Page images
PDF
EPUB

caractérisé», qui avait provoqué le rétablissement de la monarchie et du régime féodal, l'avilissement de la représentation nationale, s'était déclaré « le partisan des brigands de la Vendée » et s'était opposé à l'exécution des lois.

L'agent national s'appuyait sur la loi du 4 décembre 1792 relative « à ceux qui proposeront ou tenteront d'établir en France la royauté et sur celle du 9 avril 1793, attribuant aux tribunaux criminels du département la connaissance de semblable délit, pour déférer en justice Antoine Redoulès.

»

Le prévenu fut interrogé, à Cahors, à la séance du Tribunal criminel du 21 nivòse, 10 janvier. Les témoins entendus furent : Jean Marty, maréchal de Gigouzac; Jean Cassan; Jean Lafage ; Jean Miquel; François Dissès et le procureur de la même com

mune.

Le même jour du 21 nivòse, le Tribunal criminel condamna le prévenu à la peine de mort.

Le jugement reproduisait, dans les considérants, les accusations. portées contre lui.

D'après la déposition orale et uniforme des quatre témoins qui avaient été entendus, Redoulès avait dit et répété à satiété, dans Gigouzac, que nous serions plus heureux d'avoir un roi et qu'il fallait faire ici comme en Vendée ».

Pour exciter les personnes de son village à des émeutes contrerévolutionnaires, il avait proclamé « qu'il fallait marcher armés de faux, manches au rebours, et foutre (sic) tout à terre; que, si les révoltés de la Vendée venaient dans le pays, il fallait se tourner de leur côté, que la Convention et les autorités constituées n'étaient composées que de fripons et qu'au lieu d'un roi, il y en avait une vingtaine dans une commune (1). »

Redoulès devait être de suite livré à l'exécuteur des jugements criminels et mis à mort. Ses biens devaient être confisqués au profit de la nation.

Il fut guillotiné le 22, à 10 heures du matin (2).

2° Antoine Palliès (ou Paliès), scieur de long. Un scieur de long du canton de Caylus avait dit, au commencement de brumaire an II, que le pays ne serait jamais heureux tant qu'il n'aurait pas un roi.

(1) Archives du Lot, Tribunal crim., an II, C., No 1 à 4, et vol. XVI, folios 39, 40; Bulletin de la Société des Etudes, XXXV, 73,

(2) Archives nat., F 36 81.

Le propos fut dénoncé au juge de paix du canton, Jean Cayla aîné, et celui-ci lança contre lui un mandat d'arrêt, le 4° jour de la 2° décade du second mois de l'an II (ou 14 brumaire), 4 novembre 1793.

Antoine Paliès (ou Palliès), de Lantigou, commune de Cos et paroisse de St-Amans, près Caylus, aurait dit, d'après le texte même du mandat d'arrêt que « tant qu'il n'y aurait pas un roi, les choses n'iraient pas bien dans la République, qu'on ne punissait que les honnêtes gens ».

Antoine Paliès fut arrêté le jour même du 14 brumaire et comparut devant le juge de paix à Caylus, dans l'après-midi, vers les 3 heures, pour subir un interrogatoire sur les propos contre-révolutionnaires qu'on lui prêtait.

Les témoins qui déposèrent devant le juge de paix dans l'affaire de Paliès furent Jean Delpech, Bertrand Delpech, Jean Miquel, Jean Iches, Antoine Périé.

Un premier témoin, Jean Delpech, déposa que Paliès avait été banni de France par la justice. Il était allé en Espagne et, à son retour, il avait dit « qu'il fallait un roi à la France sans quoi, tout irait toujours mal ».

Il avait même ajouté que, sans le roi, « on persécuterait les braves gens et on protégerait les coquins ».

Un autre, Bertrand Delpech, prétendit que le prévenu quittait son travail pour tenir aux gens des propos comme celui-ci : « Nous sommes mal gouvernés. »

Jean Miquel et Antoine Périé dirent que Paliès ne se gênait pas pour tenir les pires propos en faveur du roi et contre le gouvernement du pays. Ainsi, le prévenu avait dit qu'on avait mal fait de faire périr le roi, qu'il en fallait un à la France, que la nation n'était gouvernée que par des coquins.

Le prévenu tenait ce langage à tout le monde.

De son côté, Jean Iches déposa que Paliès était un mauvais sujet.

Le 28 brumaire, le directoire du district de Montauban estima que Paliès, vu ses réponses faites au juge de paix et surtout vu les dépositions des cinq témoins, devait être poursuivi.

Le 25 frimaire 15 décembre 1793 le directoire du Lot prit un arrêté pour ordonner des poursuites contre cet individu, en conformité à la loi du 11 août 1792, relative aux délits contre la sûreté générale de la République,

Le procureur général syndic devait le dénoncer à l'accusateur public près le tribunal criminel en vue de son jugement conformément aux lois du 4 décembre 1792 et du 9 avril précédent.

Le procureur général-syndic Lagasquie transmit donc l'arrêté du département à l'accusateur public en lui signalant que Paliès avait voulu rétablir la royauté.

