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tion accélérée des assemblées élémentaires. Le souverain toutpuissant à seul la force nécessaire pour exterminer nos ennemis. Contre des brigands couronnés et des mangeurs d'hommes, il faut Hercule et sa massue. › ( Débats des Jacobins, n. CCXXX. )

Ce discours fut imprimé par ordre du club; c'est-à-dire que l'opinion qu'il représentait fut approuvée et envoyée, à ce titre, aux sociétés affiliées.

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Le même jour, on lisait dans le Patriote Français cette espèce d'article officiel Les bons citoyens gémissaient depuis longtemps des dissentions élevées au milieu du corps législatif. Ils y voyaient deux partis bien prononcés, l'un pour le peuple, l'autre pour l'aristocratie, le modérantisme et le royalisme. On accusait l'un de viser au républicanisme; on accusait l'autre de vouloir les deux chambres. Un troisième flottait entre ces deux partis, entraîné tantôt par l'un, tantôt par l'autre, suivant qu'il redoutait plus ou moins fortement l'ascendant du royalisme ou de la cause populaire. Quelques personnes avaient déjà mis en avant deux projets pour réunir tous ces partis ; c'était dans cette vue qu'on avait proposé de réunir les députés en un seul club; mais les réunir en un seul club n'était pas les amener à avoir la même opinion. Ce projet de club, et quelques idées de ce genre avaient échoué. M. Lamourette, évêque de Lyon, a eu plus de succès en proposant une réunion des députés... (Ici quelques mots sur le discours de Lamourette. )... Le mot de fraternité s'est fait entendre; l'éclair n'est pas plus rapide; tout à coup la montagne s'est précipitée dans la plaine; les députés se sont mêlés, confondus, embrassés..

> M. Brissot a dit qu'il craignait de troubler une scène si touchante en prononçant un discours qui pourrait réveiller quelques haines, que la fraternité jurée devait en effacer toutes les lignes qui pourraient déplaire à ses collègues ; que cependant, ne pouvant faire le sacrifice des mesures extraordinaires commandées par les périls où nous étions, et qu'il devait proposer, il demandait à être entendu lundi sur ces mesures. Les applaudissemens de l'assemblée lui ont prouvé sa satisfaction... (n° MLXII.)

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› En ce temps-là, dirent à leur tour les Révolutions de Paris, en ce temps-là, Arimane, ou le génie du mal, s'apercevant que les hommes excédés désertaient ses autels, alia trouver Orömase, ou le génie du bien, et lui dit: Frère! depuis assez long-temps nous sommes désunis. Réconcilions-nous, et n'ayons plus qu'une seule chapelle à nous deux.—Jamais! lui répondit Oromase: que deviendraient les pauvres humains, s'ils ne pouvaient plus distinguer le bien du mal?

› Comment ne s'est-il pas trouvé, dans tout le corps législatif, un bon esprit pour répondre par cet apologue à la motion de l'évêque Lamourette.... Pour peu qu'on connaisse le motionnaire, quel cas peut-on faire de sa motion? Avant qu'il fût nommé pontife métropolitain de Lyon, sur la présentation de Mirabeau, dont il dégrossissait les rapports, lés électeurs de Paris n'avaient pas cru digne de la cure de Saint-Augustin l'auteur des Prônes civiques, atteint et convaincu d'en avoir vendu deux fois le manuscrit.

› Cette péccadille, qui n'empêcha pas l'évêque Lamourette d'être député, fut sans doute l'un des titres qui lui méritèrent l'honneur de servir d'instrument à la cour, dans la position embarrassante où elle se trouvait. Le bruit sourd d'une subite émigration royale; le choix misérable des nouveaux ministres; l'annonce d'un projet de réduction de la liste civile; la suspension de deux magistrats estimés du peuple; la clameur de háro poussée par les bons citoyens et les journalistes patriotes sur le château des Tuileries, le côté du roi de la salle du Manége et sür La Fayette; l'arrivée des députés à la fédération et l'approche du 14 juillet; toutes ces circonstances nécessitaient un coup de théâtre inattendu, une espèce de reconnaissance pathétique pour amuser les spectateurs jusqu'au dénoûment du drame contrerévolutionnaire.

Qui choisir pour porter la parole?.... L'évêque Lamourette parut être l'agent propre à cela...

› Pontife! descends donc de la tribune?... Que peut-il y avoir de commun entre la liberté et l'esclavage, entre les défenseurs généreux du peuple et les pârtisans saláriés du despote, entre

les amis des droits de l'homme, de la fraternité, de l'égalité, et les amis des deux chambres et de la liste civile.... Prêtre !.... le méchant doit-il donc en être quitte pour donner un baiser perfide à ceux qu'il a blessés ? Et de quelle autorité les représentans du peuple peuvent-ils faire grace à ceux qui intriguent, pour le remettre à la chaîne? Dieu même n'a pas le droit de dire à l'innocence, réconcilie-toi avec le vice; à la vertu, réconcilie-toi avec le crime; au patriotisme, réconcilie-toi avec l'aristocratie...» (no CLVII.)

On voit de quelle manière la scène de réconciliation que nous avons décrite, fut accueillie par l'opinion: les bourgeois dirent de cette réconciliation que ce n'était qu'un baiser l'amourette; et le peuple l'appela le baiser de Judas, ou la réconciliation normande; cependant quelques sections de Paris se réunirent en un banquet pour célébrer cet événement.

