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plots, mais qui ne gît point en conjectures; il est tout en faits, il ne tend qu'à opérer une nouvelle révolution. Mais ceux qui ont pensé pouvoir amener une nouvelle révolution, sont trèsignorans des vraies causes qui ont fait la révolution. Une nouvelle révolution serait une véritable contre-révolution. Il n'est aucun doute que le projet de licencier l'état-major et de laisser la garde nationale sans un point central, est un des moyens d'arriver à cette révolution qu'on désire. La question de la permanence des sections est un autre de ces moyens. Je demande que l'état-major subsiste jusqu'à ce qu'il soit remplacé (le côté ci-devant gauche rit et applaudit); et comme je ne vois rien d'urgent dans cette mesure, comme la précipitation qu'on y met ne me paraît propre qu'à diviser de plus en plus la garde nationale, je demande l'ajournement jusqu'après le rapport du comité militaire. (On murmure.)

M. Aréna, (Corse.) M. Thuriot a proposé de déclarer que la patrie est en danger, ensuite de faire remplacer l'état-major suivant les lois communes à tous les citoyens. M. Quatremère, en présentant l'histoire des conspirations, a fait la satire des opérations de l'assemblée. Il est temps de déchirer le masque. Les pouvoirs ne vont point. Les armées sont travaillées par les intrigues de la cour. (On applaudit.) Vous avez décrété la guerre à la maison d'Autriche; vous l'avez décrétée, parce que cette maison n'a pas voulu reconnaître votre souveraineté. On vous dit alors que vous étiez prêts, que les armées étaient complètes, parce qu'on savait bien qu'avec les traîtres dont elles étaient remplies, vous ne pouviez avoir de succès. Aujourd'hui que le maréchal Luckner a pris en trois jours trois villes ennemies, et vous promet des victoires, aujourd'hui Luckner a dû se replier et abandonner les patriotes brabançons au glaive autrichien.

Est-il un citoyen qui ne gémisse de voir une armée de quarante mille hommes rentrer sans y être contrainte par une force supérieure! Je ne m'étonne pas de cela, je connais les intrigues de la cour, et tel est le destin des hommes, que ne sachant pas discerner leurs véritables intérêts, ils servent toujours les projets de

leurs tyrans. (On applaudit.) Mais, ce qui m'étonne, c'est que les représentans de la nation ne prennent pas ce temps pour se réunir, pour faire tête à l'orage, pour frapper l'ennemi qui nous environne. Je crois qu'il n'y a pas un moment à perdre, et que vous devez déclarer que la patrie est en danger, et songer à assurer la tranquillité de la capitale. S'il existe des hommes qui voudraient voir renaître l'ancien régime, les patriotes ne veulent que la Constitution. (On applaudit.) Certes, il ne s'en trouvera pas qui prêchent le renversement des autorités constituées. Ce ne sont pas des patriotes qui prêchent de pareilles maximes, ce sont des factieux. Eh! qu'on ne croie pas aveugler le peuple français. Il saura toujours distinguer les vrais factieux, de ceux qu'on n'appelle factieux que parce qu'ils sont patriotes. (Nouveaux applaudissemens.) Les factieux sont ceux qui ne veulent pas que les pouvoirs aillent; qui veulent nous livrer à l'Autriche, à la Prusse. J'appuie donc les propositions de M. Thuriot.

M. Lacroix. Deux grandes mesures ont été proposées, la première de licencier l'état-major, la seconde de déclarer que la patrie est en danger. Cette derniere, il faut l'ajourner à demain, et ne pas dire aux Français que la patrie est en danger, avant que nous puissions leur aprendre quels sont les dangers de la patrie. Il n'en est pas de même du licenciement. Ceux qui l'ont combattu n'ont donné aucune raison. Ils se sont bornés à demander le renvoi au comité militaire. L'état-major de Paris est une monstruosité. Le licenciement n'est point une flétrissure, puisqu'il faut se conformer à la loi, et que d'ailleurs, ceux qui auront la confiance du peuple pourront être réélus. J'appuie donc la motion si bien développée par M. Quatremère (On rit. ) de laisser subsister l'état-major jusqu'à ce qu'il soit remplacé, et je demande que l'assemblée décrète dès l'instant que l'état-major est licencié, que les citoyens actifs se réuniront par sections pour procéder au remplacement, et que, jusqu'au moment où les nouveaux élus auront prêté le serment, l'ancien état-major continuera ses fonctions. (On applaudit.)

M. Thorillon. M. Thuriot a dit que l'état-major était composé

de ci-devant privilégiés, en totalité, ou presque en totalité. J'ai vérifié cette assertion sur l'Almanach royal (on rit), et j'ai vu qu'à l'exception de quatre ou cinq officiers que je connais pas, tous les autres sont citoyens de Paris, fils de marchands, etc,

Après quelques nouveaux débats, l'assemblée ferme la discussion.

L'urgence est mise aux voix, et deux fois l'épreuve paraît douteuse.

On propose, par amendement, d'étendre les dispositions de ce licenciement à toutes les villes de cinquante mille ames et audessus.

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La question préalable réclamée est rejetée, et l'amendement adopté. ]

L'assemblée décréta donc le licenciement des états-majors de toutes les villes de cinquante mille ames et au-dessus, sauf rédaction.

