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arrêtés à huit mille, pour nous empresser de vous l'apporter.

M. Montaut. Nous ne sommes plus en nombre compétent pour délibérer, je demande que les pétitionnaires soient renvoyés à demain lorsque l'assemblée sera plus nombreuse, et alors on leur rendra même justice qu'à la pétition signée Vasselin.

N......... Puisque les pétitionnaires sont à la barre, je demande qu'ils énoncent l'objet de leur pétition.

L'orateur de la députation. La garde nationale parisienne a constamment rempli les devoirs de son institution: composée de ces mêmes citoyens qui, les premiers, déployèrent l'étendard de la liberté sous les auspices de l'Assemblée constituante, elle a les mêmes vertus, la même force. Législateurs !.... Elle est dans la douleur. Le ministre de la guerre vous a dit : « La brave garde nationale consultant plus son zèle que ses forces, se soumet avec empressement à un service qui l'honore, mais qui est trop fort pour les circonstances. Sur un point, il a dit vrai. La garde nationale n'a pas voulu consulter ses forces... Si elle l'eût fait, les malveillans dont il se plaint, eussent depuis long-temps disparu devant elle.

...

Sans doute aussi nous n'avons fait que notre devoir; mais nous l'avons fait. Nous avions volontairement contracté de grandes obligations, ... nous les avons acquitées... Nous n'approfondirons pas les motifs du ministre. Sa proposition enlève à la foi et l'honneur et les droits que la Constitution nous donne. A-t-il pensé que l'idée de la fédération voilerait à nos yeux les idées plus naturelles que son projet a fait naître? Nos frères d'armes, tous les Français ont eu confiance en nous; pourquoi le ministre voudrait-il penser que nous l'avons perdue? Avons-nous démérité? et ne savent-ils pas, nos frères d'armes, que notre immense population suffit à nos dangers quels qu'ils soient?

On craint des brigands!...... C'est nous qu'ils craignent. Que l'on nous commande; la réquisition de la loi saura faire taire l'épouvante qui demande du secours. ( Il s'élève des murmures. Plusieurs membres demandent à l'orateur l'interprétation de cette phrase.) Nos armes... sont à nous : nos cannoniers sont nos frè

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res; leurs armes et les nôtres forment un faisceau indivisible comme nos cœurs, Union, force, respect pour la loi, assistance aux autorités constituées, surveillance, maintien de la propriété, guerre aux factieux, nous le jurons. Législateurs, nous demandons le rapport du décret que le ministre de la guerre a seul provoqué.

M. Vergniaud. Je demande le renvoi de cette pétition aux comités, avec les procès-verbaux de section qui prouvent que cette prétendue pétition a été colportée de porte en porte, et que cette masse imposante de signatures n'est, en grande partie, autre chose qu'un recueil de signatures de femmes et d'enfans. (On applaudit. )

M. le président répond aux pétitionnaires et les invite à la séance. (Il s'élève de bruyantes réclamations.) Les pétitionnaires se pressent et entrent en foule dans la salle. L'assemblée lève la séance.)

11 Juin. Pecoul, officier de la garde nationale, dénonce les manœuvres employées pour lui faire signer une pétition contre le décret d'appel des vingt mille hommes; il joint à sa lettre un libelle, intitulé ; Avis à la garde nationale, tendant à faire croire qu'il existe un projet pour destituer le roi et sa famille. Renvoi aux comités. Dénonciation contre Nion, adjudant-général de la 3o légion, pour avoir, pendant deux jours, distribué, à l'ordre, des libelles. - Lafond-Ladebat fait décréter la création d'un payeur général et d'un contrôleur pour l'armée du Midi. - Le ministre Clavière annonce la fermentation causée dans le département du Haut-Rhin par un ordre du directeur des douanes de laisser passer des sabres, épées, etc.

11 Au soir. - Diverses rétractations des signatures données à la pétition relative aux 20,000 hommes. Un député extraordinaire du Cantal fait, à la barre, l'apologie des assassinats commis dans les prisons d'Aurillac. (Indignation générale.) Gossuin fait passer à l'ordre du jour, et le président ordonne au pétitionnaire de se retirer.-Pétition de Mile d'Eon, connue sous le nom de chevalier d'Eon, qui sollicite la permission de reprendre son

habit uniforme et son rang dans l'armée, parce que son humeur guerrière se révolte contre sa cornette et ses jupes. - Carnot le jeune fait décréter la prohibition à l'étranger de toutes espèces d'armes et munitions de guerre. - Une nombreuse députation de la Croix-Rouge se plaint de la pétition colportée dans Paris, et tendante à les déshonorer aux yeux des départemens.

12 juin. - Delfau déclare avoir entendu, la veille, aux Tuileries, un orateur monté sur une chaise, parlant avec beaucoup de véhémence, et lisant un libelle intitulé: La chute de l'idole des Français, dans lequel on provoquait l'assassinat du roi, en le comparant à Charles IX. Un membre se plaint de l'invigilance de la municipalité de Paris, et dénonce le ministre de la justice, qui n'a point rendu compte des mesures prises pour arrêter la circulation de l'Ami du peuple; il déclare qu'on continue à s'y abonner publiquement, malgré le décret d'accusation, et que, dans ses derniers numéros, il met à prix la tête des généraux, des ministres, des membres de l'assemblée nationale, qu'il accuse de s'entendre avec la cour pour faire égorger les bataillons des volontaires patriotes. Beugnot fait renvoyer cet objet au pouvoir exécutif. Marant demande la révision des lois réglementaires contre la licence de la presse. Ordre du jour. Sur le rapport de Beaupuy, décret pour la formation de compagnies de volontaires, chasseurs à cheval.

