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de tuer le roi, intention déclarée plus tard par Legendreå Boissy d'Anglas, de qui M. Roederer assure tenir ce propos.

Les royalistes constitutionnels y trouveront qu'entre les autorités, le directoire du département, pleinement d'accord avec M. La Fayette, composé en grande partie de ses amis particuliers, montra seul de la fermeté constitutionnelle.

Les constitutionnels républicains y trouveront que si la garde nationale abandonna le roi, c'est parce qu'elle se méfiait de sa sincérité avec juste raison; il y trouveront que la conduite des officiers municipaux fut généralement modératrice, et ne pouvait être réprimante.

Voici maintenant le mémoire de M. Pétion. Nous le transcrivons du recueil de pièces intitulé, Mairie de Pétion, p. 175.

Conduite tenue par M. le maire de Paris à l'occasion des
événemens du 20 juin 1792.

· Puisque les soupçons les plus injurieux, les calomnies les plus infâmes m'environnent sans cesse, je dois rendre un compte vrai d'une conduite défigurée par la malveillance et par l'intrigue : cette conduite est essentiellement liée à celle de la municipalité, puisque je ne me suis pas séparé d'elle, que nous avons marché de concert, ou, pour mieux dire, que c'est le corps entier qui a agi.

› Plusieurs citoyens du faubourg Saint-Antoine et Saint-Marcel sont venus, le 16 juin, au conseil général de la commune, pour lui exposer qu'ils étaient dans l'intention de présenter à l'assemblée nationale et au roi des pétitions relatives aux circonstances, et de planter ensuite l'arbre de la liberté sur la terrasse des Feuillans, en mémoire de la séance du Jeu de Paume;

› Pour lui demander en même temps à être autorisés à revêtir les habits et à porter les armes qu'ils avaient en 1789.

› C'était, comme l'on voit, des individus qui désiraient marcher sans être ralliés sous le drapeau de la force armée, et sans être dirigés par les chefs reconnus par la loi.

› Le conseil général prit en conséquence l'arrêté suivant :

• Considérant que la loi proscrit tout rassemblement s'il ne › fait partie de la force publique, légalement requise, a arrêté ⚫ de passer à l'ordre du jour ».

› Il ordonna que cet arrêté serait envoyé au directoire du département, et communiqué au corps municipal.

› Le directoire du département m'écrivit, le mardi 19 à midi, pour que MM. les administrateurs du département de police et moi nous voulussions bien nous rendre auprès de lui, entre deux et trois heures, pour conférer.

> Nous y fûmes. Le directoire nous manifesta des craintes sur le rassemblement; nous lui dimes que nous ne savions rien de positif, que les intentions ne paraissaient pas malfaisantes, que d'après quelques rapports, il était même présumable que les citoyens iraient sans armes. Déjà j'avais écrit à un commissaire de police qui m'avait consulté, que des citoyens ne pouvaient pas se rassembler en armes sans ordre.

› M. le procureur-général syndic rédigea l'arrêté que le directoire a fait imprimer et afficher; chacun fit des observations sur cette rédaction; nous fîmes les nôtres.

› Cet arrêté, en dernière analyse, est une confirmation de celui pris par le conseil-général de la commune ; il rappelle un principe incontestable: c'est que les citoyens ne peuvent pas se réunir en armes sans une réquisition légale.

› Il défend les rassemblemens illégaux et propres à troubler la tranquillité publique.

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› Il recommande au maire, à la municipalité et au commandant-général de prendre toutes les mesures, de faire toutes les dispositions pour contenir et réprimer les perturbateurs du repos public.

› J'écrivis sur-le-champ une lettre très expresse et très précise à M. le commandant-général, pour lui recommander la surveillance la plus active, pour doubler des postes, avoir des réserves, mettre sur pied une force imposante, faire faire des patrouilles tant à pied qu'à cheval.

› Je priai en même temps MM. les administrateurs d'écrire aux

commissaires de police pour assurer le maintien de l'ordre, et à MM les commandans des deux faubourgs, pour vouloir bien se trouver à la mairie sur les neuf heures du soir.

› Plusieurs personnes vinrent successivement nous avertir que les esprits s'échauffaient, que les citoyens s'assemblaient dans leurs sections, et qu'ils mettaient la plus grande opiniâtreté à faire leur marche en armes.

» MM. les commandans de bataillon arrivèrent sur les dix heures; les quatre administrateurs de la police étaient réunis avec moi; nous leur demandâmes dans quelles disposition ils avaient laissé les citoyens.

› M. Santerre et M. Alexandre nous assurèrent que rien dans le monde ne pourait empêcher les gardes nationales et les citoyens de toutes armes de marcher, que toute représentation était absolument inutile, que les habitans des environs de Paris se réunissaient à eux, qu'ils s'en faisaient une fête, et qu'ils répondaient à tout ce qu'on pouvait leur dire On ne doit pas agir avec › nous autrement qu'avec les autres que l'assemblée, natio› nale a bien reçus. ›

:

› Les autres commandans de bataillon ne s'exprimèrent pas d'une manière aussi affirmative, et nous dirent que s'étant peu répandus, ils n'avaient pas de connaissances positives, qu'ils apercevaient seulement beaucoup de fermentation. Je puis ici interpeller ces commandans de bataillon, si je ne leur ai pas parlé le langage d'un magistrat pénétré de ses devoirs, si je ne leur ai pas dit que je les remplirais à quelque prix que ce fût.

