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d'imaginer toutes sortes de moyens pour diviser les citoyens, de chercher à opposer le bonnet du travail aux casques militaires, les piques aux fusils, l'habit de campagne aux uniformes. (Les murmures éclatent avec plus de force.-On demande de toutes parts que le pétitionnaire soit chassé de la barre.)

«Quant à nous, citoyens de Paris, qui avons les premiers conquis la liberté, nous saurons la défendre, dans tous les temps, contre toute espèce de tyrans, et nous avons encore la force et le courage des hommes du 14 juillet; nous serons toujours inaccessibles à la séduction; mais nous pouvons vous assurer qu'aucune force ne nous séparera de nos braves canonniers.

M. le président adresse la parole aux pétitionnaires pour les inviter à la séance.

Un grand nombre de membres simultanément. Non, les représentans de la nation ne peuvent pas siéger à côté de ces hommeslà. (L'assemblée applaudit par un murmure presque général à ce cri d'improbation.-Les orateurs se pressent à la tribune pour répondre aux pétitionnaires; chacun demande à relever un fait.)

M. Vergniaud. Je demande à prouver qu'ils ne doivent pas être admis à la séance, et c'est la question par laquelle doit commencer la discussion. Il est douloureux sans doute que dans une séance ou le patriotisme s'est signalé d'une manière bien éclatante, où vous avez vu de braves militaires en donner des signes non équivoques, et exciter la plus vive émotion dans le cœur de tous les bons citoyens, il est douloureux, dis-je, que dans cette mêmeséance vous veniez d'entendre une pétition qui, si elle peut supposer du zèle, en suppose du moins tout l'égarement. Le pétitionnaire a commencé par observer qu'il ne demandait point le rapport du décret, et en même temps il nous a dénoncé le ministre de la guerre, sur la proposition duquel le décret a été rendu ; c'est-à-dire, qu'en d'autres termes il vous a dénoncés vous-mêmes à vous-mêmes.

On vous a dit qu'on ne demandait point le rapport du décret, mais en même temps on vous a demandé un décret d'accusation contre le ministre pour sa proposition confirmée par votre décret:

c'est-à-dire qu'en d'autres termes on vous a demandé un décret d'accusation contre vous-mêmes. On vous a dit que la proposition du ministre, convertie en motion, était inconstitutionnelle : c'est donc à dire que vous avez rendu un décret inconstitutionnel, quoiqu'on n'ose pas vous en demander formellement le rapport. Enfin, on a dénoncé le ministre de la guerre comme ayant, par la proposition de ce décret, calomnié la garde nationale de Paris. Cette proposition ayant été décrétée, n'en résulte-t-il pas, en d'autres termes, qu'on vous a dénoncés vous-mêmes comme ayant calomnié cette garde nationale? Eh bien ! puisqu'il faut dénoncer, je dénonce à mon tour à l'Assemblée nationale, à la garde nationale de Paris, à l'indignation de tous les bons citoyens, celui qui, abusant du droit de pétition, vient de calomnier avec une audace inconcevable et le ministre, et l'Assemblée, et la garde nationale elle-même. (La salle retentit à plusieurs reprises d'applaudissemens presque unanimes.)

Reconnaissez ici les indignes manoeuvres, les abominables moyens qu'on emploie pour persuader à la garde nationale de Paris que votre décret lui est injurieux ; vous savez comment on court de porte en porte pour surprendre des signatures et arracher des suffrages à la crédulité ou à l'ignorance, même des femmes et des enfans. On vous a déjà lu un procès-verbal de section, qui désavoue ces pétitions, et vous dénonce les intrigues dont elles sont l'objet; on va vous en lire un autre qui vous convaincra qu'il n'est pas de bassesses que les agitateurs et les factieux n'emploient pour égarer l'opinion de la brave garde nationale parisienne, et voilà la calomnie que je vous dénonce. Quelle est, en effet, l'occasion où vous ne lui avez pas donné les témoignages les plus authentiques de votre confiance? Ne venez-vous pas de lui confier la garde du roi? Ne vous environnez-vous pas d'elle dans toutes les occasions périlleuses? Ne manifestez-vous pas chaque jour combien vous comptez sur son zèle et sur son courage? (On applaudit.) Mais on dit que vous la calomniez, parce que vous faites venir les citoyens des départemens pour l'aider dans son service. Veut-on faire entendre que les citoyens de Pa

ris rougiraient de voir auprès d'eux leurs frères des départemens? Ah! la voilà, cette calomnie abominable dont je vous demande vengeance au nom de la loi. (On applaudit.)

Il serait bien facile de répondre à ces misérables reproches de violation de la constitution, qu'on vient de faire entendre avec emphase dans cette enceinte. N'est-il pas évident que le droit de requérir les gardes nationales appartient exclusivement aux corps populaires, qu'il peut être exercé par un corps administratif, par une simple municipalité, et que pour cette réquisition, l'initiative du roi serait absolument inconstitutionnelle. Répondraije à cette autre objection: « Que la garde nationale de Paris n'a pas besoin de secours.» Quoi! elle demande celui d'une garnison de troupes de ligne, et elle pourrait être offensée de l'assistance généreuse et libre de ses frères des autres départemens! Faut-il être militaire pour sentir la nécessité de placer un corps intermédiaire entre nos armées et la ville de Paris, lorsque l'on sait que le théâtre de la guerre n'est qu'à quarante lieues de la capitale? La garde nationale peut-elle s'offenser de ce qu'on ne la croit pas assez forte pour pouvoir, en même temps, contenir les ennemis intérieurs et repousser les armées étrangères, dans le cas où, après une défaite de nos troupes de première ligne, elles tenteraient une entreprise contre la capitale? Notre confiance en elle, toute pleine et entière qu'elle soit, doit-elle nous rendre imprudens?

