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le duc d'Orléans y sont discutés et exposés contrairement aux assertions de Sillery, dans le discours que nous analysions tout à l'heure. Voici ces passages:

N'est-ce pas un fait que Brissot a été secrétaire de madame Sillery (Genlis) ou de son frère Ducrest? N'est-ce pas un fait que Pétion a fait le voyage de Londres dans une dormeuse avec madame Sillery, et mesdemoiselles d'Orléans (madame Adélaïde), Paméla, Sercey, qu'on pouvait appeler les trois Graces, et qui pressaient son genou vertueux et heureusement incorruptible; et que c'est à ce retour qu'il a été nommé maire de Paris? Pourquoi cé voyage si suspect? Quelle négociation si importante avait exigé qu'un si grand personnage que Jérôme Pétion, passât la mer et s'abouchât avec Pitt?

› Pétion croit-il que je ne me souvienne pas, il y a trois ans, dans le temps où l'on m'avait cru bon à quelque chose, de mes dîners chez Sillery, dans le salon d'Apollon, où venaient aussi diner lui, Pétion, Voidel, Volney, Mirabeau, Barnave, tuteur de Pamela (1), et autres républicains de cette étoffe; mais on n'invitait jamais Robespierre.

> La guerre qui semblait à outrance entre La Fayette et Philippe, m'en a imposé long-temps, et je m'en veux d'avoir reconnu si tard que Brissot était le mur mitoyen entre Orléans et La Fayette, mur comme celui de Pyrame et Thysbé, entre les fentes duquel les deux partis n'ont cessé de correspondre. Je commençai à soupçonner que cette guerre n'était pas à mort, mais,

(4) Nos lecteurs trouveront, dans le journal le Temps, numéro du 17 novembre 1831, une notice nécrologique sur Paméla. Il y est dit qu'elle fut envoyée d'Angleterre, à l'âge de cinq ou six ans, pour être élevée avec les enfans du duc d'Orléans. L'auteur de la notice, tout en insistant « sur la réserve que de hautes convenances le forcent à garder, » donne en périphrases et en circonlocutions l'équivalent d'une assertion directe. Voici un de ses détours: « Son étonnante ressemblance (de Paméla) avec les enfans du duc, l'aurait, sans son accent étranger, fait prendre pour leur sœur. » Le duc, voulant assurer à sa protégée une rente de quinze cents livres, il devint nécessaire de lui nommer un tuteur. Ellemême choisit Barrère qui accepta, dit le journal que nous analysons,' avec plus de politesse que d'empressement. · Paméla devint plus tard la femme de FitzGérald, et après la mort de ce dernier, décapité à Dublin, comme conspirateur, elle se remaria avec le négociant Pitcairn. Bientôt elle divorça pour reprendre le

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comme les querelles de coquins, susceptible d'accommodement, quand je vis madame Sillery prendre la défense de La Fayette et avec tant d'intérêt, qu'elle ne gardait de mesures qu'autant qu'il en fallait pour ne pas me laisser soupçonner, entre les deux rivaux d'ambition et d'intrigues, des intelligences funestes aux Jacobins. Je n'en pus plus douter, un jour que Sillery, cherchant à émousser la pointe dont je tourmentais sans cesse le cheval blanc, m'avoua qu'il y avait des propositions de paix, et que la veille La Fayette était yenu au comité des recherches, lui avait fait entrevoir la possibilité et même les convenances d'un mariage de sa petite fille avec son fils Georges La Fayette.