» Mais mes collègues et moi nous n'étions pas rassurés sur l'événement affreux qui se préparait, si on était réduit à la nécessité cruelle d'employer la force contre une multitude immense de citoyens.

› Nons prîmes le parti de proposer au directoire du département un moyen tout à la fois simple, légal et analogue aux circonstances; nous lui observâmes qu'il serait sage d'autoriser les bataillons qui désireraient marcher, à le faire, et de ranger sous leurs drapeaux et sous le commandement des chefs de la garde

uationale les citoyens de toutes armes. C'était donner une direction prudente et légitime aux citoyens rassemblés; c'était s'assurer que la tranquillité ne serait pas troublée, étant sous les ordres de ceux qui doivent la maintenir.

il nous

› Dans le moment où nous écrivions au département, écrivait de prendre toutes les précautions nécessaires pour faire régner le calme, de faire des proclamations, etc., etc.; il était alors minuit.

› M. Viguier, l'un des administrateurs de la police, se chargea lui-même de remettre la lettre. Il trouva M. Roederer, qui approuva la mesure, déclara qu'elle était bonne, mais dit qu'il ne voulait pas prendre sur lui seul de l'adopter; qu'il allait assembler le directoire pour lui en référer. Plusieurs députés, qui étaient aussi présens, trouvèrent cette mesure très sage.

› M. Viguier revint à la mairie sur les une heure et demie du matin, très-convaincu que cela ne souffrirait point de difficulté. Il me quitta dans cette persuasion; j'y étais également, et je me mis à prendre quelques instans de repos.

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Cependant à tout événement, j'écrivis à plusieurs officiers municipaux pour se rendre à la mairie, à sept heures du matin, afin de nous éclairer de leurs lumières.

› Sur les quatre heures et demie, cinq heures, je fus anéanti lorsque me réveillant, on me remit cette lettre du directoire.

Nous avons reçu, messieurs, votre lettre de cette nuit. Nous » ne croyons pouvoir en aucune circonstance composer avec la > loi que nous avons fait serment de faire exécuter; elle nous > trace nos devoirs d'une manière impérieuse; nous persistons » dans notre arrêté d'hier, concerté avec vous.

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J'aperçus que le département n'avait pas saisi notre idée, je vis à l'instant l'abîme où cette marche allait conduire nos con-, citoyens; j'en fus écrasé de douleur, cependant je ne balançai pas, et sur-le-champ j'écrivis cette lettre aux commandans de bataillons.

« Nous vous prévenons de nouveau, monsieur, que vous ne › pouvez pas vous réunir en armes : voici à cet égard la lettre

› que nous envoient ce matin les membres du directoire. »

D'après cette lettre, monsieur, nous augurons trop bien de > votre civisme pour ne pas espérer que vous vous y conforme› rez, et que vous éclairerez vos concitoyens »

› La circonstance me parut extrêmement critique, et je fis convoquer au moment même le corps municipal.

> Mais en attendant cette réunion, je sentis qu'il n'y avait pas une minute à perdre; je priai plusieurs officiers municipaux et des administrateurs de police de se rendre, sans aucun délai, dans les faubourgs.

> Dès les cinq heures du matin, les citoyens avaient commencé à se rassembler, invalides, gardes nationales, piquiers, hommes non armés, femmes, enfans; la foule était considérable.

Les officiers municipaux parlèrent au nom de la loi, firent toutes les instances imaginables, représentèrent les dangers auxquels ils s'exposaient, ils exposaient leurs concitoyens, tout fut inutile. Leurs réponses étaient les mêmes, et se réduisaient à ces idées simples: Nous ne formons pas une émeute, on sait • bien que nous n'avons pas de mauvaises intentions, que nous ⚫ allons présenter des pétitions à l'assemblée nationale et au roi ; › la municipalité a bien permis à des bataillons d'aller en armes › à l'assemblée avec les autres citoyens, pourquoi nous refuse

rait-on ce qu'on a accordé à d'autres ? l'assemblée nationale les » a reçus; leur a fait l'honneur de les laisser défiler devant elle, ⚫ pourquoi n'aurions-nous pas aussi cet honneur? »

» Enfin la résolution de marcher ainsi était invincible, la garde nationale de ces faubourgs était la première à manifester trèsénergiquement sa volonté de partir armée, si bien que des commandans de bataillon furent forcés de se mettre en tête avec les drapeaux et les canons, que l'on mit aussi en tête des commissaires de police.

› Nous étions réunis au corps municipal, et les officiers, qui s'étaient transportés sur les lieux, vinrent nous faire les rapports de ces faits.

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