RENVOI DES MINISTRES GIRONDINS.

Mardi 12 juin. Nous empruntons au Patriote Français les réflexions qu'il fit au moment de la dissolution ministérielle. Nous placerons après la séance du 13 juin, la suite de cette polémique.

< Les intrigans n'ont pas perdu courage; ils ont imaginé une pétition au roi, pour le prier de refuser sa sanction au décret pour le camp de vingt mille hommes. Leur fureur est surtout dirigée contre la fédération du 14 juillet; il paraît que cette fédération dérange tous les projets ténébreux. Ils craignent que ces vingt mille hommes ne partagent pas leur idolatrie, veuillent

sincèrement maintenir la Constitution, et empêcher les Autrichiens de venir à Paris, nous proposer des modifications pour lesquelles ils soupirent, depuis que les sans-culottes s'avisent de vouloir être quelque chose.

Le roi a retiré ce soir le portefeuille des mains du respectable patriote M. Servan; ce message lui a été porté par le sieur Dumourier, le plus vil des intrigans, s'il n'était pas surpassé en bassesse et en intrigues par son premier commis, Bonne-Carrère. Tous deux seront démasqués; le bien public l'exige. triote français, n. MXXXVIII.)

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Mercredi 13. Le prix des écus et des louis, ainsi que celui du papier sur l'étranger, baisse considérablement; aussi cet événement heureux pour tout vrai patriote a-t-il profondément affligé les banquiers, agens de change, capitalistes et autres honnêtes spéculateurs sur les malheurs publics, et leur chagrin se manifestait hier de la manière la plus indécente. On accusait ce coquin de Clavière, qui empêchait la trésorerie nationale d'acheter des écus. Aussi ce matin, la nouvelle du renvoi de MM. Servan, Rolland et Clavière déridait les visages hier si allongés; et l'on en annonçait comme suite inévitable le renchérissement des écus et du papier sur l'étranger. Ce sont ces mêmes gens qui redoutent par-dessus tout un camp de vingt mille hommes, destiné à opposer aux ennemis extérieurs, et à faire trembler ceux du dedans. Ce sont ces mêmes gens dont un grand nombre, membres du club de 1789, y viennent signer la pétition contre ce camp; car c'est au club de 1789 qu'elle était déposée hier et qu'on y sollicitait des signatures. » (Patriote français, n. MXXXIX.)

Séance du 13 juin.

On lit une lettre de M. Servan, ministre de la guerre, ainsi conçue :

Monsieur le président, l'amour du bien public et de ma patrie me décida à accepter un ministère que je sentais infiniment au-dessus de mes forces, mais dont j'espérais surmonter

T. XV.

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en grande partie les difficultés, par ma constante ténacité à faire tout le bien qui dépendrait de moi... Convaincu que je ne pourrais rien seul, à peine eus-je jeté les yeux sur l'immense carrière qui s'ouvrait devant moi, que je me pénétrai de cette grande vérité, qu'en appelant à mon secours des hommes probes et éclairés, en marchant à découvert, en me prononçant fortement sur mon désir extrême de concourir à faire le bien du peuple, en m'identifiant pour ainsi dire avec lui.... je serais soutenu, protégé; et qu'on me saurait même quelque gré de mes efforts pour aider à faire triompher les armes françaises.

› Cependant au moment où, encouragé par mes concitoyens, je commençais à jouir de la flatteuse espérance de pouvoir être utile à ma patrie, j'ai reçu l'ordre du roi de remettre le portefeuille au ministre des affaires étrangères. (Il s'élève un violent murmure.) Ma conscience me dit que je n'en dois pas moins compter sur les bontés de l'assemblée pour moi. (Aux murmures succèdent des cris de bravo, et des applaudissemens unanimes. — On entend un grand nombre de membres s'écrier: Oui, oui, M. Servan emporte nos jusles regrels.) Et j'espère qu'elle voudra bien permettre que j'aille m'acquitter de mes devoirs de soldat, dès que j'aurai déposé mes comptes entre ses mains. »

M. Dussaulx (1). Toute la France tressaillit de joie lorsque des patriotes furent appelés au ministère. Hélas! On ne nous préparait donc que des regrets! Vous venez de l'entendre; nous perdons M. Servan! Quelle est donc la cause de cette disgrace soudaine? Je l'ignore; mais je sais, et la France entière sait avec moi, que nul homme n'a, en si peu de temps, fait plus de bien que lui dans le département de la guerre. Témoin de son zèle, témoin de ses efforts pour régénérer l'armée et soutenir la révolution, je crois apercevoir, je suis même sûr que la plupart d'entre vous brûlent de lui donner sur-le-champ une marque authentique d'estime et de reconnaissance. (Un grand nombre de voix Qui, oui; nous tous. Les applaudissemens redoublés

(1) Dussaulx, député suppléant, était entré, le 6 juin, à la place de Boscary, démissionnaire pour cause de faillite. (Note des auteurs.)

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