Un trait acheva de me convaincre que, quoique La Fayette, depuis plus d'un an, eût fait pleuvoir les plus sanglans libelles sur la faction d'Orléans, la grande famille des usurpateurs et des fripons ajournait les querelles et se ralliait toujours contre le peuple et contre l'ennemi commun, à l'approche du fléau terrible de l'égalité. Je dois raconter ce trait, parce qu'il ouvre un vaste champ aux conjectures, et pourra servir à expliquer bien des événemens postérieurs. Nous étions seuls dans le salon jaune de la rue Neuve-des-Mathurins; le vieux Sillery, malgré sa goutte, avait frotté lui-même le parquet avec de la craie, de peur que le pied ne glissât aux charmantes danseuses. Madame Sillery venait de chanter sur la harpe une chanson, que je garde précieusement, où elle invitait à l'inconstance, et mesdemoiselles Pamela et Sercey dansaient une danse russe, dont je n'ai oublié que le nom, mais si voluptueuse et qui était exécutée de manière que je ne crois pas

nom de Fitz-Gérald, nom sous lequel elle vécut depuis. Elle mourut à Paris vers la fin de l'année 1831, dans un élat voisin de l'indigence.

Nous faisons cette note pour constater l'existence de Pamela et la tutèle de Barrère; il faut que M. Thiers ait ignoré ce double fait; car, dans une note de son Histoire de la Révolution, tome VI, pag. 125, il commet à cet égard une erreur singulière. Il cite un passage du Vieux Cordelier, où Desmoulins, selon son habitude, apostrophe Barrère par ces mots : « Toi, l'heureux tuteur de Paméla. » M. Thiers annote ainsi cette exclamation: « Allusion à la pièce de Pamela, dont la représentation avait été défendue. » Il est vrai qu'il existait une pièce de ce nom et qu'elle avait été défendue. Mais il est vrai aussi que Desmoulins, alors comme toujours, parlait de mademoiselle Paméla et de son tuteur, et non pas d'une pièce. (Note des auteurs. ) »

que la jeune Hérodias en ait dansé devant son oncle une plus propre à lui tourner la tête, quand il fut question d'en obtenir la lettre de cachet contre Jean le baptiseur. Bien sûr de ne pas succomber à la tentation, je ne laissais pas de jouir intérieurement d'être mis à une si rude épreuve, et je goûtais le même plaisir que dut éprouver saint Antoine dans sa tentation. Quelle fut ma surprise, au milieu de mon extase et dans un moment où la gouvernante magicienne opérait sur mon imagination avec le plus de force, et où la porte devait être fermée aux profanes, de voir entrer, qui? un aide-de-camp de La Fayette, venu là tout exprès, et qu'on fit asseoir un moment à côté de moi, pour montrer sans doute que La Fayette était redevenu l'ami de la maison ! Ceci se passait à l'époque où Sillery achevait son fameux rapport sur l'affaire de Nancy, et s'efforçait de blanchir Bouillé, le cousin de La Fayette. (Fragmens de l'histoire secrète de la révolution, par C. Desmoulins, p. 7 à 21.)

5 juin. L'assemblée décide, par une délibération presque unanime, qu'il n'y a pas lieu à accusation contre Duport. — 5 au soir. Destrem fait décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la demande de six millions, faite par le ministre de l'intérieur Roland, pour achat de grains, et qu'il justifiera de l'emploi des douze millions précédemment accordés.

6 juin. - Rapport de Coustard sur les propositions du ministre Servan, relatives à la réunion des fédérés à Paris, et la formation d'un camp de vingt mille hommes sous les murs de la capitale. Crublier demande la question préalable; Dubayet et Mulot, l'ajournement. La discussion est ouverte. Opinion de Jaucourt contre le projet. Carnot le jeune l'appuie avec quelques modifications. Lemontey croit qu'une fédération permanente serait infiniment dangereuse: Sous le prétexte de former l'esprit public, dit-il, vous formerez un corps qui bientôt vous opprimerait vous-même. Jean Debry: Savez-vous quels sont ceux qui vous opprimeront? Ce seront les quarante mille malveillans qui sont à Paris. Savez-vous où est le danger? c'est dans les moyens qu'on emploie pour fatiguer le patriotisme des citoyens