Non, je crois que la garde nationale elle-même nous saurait mauvais gré si, par une grande mesure de sagesse, nous ne préparions des mesures de résistance pour le cas où l'ennemi, enhardi par une victoire, menacerait la ville où siégent les dépositaires de la Constitution. Il ne nous appartient pas d'exposer aux risques d'une bataille livrée avec des forces trop inégales, le sang des citoyens de Paris; et si ce sang doit couler pour la défense de la liberté, qu'au moins il fructifie en arrosant son berceau, et qu'il trouve des défenseurs dans la réunion des citoyens de toutes les parties du royaume. Les Parisiens aspirent-ils à l'honneur exclusif de défendre le corps législatif? Eh! où doit donc régner

l'égalité, si ce n'est dans l'honneur de servir la cause commune de la liberté? (On applaudit.) La réquisition d'une fédération de 20,000 gardes nationaux était donc la mesure de précaution la plus sage pour nous assurer de la prompte réunion des forces nécessaires pour le salut de l'empire. Il eût été ridicule qu'en cas d'insuffisance de nos armées de première ligne, la garde nationale de Paris volât seule sur les frontières; que seule elle se répandit par détachemens dans les différens départemens où la tranquillité publique serait compromise; il eût été ridicule enfin, que seule, elle format ce corps de réserve, cette seconde ligne destinée à arrêter les progrès des ennemis extérieurs, en même temps qu'à réprimer les manoeuvres de ceux du dedans, (La salle retentit de nouveaux applaudissemens presque unanimes, )

Je ne m'étendrai pas davantage pour réfuter les calomnies atroces débitées et contre l'assemblée nationale, et contre les patriotes des départemens, et contre la garde nationale de Paris elle-même, qui sera sans doute indignée de la démarche qu'on ose faire en son nom. (On applaudit.) Mais comme il importe à la sûreté publique et à l'honneur de la garde nationale que les auteurs de ces manoeuvres soient découverts, je demande que la pétition qui vient d'être lue soit renvoyée aux comités de surveillance et de législation réunis, et je voudrais que le décret fût motivé à peu près ainsi :

« L'Assemblée nationale, pleine de confiance dans la garde nationale parisienne, et considérant que ce ne peut être que par des manoeuvres criminelles et par des instigations secrètes, qu'on a tenté d'égarer l'opinion de quelques individus de cette garde, renvoie la pétition aux comités de législation et de surveillance, pour en être fait incessamment rapport. Je demande en outre que le pétitionnaire ne soit point admis aux honneurs de la séance. (On applaudit.) Vous ne les avez jamais accordés aux dénonciateurs. (Plusieurs voix : Ni aux calomniateurs.)

M. Dumoslard, Je demande à combattre cette étrange proposition. (Il s'élève des murmures-On demande que la discussion soit fermée.)

N..... Je demande la parole pour un fait. M'étant trouvé hier au Palais-Royal, dans une maison où étaient trois ou quatre personnes qui me serviront de témoins, j'ai entendu un propos qui explique assez bien la perfidie qu'on vient de manifester dans la pétition lue à la barre, et qui prouve que si l'on ne peut révoquer en doute la pureté des sentimens de la très-grande majorité de la garde nationale, au moins est-on autorisé à croire qu'elle renferme dans son sein un grand nombre de malveillans. Un officier de cette garde nationale se présenta avec un air audacieux, et dit, en propres termes: Ne nous parlez pas des 20,000 brigands qui doivent arriver à Paris; la garde nationale suffit pour dissoudre ce corps, et nous les attendons à coups de fusil. Vous voyez qu'il n'y a pas de machinations infâmes que l'on n'emploie pour égarer la garde nationale et l'indisposer contre les patriotes des départemens.

M. Gareau. Je demande à énoncer un autre fait, c'est que celui des pétitionnaires qui a porté la parole est M. Joseph Vasselin, l'un des auteurs du Journal de Paris, et secrétaire de M. Duport-Dutertre.

M. Brival. Deux députés suppléans qui ont assisté au propos, dont l'ante-préopinant vient de vous rendre compte, viennent de m'assurer qu'il a été tenu par M. Vasselin. Ce fait donne, je crois, le mot de l'énigme.

M. Dumoslard. Il faut d'abord fixer l'attention de l'Assemblée sur le véritable objet de la question. Ce n'est pas le mérite intrinsèque de la pétition que vous avez à juger; et moi aussi, j'appelle vos regards sur les manoeuvres de toute espèce qui nous environnent, et moi aussi, j'appelle votre vengeance, celle de la loi sur tous les agitateurs du peuple, (on applaudit), sur tous les calomniateurs, sur tous les factieux ; et moi aussi, je demande le renvoi de cette pétition aux comités de législation et de surveillance, ainsi, jusqu'à présent je suis d'accord avec les préopinans: mais l'on vous propose de refuser aux pétitionnaires les honneurs de la séance.... (Plusieurs voix : Oui, oui, de les chasser.)

M. Charlier. L'Assemblée nationale a le droit d'exercer une

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