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a donné connaissance, dit-il dans cet arrêté, de l'arrêté du conseil général de la commune que le 18. Mais il été a repondu à ce fait par l'observation que l'arrêté du 16 ne fut pris que dans une séance du soir, et que du 17 au 18 l'intervalle n'est pas immense.

Il n'a pas donné connaissance au directoire du département du rassemblement qui se projetait, et il n'a pas non plus commupiqué au corps municipal l'arrêté du conseil général de la commune du 16, ainsi que cela avait été expressément ordonné. Mais, en donnant connaissance au directoire du département de l'arrêté du conseil général de la commune du 16, ne lui a-t-il pas donné connaissance de l'attroupement projeté? Mais le corps municipal, qui fait essentiellement partie du conseil général de la commune, n'était-il pas suffisamment instruit des faits par ce même arrêté du censeil général de la commune.

L'arrêté reproche à M. le maire de n'avoir point donné au commandant-général les ordres nécessaires pour empêcher le rassemblement qui se projetait. Des pièces font encore foi du contraire. Dès le 19 au soir, le maire a écrit au commandant de la garde nationale pour qu'il prît toutes les précautions convenables pour maintenir la tranquillité publique, pour qu'il doublât les postes des Tuileries et de l'assemblée nationale, pour qu'il tînt les autres postes au complet, pour établir des réserves d'infanterie et de cavalerie. Ne sont-ce pas là des ordres, et des ordres très-précis qu'il a donnés ?

Instruit que les esprits s'échauffent et persévèrent dans l'intention de marcher en armes, il propose une mesure moyenne au directoire de département qui, à la vérité, s'y refuse. Mais d'après ce refus même du directoire du département, son premier soin est d'écrire aux commandans des divers bataillons, de leur transmettre la lettre du département, et de les engager, au nom de la patrie, à s'y conformer, et à éclairer leurs concitoyens. Il envoie, dans la même vue et pour le même objet, dans les faubourgs, des officiers municipaux et des administrateurs de police.

Peut-on reprocher au maire le non succès de ces démarches?

Votre commission a pensé, dans l'état des faits qui sont constatés par les procès-verbaux, déclarations et autres pièces remises, qu'il était de votre justice de lever la suspension. (On applaudit à plusieurs reprises.)

La commission a eu ensuite à examiner la conduite du procureur de la commune : elle n'a pas trouvé, à beaucoup près, des renseignemens aussi étendus. Il ne paraît pas que le procureur de la commune se soit montré pour empêcher les désordres. L'article XXVIII du décret du 3 août lui en prescrivait du moins l'obligation; c'est lui qui, aux termes de cette loi, devait le premier se rendre au lieu de l'attroupement. Il a seulement passé une heure, le soir, dans le jardin des Tuileries, comme particulier et sans écharpe ; on ne le voit jamais, soit avec les officiers municipaux dans les appartemens du château, soit ensuite avec le maire; lorsqu'il y est arrivé, il devait concourir avec eux au rétablissement de l'ordre. Une telle inaction serait nécessairement coupable; mais avant de juger le procureur de la commune, votre commission a pensé qu'il fallait l'entendre; il paraît même exprimer ce vœu dans la lettre qu'on vient de lire; et telle est d'ailleurs la conséquence des principes qui doivent diriger les coopérateurs d'une législation élevée sur les bases de la justice et de l'humanité. (On applaudit.)

Un des motifs de l'arrêté du département est la contrariété de l'arrêté de la municipalité du 20, avec celui du directoire du 19; mais, si vous considérez que ces deux arrêtés ne sont pas absolument différens, puisque celui du département ne prescrivait à la municipalité que de prendre toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour maintenir la tranquillité publique, et que l'arrêté du 20 ne contient que la dernière mesure qu'il était possible de prendre dans les circonstances, si vous considérez à quel point les esprits étaient échauffés; si vous considérez à quel point l'attroupement armé était en quelque sorte légitimé par la facilité que le corps législatif lui-même avait eue d'en recevoir d'autres dans son enceinte, facilité dont il sentit le danger, puisque le lendemain vous avez été obligé de rendre une nouvelle

loi; si vous considérez combien il pouvait être dangereux d'opposer une résistance peut-être inutile à une multitude innombrable et exaltée; non, messicurs, vous ne regarderez pas comme une violation de la loi une mesure dictée par les circonstances, une mesure qui avait pour but de prévenir des mouvemens plus grands encore que ceux qu'elle n'a pu empêcher : rappelez donc à ses fonctions un magistrat qui n'a point mérité d'en être suspendu; mais en même temps rappelez au peuple, à ce peuple qui vient aujourd'hui solliciter son rétablissement, que c'est lui qui l'a compromis; rappelez-lui que s'il veut être heureux et libre, que s'il veut jouir des droits que la Constitution lui a'rendus, il ne doit jamais oublier le respect et l'obéissance qu'il doit à la loi, aux autorités constituées par elle et pour lui, que c'est cette obéissance qui seule peut assurer la prospérité publique et être la sauvegarde des magistrats qu'il a élus. Citoyens, que ce sentiment vous réunisse tous dans la belle journée de demain, que la persévérance dans ces sentimens éloigne à jamais ces événemens désastreux qui détournent trop souvent le corps législatif des grands objets auxquels il est appelé, nuisent à la chose publique, et par conséquent à votre bonheur.

