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est aucun qui, dans un jour de péril ou de gloire, s'expose à déshonorer sa vie par une lâche et honteuse inaction. Qu'il serait malheureux, celui qui ne pourrait pas dire un jour à ses enfans, à ses concitoyens : Et moi aussi, je combattais quand notre liberté fut attaquée; j'étais à la journée où les armes françaises triomphèrent de nos ennemis : j'ai défendu les remparts de la ville qu'ils attaquèrent en vain; et mon sang a coulé tel jour, pour la patrie, la liberté, l'égalité ! »

Adresse aux Français.

› Votre Constitution repose sur les principes de la justice éternelle; une ligue de rois s'est formée pour la détruire : leurs bataillons s'avancent, ils sont nombreux, soumis à une discipline rigoureuse, et depuis long-temps excercés dans l'art de la guerre. Ne sentez-vous pas une noble ardeur enflammer votre courage ! souffrirez-vous que des hordes étrangères se répandent comme un torrent destructeur sur vos campagnes! qu'elles désolent notre patrie par l'incendie et le meurtre! en un mot, qu'elles vous accablent de chaînes teintes du sang de ce que vous avez de plus cher !

Nos armées ne sont point encore portées au complet, une imprudente sécurité a modéré trop tôt les élans du patriotisme; les recrutemens ordonnés n'ont pas eu un succès aussi entier que 'vos représentans l'avaient espéré. Des troubles intérieurs augmentent la difficulté de notre position, nos ennemis se livrent à de folles espérances qui sont pour vous un outrage.

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Hatez-vous, citoyens ! sauvez la liberté et vengez votre gloire. › L'assemblée nationale déclare que la patrie est en danger.

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› Cependant gardez-vous de croire que cette déclaration soit l'effet d'une terreur indigne d'elle et de vous; vous avez fait le serment de vivre libres ou de mourir. Elle sait que vous le tiendrez, et elle jure de vous en donner l'exemple; mais il ne s'agit pas braver la mort, il faut vaincre : et vous le pouvez, si vous abjurez vos haines, si vous oubliez vos dissensions politiques, si vous vous ralliez tous à la cause commune, si vous surveillez avec une

de

infatigable activité les ennemis du dedans, si vous prévenez tous les désordres et les violences individuelles qui les font naître, si, assurant dans le royaume l'empire des lois, et répondant, par des mouvemens réglés, à la patrie qui vous appelle, vous volez sur les frontières et dans nos camps, avec le généreux enthousiasme de la liberté et le sentiment profond des devoirs des soldats-citoyens.

> Français! qui depuis quatre ans luttez contre le despotisme, nous vous avertissons de vos dangers, pour vous inviter aux efforts nécesaires pour les surmonter. Nous vous montrons le précipice; quelle gloire vous attend quand vous l'aurez franchi! Les nations vous contemplent; étonnez-les par le déploiement majestueux de vos forces et d'un grand caractère. Union ! respect pour les lois! courage inébranlable, et bientôt la victoire couronnera de ses palmes l'autel de la liberté, et bientôt les peuples qu'on arme aujourd'hui contre votre Constitution ambitionneront de s'unir à vous par les liens d'une douce fraternité; et bientôt, consolidant par une paix glorieuse, les bases de votre gouvernement, vous recueil'erez enfin tous les fruits de la révolution, et vous aurez préparé, par votre bonheur, celui de la postérité.1

Cette déclaration eut, sur l'opinion publique, les résultats que prévoyaient les hommes modérés, et que craignait la cour. En faisant appel au patriotisme, elle poussa à l'exaltation les sentimens révolutionnaires. Ainsi dans son numéro CLVII, Prudhomme disait :

L'assemblée nationale l'a enfin prononcée, cette formule terrible, ce signal du péril, cet appel au courage du peuple : Citoyens, la patrie est en danger. Or, que signifient ces mots ? C'est de leur interprétation que dépend aujourd'hui le sort de la liberté française. S'il n'y avait en France ni journaux, ni lumières, ni opinion publique; si les Français vivaient isolés comme des sauvages ou entassés comme des barbares; si nos relations externes et notre position intérieure n'étaient pas aussi bien et souvent mieux connues des représentés que des représentans; enfin, si

