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DANS LA TOURMENTE RÉVOLUTIONNAIRE

LIVRE I

LA GUERRE RELIGIEUSE

CHAPITRE PREMIER

La résistance des consciences

La loi du 12 juillet-24 août 1790, sur l'organisation purement civile du clergé, devait mettre en émoi de très nombreux ecclésiastiques. Elle devait susciter un mouvement très prononcé de révolte contre l'œuvre de la Constituante.

La cause de cette réprobation venait de ce que les réformes religieuses s'opérèrent sans le Pape et amenèrent, en mars et en avril 1791, la condamnation formelle de Pie VI.

La Constitution civile du clergé supprima, en effet, sans aucune intervention du Pape, de nombreux diocèses de 134 diocèses, il n'y en eut plus que 83.

Sans le Pape, la nouvelle Constitution établit la nomination des évèques et des curés par la voie de l'élection, comme pour celle des députés et des fonctionnaires; sans lui encore, elle organisa la transmission des pouvoirs ecclésiastiques.

La Constitution civile du clergé

La Constitution civile du clergé fut votée par la Constituante le 12 juillet 1790 et sanctionnée par Louis XVI le 24 août de la même année. Avant d'adopter le nouveau texte, l'Assemblée avait voté, le 2 novembre 1789, un décret mettant les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation. Le 13 février 1790, elle avait voté des mesures qui prohibaient en France les vœux monastiques de l'un et l'autre sexe.

Le décret du 12 juillet 1790 comprenait quatre séries de disposi

tions: la première concernant les offices ecclésiastiques; la seconde, relative à la nomination aux bénéfices; la troisième, touchant le traitement des prêtres « fonctionnaires publics », et la quatrième ayant trait à la résidence,

Chaque département devait former un diocèse, et chaque diocèse n'aurait comme étendue que les limites mêmes du département. Tous les évêchés qui n'étaient pas compris dans la liste des sièges des évêchés des 83 départements du royaume étaient supprimés.

La France était divisée en dix « arrondissements métropolitains » dont le siège était, pour cette région, Toulouse, métropole du Sud.

L'arrondissement de la métropole du Sud comprenait, entre autres évêchés, celui du département du Lot.

On devait procéder incessamment, sur l'avis de l'évèque du diocèse et de l'administration des districts, à une nouvelle formation et circonscription des paroisses du royaume.

L'église cathédrale de chaque diocèse devait être en même temps église paroissiale et église épiscopale. Il devait y avoir un séminaire par diocèse. Les « vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire >> formaient, avec les vicaires de l'église cathédrale, le conseil habituel et permanent de l'évêque.

Le décret supprimait toutes les dignités : canonicats, prébendes, demi-prébendes, chapellenies, chapitres réguliers et séculiers, abbayes, prieurés et tous autres bénéfices.

Désormais, il ne devait y avoir qu'une manière de pourvoir aux évêchés et aux cures, celle des élections, qui se feraient par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages.

L'élection de l'évêque ne pouvait se faire ou être commencée qu'un jour de dimanche, dans l'église cathédrale ou église principale du chef-lieu du département, à l'issue de la messe paroissiale. Le nouvel évêque ne pouvait s'adresser au Souverain Pontife pour en obtenir aucune confirmation. Il ne devait lui écrire que comme au chef visible de l'Eglise universelle, «< en témoignage de l'unité de foi et de communion qu'il doit entretenir avec lui ».

Les curés étaient également élus. L'assemblée des électeurs, pour la nomination aux cures, devait se former tous les ans, à l'époque de la formation des assemblées de district. Cette élection devait se faire par scrutin séparé pour chaque cure vacante. Les curés élus, institués par l'évêque, devaient prêter serment de fidélité à la Constitution, un dimanche, avant la messe paroissiale, en présence des officiers municipaux de la commune, du peuple et du clergé.

Les évêchés ou les cures étaient réputés vacants jusqu'à ce que les élus eussent prêté le serment.

Un évêque, comme celui de Cahors, avait 12.000 livres pour traitement; un curé de ville ou de bourg, dont la population était au-dessous de 10.000 âmes et au-dessus de 3.000, avait 2.400 livres. Dans les bourgs et les villages ayant une population de 1.000 âmes et au-dessous, le curé recevait 1.200 livres.