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Dans la séance du lundi, 9 juillet, Brissot fit son discours sur le danger de la patrie. Il reproduisit, sous une forme nouvelle et surtout pleine d'aigreur, les argumens et les insinuations de Vergniaud et de Condorcet : à cause de cela, plus encore qu'à cause de la longueur de cette opinion, nous avons cru inutile de la donner ici; c'eût été nous répéter sans nécessité. Nous én extrairons seulement ses accusations contre la cour. Après avoir insisté longuement sur les forces redoutables des puissances coalisées, sur les horreurs de l'invasion dont elles menaçaient la France, sur la faiblesse des moyens qu'on opposait à ces dangers, ét sur la nécessité de recourir à des mesures extraordinaires, il continua ainsi

[La patrie est en danger, non pas que nous manquions d'hommes capables de porter les armes, non que nos forteresses soient en mauvais état, mais parce qu'on a paralysé nos forces; et à qui doit-on cette funeste lethargie? A un seul homme que la nation a fait son chef, et que des courtisans perfides ont fait son ennemi. Frapper sur la cour des Tuileries, c'est frapper tous les traîtres d'un seul coup; car cette cour est le point où tous les fils de la conspiration aboutissent, où se trament toutes les manœuvres, d'où

partent toutes les impulsions; la nation est le jouet de ce cabinet, c'est-à-dire de quelques intrigans qui y dominent : voilà où il faut porter des coups vigoureux. Tout demi - moyen décèle un esprit faible; il faut appliquer des caustiques sur les parties gangrénées.

» Mais je vais plus loin, et je vais prouver qu'il a existé un plan de conspiration, dont le noyau est à la cour, et qui embrasse plusieurs administrations de département, des chefs de nos armées; que tous les dangers intérieurs et extérieurs sont le fruit de cette conspiration; que les dangers ne pourront disparaître que quand vous en auréz frappé les auteurs, et ce qui peutêtre affligera nos ennemis, qui avaient projeté de nous tuer constitutionnellement, c'est que nous les combattrons avec les armes seules de la Constitution.'

› Rappelons-nous les faits qui ont précédé la déclaration de guerre. Des puissances redoutables s'étaient coalisées contre la Constitution. La sûreté de l'empire exigeait des mesures promptes. Il fallait rompre avec un ennemi qui s'était déclaré d'une manière non équivoque; porter la guerre dans ses états; profiter de sa faiblesse, du délabrement de ses places; porter partout le feu de la liberté. Voilà ce que le pouvoir exécutif eût fait, s'il eût été révolutionnaire; mais il a fait précisément l'inverse. Ne vous a-t-il pas dissimulé les dangers? n'a-t-il pas outragé la nation, en caressant la maison d'Autriche, en rejetant les offres d'autres puissances qui recherchaient notre alliance, en plongeant le gouvernement dans une inaction totale? N'a-t-il pas, malgré nos dangers, négligé tous les préparatifs, laissé désorganiser la marine, joué la nation par ses marchés qui ne nous ont jamais fourni aucun fusil? Ne nous a-t-il pas trompés, par l'organe d'un de ses manifestes, pour nous faire déclarer précipitamment la guerre, en assurant que le 10, et même dès le 1er février, cent cinquante mille hommes seraient en état d'entrer dans le pays ennemi, tandis qu'au 1er juin il s'en est à peine trouvé cinquante mille? Ne vous a-t-il pas trompés, en vous faisant décréter la guerre offensive, tandis qu'il prenait tous les moyens de la traverser? N'a-t-il pas nommé, pour diriger la guerre offensive, les deux

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hommes qui s'étaient le plus fortement déclarés contre elle? De pareils choix faits à contre-sens n'annonçaient-ils pas assez les desseins pervers de la cour?

› M. Dumas a contesté dernièrement ces vérités; qu'il lise et les lettres du roi, et ses discours à l'assemblée, et les mémoires des ministres, il ne verra dans aucun la notification du traité de Pilnitz. Il ignore, d'ailleurs, ou il n'a pas lu la circulaire du 1er novembre, les offices subséquens, qui prouvent que jamais le concert offensif des puissances n'a été annulé, et qu'il devait subsister, même après la réponse de l'empereur à la notification de la Constitution. M. Dumas dit que l'on a commis une grande faute de ne pas porter la guerre dans le Brisgaw, au lieu d'attaquer les Pays-Bas; c'est-à-dire qu'il fallait, selon lui, attaquer où l'on ne pouvait nuire, et épargner soigneusement les états d'Autriche, que Léopold, comptant sur son parti à Paris, avait laissé dégarnis de troupes; et que, parce que vous pouviez y trouver des hommes qui soupirent après la liberté, des frères et de l'argent, il fallait bien se garder de commencer la campagne par de si heureux succès. Je n'examinerai pas les autres objections de M. Dumas: par exemple, celle qu'il fallait commencer par attaquer les princes; c'était le secret de nous donner un ennemi de plus sans aucun but. Je reviens à la conduite du pouvoir exécutif. Les émigrés étaient ouvertement protégés; ses agens l'avertissaient comment la nation était jouée, et gardaient le silence sur tous ces faits. Une foule de crimes ont été commis depuis l'amnistie; les a-t-il dénoncés? Les puissances étrangères et les rebelles arment en son nom; a-t-il désavoué ces entreprises par un acte formel? s'est-il empressé à forcer les départemens à vendre les biens patrimoniaux des princes rebelles? Non il a fait la guerre aux sociétés populaires, au peuple, à la liberté des opinions publiques.

« Je le suis dans une autre époque. La nation indignée, demande l'expulsion des ministres qui conjuraient sa perte. Un ministre patriote tient, pour la première fois, les rênes du gouvernement. Aussitôt les camps se forment, les armées s'approvision

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