture de l'article Ier.

Art. 1. La suspension prononcée contre le maire de Paris, par l'arrêté du département de Paris du 6 juillet, et confirmée par la proclamation du roi du 11 du même mois, est levée.

M. Boëro. La loi porte que quand une municipalité sera afficher un réglement contraire à celui du département, elle pourra être suspendue. La municipalité de Paris a fait afficher un arrêté contraire à celui du département; ainsi je demande la question préalable sur l'article du Comité.

M. Coubé. Je propose à l'assemblée la rédaction suivante:

L'assemblée nationale, considérant que d'après les pièces don il lui a été donné lecture, il sera démontré à la France entière que si la municipalité de Paris a la volonté, elle n'a pas le pouvoir d'empêcher quelques individus des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel de se rassembler en armes toutes les fois qu'ils le voudront, décrète qu'à l'avenir elle tiendra ses séances à Rouen, ou dans toute autre ville du royaume qui respectera les lois. M. le président. Je mets aux voix cette motion. Une voix s'élève. Elle n'est pas appuyée.

M. le président. Si, monsieur, cinquante membres l'appuient. L'assemblée rejette la motion de M. Coubé.

L'article Ier du projet de M. Muraire est décrété.

Une partie de l'assemblée ne prend point part à la délibé

ration.

M. Muraire fait lecture de l'art II.

Les autres articles furent successivement et rapidement adoptés en ces termes:

II. L'assemblée nationale surseoit à prononcer sur la suspension du procureur de la commune, jusqu'à ce qu'il ait été entendu. III. Le renvoi aux tribunaux est annulé, en tout ce qui concerne le maire et les officiers municipaux.

?

IV. L'assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif fera

passer dans le jour deux expéditions du présent décret: l'un au département, l'autre à la municipalité.

M. Quinelle. Je demande l'impression du rapport de M. Muraire, et l'envoi au quatre-vingt-trois départemens.

L'assemblée ordonne l'impression du rapport.

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On fait lecture d'une lettre relative au cérémonial de la fédération.

M. Colon. Un grand nombre de personnes viennent d'entourer dans le cloître des Feuillans M. Lacolombe, aide-major du général La Fayette. Elles veulent savoir pourquoi il est à Paris. J'ai offert à M. Lacolombe deux sentinelles pour sa sûreté. Il les a acceptées. J'ai ensuite annoncé aux personnes qui étaient là que j'allais informer l'assemblée de ce qui se passait. Le peuple satisfait s'est retiré.

M. Jean-de-Brie. Passant dans le jardin des Feuillans, j'ai vu qu'on entourait M. Lacolombe, et qu'on l'accusait d'avoir tenu de mauvais propos à des fédérés. Je l'ai pris sous le bras, et j'ai dit aux personnes qui étaient là qu'elles n'avaient aucune fonction publique à exercer, et que M. Lacolombe n'était pas obligé de leur dire le motif de son voyage.

L'assemblée passe à l'ordre du jour. La séance est levée à sept heures du soir.

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Tel fut le second des échecs qu'éprouva le pouvoir royal, dans le courant de ce mois. Aussi la fête du lendemain fut un triomphe pour Pétion, tandis qu'elle ne fut qu'un triste et menaçant anniversaire pour le roi. Il n'y eut point de séance au corps législatif: il se rendit tout entier à la cérémonie. Nous allons donc interrompre un instant notre continuité parlementaire, pour raconter les détails de cette fédération; et nous profiterons de cette occasion, pour rendre compte de toutes les démarches et de tous les projets qui s'y rattachaient.

FÉDÉRATION DU 14 JUILLET 1792.

Nous commencerons par l'adresse de Robespierre aux fédérés que nous avons annoncée,

A

Aux Fédérés:

⚫ Salut aux défenseurs de la liberté ; salut aux généreux Marseillais qui ont donné le signal de la sainte fédération qui les réunit ; salut aux Français des quatre-vingt-trois départemens, dignes émules de leur courage et de leur civisme; salut à la patrie, puissante, invincible, qui rassemble autour d'elle l'élite de ses innombrables enfans, armés pour sa défense. Que nos inaisons soient ouvertes à nos frères, comme nos cœurs; volons dans leurs bras; et que les douces étreintes d'une sainte amitié annoncent aux tyrans que nous ne souffrirons plus d'autres chaînes.