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de Paris. Girardin convient qu'il faut une augmentation de forces, mais non pas à Paris; la force publique qui y est, étant plus que suffisante pour en imposer aux factieux. Calvet : « La garde nationale n'est point fatiguée, mais elle fatigue les factieux. › Lasource dit que jamais le comité militaire n'a voulu faire remplacer la garde nationale, mais seulement lui fournir un motif de sécurité; il pense que, lorsque des conjurations abominables se trament, il est bon que toutes les gardes nationales du royaume viennent partager ses dangers : il vote l'adoption du projet. Daverhoult déclare qu'il est contre toute idée militaire et n'est bon à rien, à moins qu'on n'ait l'intention de transférer l'assemblée nationale ailleurs. Vergniaud reproduit l'idée du ministre de la guerre, sous une antre rédaction. Ramond dit que, si une fédération était nécessaire, on ne pourrait la faire plus solennellement qu'aux frontières, en face de l'ennemi. L'assemblée décrète qu'il sera fait une nouvelle levée de vingt mille hommes, fournis par tous les cantons, et qui se réuniront à Paris, au 14 juillet.

8 juin. - Une députation de la garde nationale parisienne proteste que les soixante mille hommes dont elle se compose, se porteraient au-dehors au premier moment, si l'ennemi osait tenter d'envahir la capitale. - William Priestley, fils du docteur Joseph Priestley, Anglais, témoigne sa reconnaissance de l'adoption nationale qui l'admet au nombre des citoyens français, et déclare qu'il vient pour en jouir. Français, de Nantes, annonce que Priestley lui a confié son fils: il fait l'apologie de ce savant publiciste et demande des lettres de naturalisation pour le fils. Adopté d'après l'avis de Lacépède. Après avoir entendu Coustard, Lacroix, Lemontey, Jaucourt, Lacombe-Saint-Michel, adoption définitive du décret d'augmentation de vingt mille hompour l'armée, et du mode de cette levée. Voici la teneur du décret :

« L'assemblée nationale, délibérant sur la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion par un membre, et après avoir entendu le rapport de son comité militaire; considérant qu'il est instant de porter aux frontières les troupes de ligne qui

sont dans la capitale; considérant qu'il est important d'ôter tout espoir aux ennemis de la chose publique, qui trament des complots dans l'intérieur ; considérant qu'il est avantageux de resserrer encore, à l'époque du 14 juillet, les liens de fraternité qui unissent les gardes nationales de tous les autres départemens avec celles de Paris, qui a si bien servi la révolution, et si bien mérité de la patrie par un dévouement sans bornes, et un service pénible et continuel, décrète qu'il y a urgence.

› L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

› Art. 1or. La force armée déjà décrétée, sera augmentée de vingt mille hommes.

› II. Cette augmentation se fera dans les départemens, et tous les cantons du royaume seront admis à la compléter.

› III. Les vingt mille hommes d'augmentation se réuniront à Paris pour le 14 juillet prochain.

» IV. La répartition des vingt mille hommes se fera dans chaque département proportionnellement à la population et suivant l'état annexé au présent décret.

› V. Les directoires de départemens répartiront entre les districts, et ceux des districts entre les cantons, le nombre de gardes nationales demandées à chaque département en raison de sa population.

› VI. Il sera, en conséquence, ouvert dans la municipalité cheflieu de canton, un registre particulier d'inscriptions volontaires, sur lequel se feront inscrire les citoyens qui désireront servir en qualité de volontaires nationaux dans cette augmentation de la force armée.

VII. Dans le cas où le nombre des gardes nationales qui se seront fait inscrire excéderait celui fixé pour le canton, ceux inscrits seulement se réuniront pour faire, entre eux, le choix de ceux qui voudront marcher, en présence de la municipalité.

› VIII. Nul citoyen ne sera admis à s'inscrire, qu'il n'ait fait un service personnel dans la garde nationale, depuis le 14 juillet 1790, ou depuis la formation de la garde nationale du canton de

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