L'assemblée législative n'avait pas encore pris de mesure aussi clairement révolutionnaire; dès ce jour, elle tendait manifestement à sortir du système de la constituante. Aussi personne ne pouvait plus s'abuser sur les conséquences des démarches successivement plus énergiques auxquelles elle était entraînée. Pour connaître le secret des sentimens de terreur que cette conduite inspirait aux uns, et des espérances qu'elle donnait aux autres, il faut entrer aux Jacobins, où se réunissaient les députés qui, de jour en jour, acquéraient l'empire de la direction politique.

Club des Jacobins. - Présidence de Saladins.-Extrait de la séance du 4 juillet.

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N..... Le décret du licenciement de l'état-major de la garde parisienne a dérouté la cour; ils ont tenu un conseil qui a duré cinq heures et le résultat en a été d'expédier un courrier à La Fayette; et La Fayette revient sur ses pas; il achève de lever le masque; il arrive demain. Je tiens de personnes sûres que ce matin il s'est, on peut dire, échappé du château beaucoup de personnes emportant des effets, sans même s'être donné le temps

d'en faire des paquets. Rapprochez tous ces mouvemens de la conduite de La Fayette, du séjour à Londres de Barnave et Duport, et vous verrez que de deux choses l'une, ou qu'au château ils sont extrêmement inquiets sur leur sûreté, ou qu'ils ont le projet d'enlever le roi une seconde fois. »

Un gendarme national. Il se tient à l'école militaire un club nocturne où se forgent les complots que l'on cherche à mettre à exécution le jour. C'est de là qu'ont été lâchés les émissaires qui ont cherché à produire des mouvemens dimanche dernier; on en envoye d'autres dans les départemens où ils font courir le bruit que la vie du roi est en danger. C'est par là qu'on a obtenu l'ar rêté du département de la Somme. Le départ du roi est fixé d'ici à huit jours. On travaille chez son sellier à la voiture qui doit lui servir (1). »

Chabot, Lorsque la patrie est en danger, ce n'est pas, je crois, le moment de s'amuser à discuter sur le projet prétendu du départ du roi, car ce départn'est pas l'objet le plus intéressant. D'ailleurs, c'est un projet qui ne sera jamais abandonné par la cour, jusqu'à ce que la contre-révolution soit faite, si toutefois il est possible que la contre-révolution se fasse.

› Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour; les plus grandes questions doivent nous occuper. Que le roi reste ou s'en aille, cela est indépendant de la grande question qui doit vous occuper, celle de savoir si le souverain doit se lever ou non.

Dulaure. J'ai imprimé aujourd'hui le fait dont je vais vous faire part; c'est qu'un grand nomdre de domestiques de la cour ont pris des passeports à la municipalité, entre autres MM. Thierry et Henry (2). >

D

N........... « Moi, je puis vous assurer que jusqu'aux marmitons toute la maison de Noailles est partie.

Boisguyon. Ayant de traiter la matière qui est à l'ordre du jour, je crois devoir vous faire part des observations qu'un séjour

(1) Nous verrons plus bas qu'en effet, d'après l'aveu des écrivains royalistes, ces projets n'avai, nt cessé d'exister. ( Note des auteurs. )

(2) Ce Thierry périt en septembre. Note des quieurs.)

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de deux mois à Givet, m'a donné occasion de faire sur l'armée du centre.

› Les soldats.... sont véritablement vertueux, fidèles à la nation, à la loi.... ne voyant, ne lisant que ce que La Fayette leur laisse voir et lire: il n'est pas étonnant que l'espèce de réputation dont il jouissait leur ait inspiré une sorte de respect et de vénération pour lui.... Quant à l'état-major, il est composé de tout ce qu'il y a de plus vils intrigans ......... Dans les troupes de ligné, les officiers, quoique renouvelés aux dix-neuf vingtièmes, n'ont pas l'esprit général qu'on devait attendre de cette rénovation, même parmi les officiers pris dans les sous-officiers. Cela peut être attribué à ce que le choix en a été fait par les officiers qui depuis ont émigré. Cependant comme leur intérêt les tient fort attachés à la Constitution, on peut être assuré qu'ils la soutiendraient..... Dans les volontaires, les officiers sont tous extrêmement patriotes, ce qui ne doit pas étonner, la plupart ayant été pris parmi les Jacobins de tous les départemens.....

L'opinion de l'armée sur le compte du roi n'est pas favorable à ceux qui pourraient fonder leurs projets sur la présence du roi dans le camp. Il faut le dire comme cela est : le roi est profondément méprisé, et j'ai vu les soldats persuadés que l'assemblée nationale avait suspendu le roi, par la raison toute simple que la guerre se faisant à cause du roi, il était tout naturel qu'il ne fut pas le chef, le directeur d'une guerre contraire à ce qu'il regarde comme ses intérêts. ›

Cheppy fils. Pressé par les circonstances, je vais vous développer sans préparation quelques idées sur les mesures à adopter pour sortir de la crise où nous nous trouvons. L'assemblée nationale, à qui les événemens présens ont paru imprimer un grand caractère, a déjà beaucoup fait en décrétant les mesures proposées par Jean Debry. Elle peut en assurer l'exécution, en adoptant celles qui lui seront successivement proposées et que je crois important de discuter.

› D'abord, je pense qu'il n'est pas inutile de déclarer que la patrie est en danger; il est des citoyens d'une trempe d'ame pares

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