⚫ Citoyens, êtes-vous accourus à une vaine cérémonie? N'avezvous quitté vos foyers et vos travaux que pour venir répéter encore de froides formules de sermens, garans trop superflus du civisme éprouvé? ce sont les cris du patriotisme opprimé, c'est la voix de la patrie en danger, qui vous a appelés. Ces dangers sont-ils passés? Ils sont plus grands que jamais. Au dehors, les tyrans rassemblent contre nous des armées nouvelles : au dedans, d'autres tyrans nous trahissent. Les ennemis qui nous guident respectent le domaine du despote autrichien autant qu'ils prodiguent le plus pur sang des Français. Ils n'ont pris quelques villes belgiques, que pour les abandonner; ils n'ont fait briller l'image de la liberté, aux yeux d'un peuple malheureux, qui se jetait dans nos bras,, que pour le replonger dans une servitude plus affreuse. Ils ont commis le plus grand de tous les crimes qui ait jamais souillé l'histoire des nations barbares, ils ont lâchement livré aux flammes les propriétés et les maisons de nos infortunés alliés, au nom de ce même peuple qui venait briser leurs fers. Ils leur ont laissé, pour gage de la protection française, la misère, la mort et la vengeance de leurs tyrans, irrités par les preuves d'affection qu'ils nous avaient données; et ils demeurent impunis. Un autre monstre privilégié est venu, au sein de l'assemblée nationale, insulter à la nation, menacer le patriotisme, fouler aux pieds la liberté, au nom de

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l'armée qu'il divise et qu'il s'efforce de corrompre; et il demeure impuni! L'assemblée nationale existe-t-elle encore? Elle a été outragée, avilie, et elle ne s'est point vengée.

› Les tyrans ont feint de déclarer la guerre à leurs complices et à leurs alliés, pour la faire de concert au peuple français; et les traîtres demeurent impunis! Trahir et conspirer, semble un droit consacré par la tolérance ou par l'approbation de ceux qui nous gouvernent : réclamer la sévérité des lois, est presque un crime pour les bons citoyens. Une multitude de fonctionnaires que la révolution a créés, égalent ceux que le despotisme avait enfantés, en tyrannie et en mépris pour les hommes, et les surpassent en perfidie. Des hommes, qu'on nomme les mandataires du peuple, ne sont occupés que de l'avilir et de l'égorger. La plus helle de toutes les révolutions, dégénère chaque jour en un honteux système de machiavélisme et d'hypocrisie, où les lois ne sont, entre les mains d'un gouvernement déloyal, que des moyens d'opprimer les faibles et de protéger les hommes puissans; les droits de l'humanité, l'objet d'un execrable trafic; la fortune publique, la proie de quelques brigands; où tous les vices calomnient toutes les vertus et changent le règne de la liberté en une longue et cruelle proscription, exercée au nom de l'ordre public contre les honnêtes gens qui ont de la probité et du courage, par les honnêtes gens qui n'ont que de l'or, des vices et de l'autorité.

› Tart d'attentats ont enfin réveillé la nation, et vous êtes 'accourus; mais, à l'approche des hommes libres, le despotisme a tremblé ; et il s'est hâté de recouvrir son visage hideux, de ce masque grossier du patriotisme qu'il avait déposé.. A l'aspect du lion, les animaux lâches et féroces se couchent et demeurent immobiles; ils attendent qu'il ait passé ou qu'il se soit endormi, pour recommencer leurs ravages, ou même pour l'enchaîner. .. On a vu Polyphème essayer de contrefaire le sourire de Circé, pour attirer sous sa dent meurtrière les victimes qu'il voulait dévorer. Ainsi, ceux qui ont mis tout en œuvre pour arrêter votre marche; ceux qui vous auraient fait égorger, s'ils l'avaient

T. XV.

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