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habitants avaient cru qu'ils venaient capturer le curé et le vicaire. Le soulèvement qui se produisit avait pour but de sauver les deux ecclésiastiques.

Il ignore les noms de ceux qui avaient sonné ou fait sonner le tocsin.

La municipalité a fait, d'après lui, tout ce qu'elle a pu pour découvrir ces personnes, mais aucune enquête n'a abouti. Des personnes avaient rapporté à cet officier municipal les remerciements du curé, le dimanche suivant (1).

Le même jour, comparut encore Antoine Francoual (ou Franqual), second officier municipal (2). Après lui, comparurent Raymond Aujole (3), troisième officier municipal, Raymond Desplat, procureur de la commune.

Desplat n'était pas à Peyrilles le jour de l'attroupement, se trouvant à la chasse il n'entendit pas le tocsin quand on commença de le sonner.

:

A un moment donné, il entendit des cris et il s'achemina aussitôt vers Peyrilles « où l'on sonnait encore le tocsin quand il fut arrivé ».

Il trouva la place « couverte d'hommes et de femmes qui entouraient la brigade ».

Evidemment, il s'empressa de les inviter tous à ne pas maltraiter les gendarmes et d'aller à l'église pour faire cesser le tocsin. Malheureusement l'église était fermée et il ne put la faire ouvrir.

A force de crier, il parvint à faire cesser les sonneries et put lire au peuple rassemblé l'arrêté du département, du 19 décembre. Il rétablit le calme et, avec, six hommes, accompagna les gendarmes hors du territoire de la commune.

Pendant ce temps, curé et vicaire étaient allés au loin faire une levée de corps. A leur arrivée, la tranquillité régnait parmi les habitants (4).

(1) Arch. du Lot, L reg. 7, nos 35 à 37.

(2) Francoual était à Cahors le jour de l'insurrection. Sa déposition est analogue à celle de David. Notons que, d'après lui, le curé de Peyrilles était allé à une demi-lieue chercher un mort et qu'il ne revint qu'après les événements (L reg. 7, fo 37).

(3) Aujole habitait un village situé à une demi-lieue de Peyrilles. Aussi, il n'entendit point le tocsin. I accompagna à l'église le mort qu'on enterrait ce jour-là, mais, à l'arrivée du cortège dans Peyrilles, tout était tranquille. Le dimanche suivant, il était à la messe du vicaire et il n'entendit pas le curé. adresser des remerciements aux habitants (Ibid f 38).

(4) Archives du Lot, L registre 7, fos 36-40.

CHAPITRE V

La condition des réfractaires

Sur la fin de l'année 1792 et au commencement de 1793, les prêtres non-conformistes aux lois du serment n'étaient plus admis à jouir, comme les autres citoyens, de leur liberté individuelle. Un régime à part avait été établi pour eux. Il y avait contre eux une présomption légale d'incivisme. Les autorités avaient le droit de les interner ou de les éloigner. Ils étaient manifestement hors la loi ; le régime nouveau instauré le 10 août 1792 les considérait comme des suspects. Lorsque leur présence sera constatée quelque part, ils devront être arrêtés et jetés en prison.

Ordres de faire arrêter les prêtres non-conformistes aux lois

Le 19 décembre 1792, le procureur général-syndic du Lot, Sartre, donna l'ordre au commandant de gendarmerie de la division du département de faire arrêter immédiatement, avec un nombre suffisant de gendarmes, Géraud Gaillard, curé de Thémines depuis le 7 novembre 1771, Clamagirand, curé de Sousceyrac depuis le 17 février 1774, et son vicaire, Alexandre Laroussilhe.

Le motif invoqué pour une telle mesure était qu'ils étaient restés << dans le territoire de la République française » contre le vœu exprès de la loi sur la déportation des prêtres ci-devant fonctionnaires publics insermentés.

Il était prescrit en même temps de faire conduire ces prêtres << sous bonne et sûre escorte dans les prisons nationales de la ville de Cahors » (1).

La lettre du 19 fut reçue à Gramat, où se trouvait pour le moment le capitaine de gendarmerie.