L'assemblée retentit d'applaudissemens presque unanimes et réitérés.

M. Muraire lit un projet de décret.

M. Boulanger. Il me semble qu'avant d'entendre les orateurs pour et contre, il serait nécessaire qu'on fît lecture de toutes les pièces. Sans cela, il n'est pas possible de juger.

L'assemblée décide que les pièces ne seront pas lues.

M. Gorguereau. Il faut convertir en loi la délibération que vient de prendre l'assemblée, et décréter que dorénavant les tribunaux n'auront plus besoin de pièces pour juger.

M. Rouhier. Ces messieurs ne se rappellent pas que j'en ai fait une lecture résumée dans l'arrêté du directoire de département et dans la proclamation du roi. Après avoir passé par ces deux scrutins, elles ne sont pas suspectes.

M. Ferrière. Les faits seuls pouvaient éclairer notre conscience.

L'assemblée a décidé qu'on n'en ferait point lecture. Je demande qu'on mette aux voix le projet de M. Muraire.

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M. Voisin. Il doit au moins être permis à ceux qui ne veulent point prononcer sur des faits sans les connaître, de ne point prendre part à la délibération.

M. Montaut. Je demande qu'on entende tous les ennemis de M. Pétion.

M. le président rappelle M. Montaut à l'ordre.

M. Guadet. Rien ne peut être plus honorable pour le maire de Paris que la lecture des pièces qui ont paru servir de fondement à l'arrêté du département; car, malgré la latitude donnée aux délateurs, en recevant des déclarations non assermentées, il n'en est aucune qui ne marque cet arrêté du sceau de la réprobation. Aussi ne puis-je attribuer qu'à un sentiment de bienveillance la demande faite par M. Boulanger. Ce même sentiment le portera sans doute à reconnaître inutiles des déclarations dénuées de tous les caractères qui peuvent motiver la confiance, et qui més nageraient aux malveillans un ajournement qui, sans douté, n'est pas dans le cœur de M. Boulanger.

On demande à aller aux voix.

M. Delfaux. Je crois qu'il importe, si l'assemblée ne veut pas paraître complice des attentats de cette journée, qu'elle entende les orateurs. C'est pour moi un besoin pressant de parler dans cette affaire. Et en supposant que l'assemblée n'entende pas la lecture des pièces, je crois encore avoir par devers moi assez de motifs pour présenter un projet de décret tout différent de celui de la commission. Je conviens que la lecture des conclusions de M. Ræderer a jeté un grand jour sur cette affaire; que l'habitude où était l'assemblée de recevoir des pétitions d'hommes armes, a été la cause innocente de cet événement ; mais il n'en est point question en ce moment. Ce que nous avons à juger, est là question de savoir si le maire de Paris a montré tout le zèle et le courage nécessaires pour réprimer les attentats. Il vous a dit lui-même que le spectacle étant beau, que les propriétés étant en sûreté, il était rentré chez lui plein de confiance.

M. Dusaule. Il n'a pas dit cela.

M. Delfaux. Il vous a dit aussi que les dispositions de cet attroupement étaient telles, qu'il eût été dangereux de déployer toute la rigueur des lois. Il vous a parlé de l'influence souveraine de la persuasion qu'il exerçait sur le peuple. (Plusieurs voix : n'a pas dit cela.) Il ne devait donc pas le quitter, afin de le contenir par cette influence. (On murmure.)

M. Cers. Je réclame pour monsieur la liberté des opinions, quelques faussetés qu'il avance.

M. Delfaux. Et si la persuasion devenait inutile, il avait un bel exemple à suivre, celui du maire d'Étampes; (On entend quelques applaudissemens.) la mort du vertueux Simoneau..... (On entend quelques murmures.)

M. Dumolard. Les murmures honorent les mânes du vertueux magistrat.

M. Delfaux. Ce glorieux dévouement ne trouvera-t-il point d'imitateur? Quelle a été la sollicitude du maire de Paris? Le 19, veille de cette affreuse journée, il noyait ses soucis dans les délices d'un festin aux Champs-Élysées, avec les ministres disgraciés et deux cents convives..... (Plusieurs voix s'élèvent : Cela est encore faux.)

MM. Isnard, Bazire, Ducos, Guadet, Torné, Bellegarde, sont au milieu de la salle, et reprochent à l'orateur son imposture. (Une voix s'élève : Voici les convives qui se fàchent. )

M. Delfaux. Je tiens cette assertion de plusieurs membres dé l'assemblée.

M. Guadel. Il est important d'observer que c'était un festin très-patriotique, anquel j'avoue bien que M. Delfaux n'assistait pas. Nous nous étions réunis pour célebrer l'anniversaire de l'abolition de la noblesse. Quand M. Pétion y aurait été, il avait assez contribué, et par ses opinions et par son courage, à cette› abolition, pour qu'on n'eût pas dû lui en faire un crime; mais le fait est faux, et je demande que le désaveu de M. Delfaux soit consigné au procès-verbal.

M. Cers. Je m'oppose à cette proposition, par la raison qu'il

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