La loi de la résidence devait être rigoureusement observée. Les évêques, les curés et les vicaires ne pouvaient accepter de charges, d'emplois, qui les obligeraient de s'éloigner de leurs diocèses ou de leurs paroisses. Ils pouvaient être élus députés aux assemblées législatives, membres du conseil général de la commune et du conseil des administrations des districts et des départements. Mais leurs fonctions étaient incompatibles avec celles de maire et autres officiers municipaux et de membres des directoires de district et de département.

La loi du 27 novembre-26 décembre 1790 compléta celle du 12 juillet-24 août. Elle édicta l'obligation du serment de fidélité à la Constitution pour tous les ecclésiastiques exerçant une fonction publique.

Le serment à prêter fit hésiter la plupart des prêtres de cet ancien pays de Quercy, qu'ils fissent partie du diocèse de Cahors ou de celui de Montauban. Car l'engagement de maintenir la Constitution incluait la promesse de fidélité à la Constitution civile du clergé, dont nous venons de faire connaître les principaux articles.

Or, manifestement, cette nouvelle loi, relative au Statut de l'Eglise de France, ne pouvait être acceptée. Elle heurtait, en effet, la Constitution même de l'Eglise.

Le clergé des paroisses était trop instruit pour ne pas reconnaître ce caractère aux nouvelles dispositions légales.

Le plus grand nombre des prêtres en fonctions ne voulurent pas accepter la nomination des évêques et des curés par des laïcs. Ils ne voulurent pas reconnaître à l'Etat le droit de changer seul les circonscriptions de l'Eglise de France et de déterminer le mode de collation du pouvoir de juridiction sans un accord préalable avec le Saint-Siège.

Ces prêtres manifestèrent leur sentiment de réprobation pour la loi nouvelle, dès qu'il fut question, pour eux, de lire en chaire, au prône du dimanche, le texte même de la loi du 24 août ou celui de la loi du 26 décembre 1790 relative au serment.

La lecture en chaire des nouvelles dispositions légales

La loi du 25 janvier 1790 ordonnait aux curés et vicaires de lire au prône le texte de toute nouvelle loi.

Mais, pour la loi du 12 juillet-24 août 1790, les prêtres des paroisses du Lot refusèrent de la lire en chaire.

A Bégoux, le curé François Lugan fut au nombre de ceux qui ne voulurent pas faire en chaire la lecture du décret prescrivant le serment de fidélité. Dès le 31 décembre 1790, il tint plutôt des propos contraires à la constitution civile du clergé. Il alla, un dimanche, jusqu'à déclarer à ses paroissiens, au sujet du serment exigé des <<< fonctionnaires publics ecclésiastiques », qu'avant de le prêter il préférerait perdre sa pension, qu'il ne reconnaissait que le Roi et le Pape, qu'il ne confesserait plus personne, la religion étant perdue...; qu'il aimerait mieux se laisser couper les poings que de prêter le serment prescrit par les décrets ».

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A Lauzerte, des curés avaient « crié et prêché contre les lois contraires à leur opinion », au lieu d'en faire scrupuleusement la lecture en chaire.

A Reyrevignes, dans le district de Figeac, le vicaire Costes avait fait la lecture du décret du 27 novembre-26 décembre 1790, mais en le lisant, il avait déclaré que ce décret était « la perte de la religion catholique, apostolique et romaine ».

Le curé Lugan fut obligé de quitter sa paroisse, où il fut remplacé, le 22 mars 1791, par Jacques-Nicolas Gintrand, élu par le corps électoral du district de Cahors. Les curés de Lauzerte, qui se trouvèrent en faute, furent dénoncés par le procureur syndic du district, Balmary, au procureur général syndic du Lot comme des prêtres fanatiques»; ils furent menacés en même temps de poursuites. Le vicaire Costes fut, de son côté, dénoncé par la municipalité, au procureur syndic du district, pour ses déclarations faites en chaire (1).

A Revel, un curé assermenté, Antoine Gaillard, qui plus tard rétracta son serment prêté le 20 février 1791, fut accusé par de nombreuses personnes de ne jamais faire en chaire la lecture « des

(1) Archives du Lot, L. 344, nos 3, 4.

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