Ces arrestations devaient être faites par le lieutenant Pezet, de la gendarmerie de St-Céré.

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Le capitaine fit venir auprès de lui le lieutenant pour se concerter ensemble sur les moyens à prendre pour mettre à exécution la réquisition du 19 courant ».

(1) Arch, du Lot, L 272, No 2; L 112, N° 1.

<< Réuni avec cet officier dont l'intelligence et l'activité doivent me faire espérer le succès de sa mission, écrivait le capitaine au < procureur général à la date du 21, j'ai cru que ce serait l'exposer « à manquer son coup, s'il la précipitait, parce que la gendarmerie << de sa lieutenance vient de faire plusieurs courses dans son dis<<trict, qui ont produit l'arrestation des nommés Lacroix, ci-devant < curé de Mézels, et Battut, ci-devant curé de St-Jean, qui sont tra<< duits de brigade en brigade au chef-lieu du département où ils << doivent arriver le 24 du courant. Comme ces conduites ont donné << l'éveil à tous les prêtres réfractaires, et que dans le moment il << n'en est aucun qui ne cherche à se soustraire aux poursuites por<tées par la loi, je crois, citoyen, qu'il est nécessaire d'attendre << quelques jours pour exécuter votre réquisitoire. Dans l'intervalle, « le lieutenant de St-Céré prendra des renseignements afin de pou<< voir travailler avec succès, et au moment de l'exécution, il don<< nera des ordres aux brigades de gendarmerie dont il croira avoir < besoin.

« Je crois cette mesure d'autant plus nécessaire que, d'après les << avis que j'ai reçus, il est constant que les prêtres dont j'ai << ordonné l'arrestation sont dans ce moment absents de chez eux << et, lorsqu'ils y paraissent, ils ne couchent jamais deux nuits dans. << la même maison (1). »

Le 22, nouvelle lettre de Sartre au capitaine de gendarmerie pour se plaindre que le lieutenant Pezet, d'après un bruit répandu à Cahors, travaillât à chasser les constitutionnels eux-mêmes, dont étaient les prêtres Battut et Lacroix.

La lettre du procureur général parvint au lieutenant de gendarmerie de St-Céré qui répondit en ces termes, le 27 :

« J'ai donné connaissance de cette inculpation si peu méritée << aux gendarmes de ma résidence. Ils ont été aussi indignés que <moi, que des malveillants voulussent vous porter à (soupçonner) << notre civisme en nous prêtant une conduite si peu conforme à nos < principes. Nous avons communiqué cette inculpation aux mem<bres de notre district qui en ont été aussi étonnés que nous et ils << nous rendront la justice que nous n'avons agi que d'après leurs << réquisitions, et que si n'avons pas rempli avec autant de célérité « que nous l'aurions désiré le vœu de celle que vous avez donnée << au capitaine pour saisir les prêtres fanatiques de Sousceyrac et

(1) Arch. du Lot, Série L 272, N° 3.

<< de Thémines, ce n'est que pour éviter de faire couler du sang que << des gens mal intentionnés verraient peut-être répandre sans << peine.

« Nous avons juré, Citoyen, de maintenir la liberté et l'Egalité << et de remplir avec tout le zèle dont nous sommes capables les << devoirs qui nous sont confiés ou de mourir à notre poste. La bri<< gade de St-Céré vous renouvelle le même serment et elle désire < que tous les regards se tournent vers elle afin que ses concitoyens << puissent la juger (1). »

Le lieutenant termine en disant :

<< Malgré les sentiments intérieurs de notre conscience sur la << calomnie qu'on a portée contre nous, nous ne serions pas tran<< quilles s'il pouvait vous rester quelques doutes sur la confiance << intime que vous devez avoir pour notre dévouement aux obliga<<tions que notre état nous impose. Veuillez, citoyen, en donner « connaissance aux membres du directoire du département et nous << assurer que vous ne croyez plus aux inculpations qu'on a voulu << nous faire qui sont contraires aux principes d'un Etat républi<< cain que la brigade de gendarmerie de St-Céré professe. »

L'insermenté Gaillard, ancien curé de Thémines, n'était pas encore arrêté au 1er janvier 1793.