que

l'assemblée nationale avait affaire à un peuple ignorant, stupide, imbécile, nous dirions que la déclaration du danger de la patrie n'est et ne peut être considérée que comme un avertissement solennel que la France est menacée par les puissances étrangères; le roi de Prusse est à la tête d'une armée nombreuse; que les émigrés sont, dans ce moment, rangés en bataille ; que les tyrans subalternes de la Germanie ont tous pris part au concert des grandes puissances; que la Russie fait passer aux princes ligués une armée auxiliaire; que la Sardaigne est prête à se joindre à eux; que l'Espagne n'attend que le moment de faire une invasion par les Pyrénées; que La Fayette s'est lui-même désigné comme généralissime de toutes ces troupes; que Louis XVI favorise La Fayette et la ligue; que le plus implacable ennemi de la liberté, c'est la cour; que tous les jours, à chaque instant, on y ourdit des trames nouvelles; que Louis XVI y a établi un tribunal d'inquisition, où les patriotes sont interrogés, vexés, en présence des ambassadeurs étrangers; que le département de Paris est le premier instrument dont se sert la cour pour opprimer la liberté; que la majorité des autres directoires de département, que presque tous les administrateurs, presque tous les tribunaux de justice, presque toutes les autorités constituées sont formellement les complices de Louis XVI, d'Antoinette sa femme, du général rebelle, de la cour de Berlin et de la cour de Vienne; que Louis XVI accorde une protection éclatante aux séditieux, aux fanatiques, aux artisans de la guerre civile; que cet ennemi, déguisé sous le nom de roi constitutionnel des Français, nous a fait, lui seul, plus de mal que ne peuvent nous en faire tous les despotes et tous les oppresseurs de l'Europe; que les juges de paix de Paris sont devenus entre les mains du roi des instrumens de persécution; enfin, que par l'influence de la liste civile, par l'injuste rigueur du pouvoir exécutif envers les amis de la révolution, par sa constante dissimulation de tous les outrages, de tous les attentats à cette même révolution, la France est tombée dans un état convu's'f qui la précipite constamment vers la servitude ou l'anarchie.......

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Mais ces faits sont connus de tous les Français.... Quel a été donc le but moral du législateur?..... La patrie ne serait point en danger.... si le corps législatif pouvait s'emparer de la dictature et, sans avoir égard à la Constitution, déclarer nuls les veto posés à ses décrets, suspendre les nobles de leurs fonctions, nommer des généraux patriotes.... S'il pouvait librement ordonner des levées.... et donner à nos armées la direction que comporte la nature de cette guerre....

D

› La patrie est en danger, et les députés extraordinaires de tous les départemens (les férédés venus pour le 14 juillet) sont à Paris; la patrie est en danger, le peuple est en insurrection..... Français, vous allez donc devenir libres! A l'instant que le peuple est légitimement assemblé, dit l'auteur du Contrat › social, toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance › exécutrice est suspendue..... » Il est temps que tous les prestiges disparaissent, que les préjugés s'évanouissent! Il faut être libres et l'occasion est belle. Français !, notre pusillanimité nous a fait manquer notre première révolution : manquerons-nous la seconde!... On croit peut-être qu'il faut un grand courage, de grands efforts, de grands sacrifices pour faire cesser les dangers de la patrie! On se trompe; il ne faut que de la bonne foi.... Il faut avouer franchement que la cause du danger réside dans la Constitution.... N'est-ce pas à elle que nous devons l'hérédité de la couronne, partant Louis XVI, sa femme, ses frères, ses enfans, la liste civile, la corruption, la persécution, la dévastation, la mort ? N'est-ce pas à elle que nous devons nos généraux, nos juges, nos administrateurs?.....

» La France n'a que deux ennemis dangereux, le roi et La Fayette; et encore La Fayette ne serait plus si le roi était abattu. Que Louis XVI soit donc ou chassé pour jamais du trône, ou du moins suspendu de ses fonctions pendant le cours de la guerre!....

› Nous devons dire ici une grande vérité.... c'est que le corps législatif, après avoir déclaré que la patrie est en danger, n'a plus le droit d'interpréter cette déclaration.... Le peuple est

ressaisi de l'autorité souveraine; nulle puissance humaine ne saurait l'empêcher d'aller à la source du mal....

› Nous savons que dans peu les traîtres doivent livrer quelques-unes de nos villes frontières; nous savons qu'alors le roi et les émigrés feront paraître un manifeste; nous savons que ce manifeste proposera le rétablissement de la noblesse, et la formation d'une seconde chambre. >

(Révolutions de Paris, n. CLVII.)

Nous venons de voir comment la déclaration de l'assemblée fut accueillie par la presse. Voici comme elle le fut dans les clubs patriotes.

Séance des Jacobins, 10 juillet.

L'ordre du jour est le danger de la patrie.

Robespierre. Le moment est arrivé d'écarter tous les intérêts personnels, pour ne s'occuper que de l'intérêt public. Ce sentiment é ait gravé dans tous les cœurs ; un décret solennel vient de nous en faire une obligation.

› Qu'est-ce que ce décret? Est-ce une vaine formule vide de sens? Est-ce une arme dont le despotisme compte pouvoir faire usage pour écraser la liberté, pour opprimer ses vrais adorateurs? Non! Et ce n'est point en vain que les citoyens des départemens seront venus se rallier aux cris de la patrie en danger.

› La patrie est en danger! Ces mots disent tout pour des cœurs ardens, vraiment épris de l'amour de la patrie et de la liberté. Cette formule ne nous apprend pas de nouveaux faits. Avant cette déclaration, nous savions qu'un général conspirateur était à la tête de nos armées; nous savions qu'une cour corrompue machinait sans relâche contre notre liberté et notre Constitution. Ce n'est donc pas pour nous instruire, que l'assemblée nationale a prononcé cette formule imposante. Ces mots la patrie est en danger sont une exhortation à toute la nation, de déployer toute l'énergie dont elle est capable pour prévenir ces dangers.

› La nation connaissait bien ses dangers; mais elle semblait engourdie sur le bord de l'abîme, et l'assemblée nationale a voulu

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