Au contraire, le directoire du département venait d'être instruit, à cette date, par la rumeur publique, que ce prêtre résidait à Thémines même et y exerçait les fonctions pastorales au mépris de la loi du 26 décembre 1790.

« Le directoire, écrivait Sartre aux administrateurs du district « de Figeac, au 1er janvier, n'a pu apprendre sans étonnement une << violation si téméraire de la loi, et, par son arrêté de hier au soir, << il m'a chargé de vous inviter à prendre de suite des renseigne«ments sur un délit si grave et si étroitement lié avec la tranquil<<lité publique. Je m'empresse de remplir ses vues et de vous pré<< venir qu'il s'attend à recevoir incessamment de votre part des << éclaircissements ultérieurs. Prenant une entière confiance en < votre zèle et votre sagesse, nous espérons que vous prendrez des << mesures efficaces pour l'exécution de la loi et pour éclairer le peu<< ple de la paroisse de Thémines, que ce prêtre fanatique cherche << à égarer. Si la municipalité de ce lieu s'est écartée de ses devoirs, « par ignorance, vous devez compassion à son erreur; mais, s'il y

(1) Arch. du Lot, L 125, déc. 1792, N° 6. Lettre de Pezet écrite à Sartre en son nom et à celui des gendarmes Rouzet, Delpech, Pinquié, Estèves (brigadier).

<< avait de la connivence de sa part, elle doit être punie de son inci<< visme, en déployant contre elle seule la sévérité de la loi (1). »

Le 31 décembre, Pezet-Marmon, lieutenant de la gendarmerie de St-Céré, avait fait connaître au directoire de Figeac l'impossibilité où il était à opérer l'arrestation du prêtre Gaillard, et de l'ancien curé de Sousceyrac, ainsi que celle du vicaire de ce dernier.

Tous les moyens employés pour s'emparer de ces prêtres avaient été infructeux.

Le lieutenant demanda à connaître un officier municipal ou une personne de confiance de la région de Sousceyrac, afin de pouvoir s'entendre avec lui sur l'exécution de la loi relative aux prêtres insermentés.

Le 10 janvier, le directoire de Figeac indiqua à Pezet, l'administrateur du district Murat, ancien chef du bataillon de la garde nationale du canton de Latronquière. Celui-ci fut invité à se rendre le samedi suivant à St-Céré auprès du lieutenant de gendarmerie.

<< Prenez avec lui, écrivirent les membres du directoire à Pezet, << les mesures les plus convenables pour que les prêtres réfractaires << n'échappent point à la rigueur des lois qu'ils ont encourue (2). » Le curé Grès et le vicaire Lagarrigue, à Cuzac, tous deux réfractaires au serment avaient été dénoncés, le 30 décembre 1792, au directoire du district de Figeac par des habitants de la région.

D'après le texte des dépositions, ces ecclésiastiques résidaient continuellement à Cuzac, au mépris de toutes les lois et des divers arrêtés du directoire du département. Ils y disaient chaque jour la messe, surtout les jours de fête et les dimanches et y faisaient les fonctions curiales. Ils prêchaient sans cesse « le fanatisme ».

Ils disaient hautement que l'Assemblée nationale n'était composée que de protestants, qu'elle voulait détruire la religion », que les évêques du moment n'avaient aucun pouvoir de faire des fonctions épiscopales, faute de mission du Pape, que les curés et vicaires assermentés n'avaient pas le pouvoir d'administrer les sacrements et << qu'il valait autant entendre la messe d'un chien que de l'entendre d'eux ».

Les dénonciateurs des deux prêtres réfractaires avaient déclaré <que ces propos incendiaires apportaient la discorde dans les familles et bientôt la guerre civile dans les communes voisines dont une partie, par leurs insinuations perfides, abandonnait leur propre

(1) Arch. du Lot, L 112, N° 1.

(2) Ibid., L 353, p. 25.

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