Au sujet de la peine à encourir, il lui écrivait :

Je ne te parle pas de la peine qu'il doit encourir. Mais, dans « cette affaire, il faut la célérité qu'on doit attendre d'un ennemi << de la tyrannie. »

Paliès fut interrogé par le président du tribunal criminel, le 20 nivôse (9 janvier 1794) et condamné, le lendemain 21, à subir la peine de mort.

Il était prouvé, en effet, par les dépositions des témoins, que l'individu avait tenu réellement les propos qui lui étaient prêtés.

Dans les considérants du jugement, il était spécialement relevé ce propos du prévenu, à savoir qu'on avait mal fait de faire périr le roi que nous avions, « qu'on avait fait périr notre père, que le père était le chef de famille et qu'une famille sans chef était bien malheu

reuse ».

De tels propos furent regardés comme tendant à donner un maître à la France, à rétablir la royauté et à rendre aux citoyens « les premières chaînes ».

Ils furent traités d'infàmes» dans le texte du jugement.

Paliès fut livré, immédiatement après sa condamnation à mort, à l'exécuteur des jugements criminels et mis à mort le 22, à 10 heures du matin.

Les biens furent confisqués au profit de la nation (1).

Il fut jugé par le tribunal criminel le même jour que Redoulès. Tous deux furent également mis à mort, le 22 nivôse, à la même heure, c'est-à-dire à 10 heures.

CHAPITRE VI

Un tribunal de sang

L'instrument de la Terreur fut le tribunal révolutionnaire. Ce tribunal condamna à l'échafaud plusieurs Quercynois.

(1) Arch. nat., F 36 81; Arch. du Lot, L. 236; Nos 28, 29; Tribunal crim., vol. XVI, folios 38, 39; an II, C., No 1 à 8; Bull, de la Soc. Etudes, XXXV, P. 73.

Un tribunal criminel extraordinaire fut établi à Paris, le 10 mars 1793, mais il ne fut pas le seul tribunal révolutionnaire créé en France. Il y eut des tribunaux révolutionnaires à Nantes, à Brest, à Bordeaux ; il y eut des tribunaux criminels jugeant révolutionnairement et des commissions militaires ou autres.

Mais le tribunal institué à Paris le 10 mai est un tribunal unique. Il était établi à Paris et sa juridiction s'étendait à toute la France. De tous les points du pays, les délits contre-révolutionnaires devaient lui être déférés.

On le nomma tribunal révolutionnaire en vertu du décret du 8 brumaire an II (29 octobre 1793), bien que déjà tout au début de son institution, son président l'ait désigné de ce nom.

Institution du tribunal révolutionnaire.
Le rôle de Jean-Bon St-André

Dès le jour même de la mort de Louis XVI, il fut décrété que le Comité de sûreté générale serait renouvelé ; il ne devait comprendre que douze membres. Les membres élus furent ceux que présenta la Montagne.

Une enquête sur l'état de Paris fut organisée et des commissaires furent envoyés dans ce but dans les sections de la capitale.

Au nombre de ces commissaires était Jean-Bon Saint-André, ancien officier municipal de Montauban, qui avait été élu à la Convention au mois de septembre 1792.

Trois ou quatre sections avaient émis le vœu de l'établissement d'un tribunal révolutionnaire. Jean-Bon Saint-André porta ce vœu à la tribune de la Convention en disant :

« David et moi, nous nous sommes rendus à la section du Lou« vre. Nous avons remarqué la fermeté, le courage et le bon esprit « des citoyens. Ils ont juré de voler tous à la défense de la patrie; << mais, après avoir rempli ce devoir sacré, ils nous ont manifesté « des craintes sur les dangers de l'intérieur. Ils nous ont dit : « Tan« dis que nous allons combattre les ennemis du dehors, nous << demandons que la Convention punisse les traîtres et anéan<< tisse les intrigants du dedans. » Ils ont demandé enfin l'établis<< sement d'un tribunal qui punisse les contre-révolutionnaires et << les perturbateurs du repos public. >

Le député au Lot s'appropria ce vœu :

« Je convertis en motion, dit-il, la pétition qui vous est faite par << les sections et je demande que la Convention décrète le principe << c'est-à-dire l'établissement d'un tribunal révolutionnaire, et ren<< voie au Comité de législation pour présenter demain le mode « d'organisation de ce tribunal. »

La proposition de Jean-Bon fut soutenue par Carrier, mais elle fut combattue vigoureusement par Lanjuinais :

« Je propose, dit-il, un amendement à ce décret affreux, affreux << par les circonstances qui nous environnent, affreux par la viola<tion de tous les principes des droits de l'homme, affreux par << l'abominable irrégularité de la suppression de l'appel en matière « criminelle; je demande que ce soit au seul département de Paris << que s'étende cette calamité. »

La proposition fut combattue encore par Birotteau, Giradet et d'autres Girondins.

Mais le projet suivant fut adopté le 10 mars 1793.

« La Convention décrète l'établissement d'un tribunal criminel << extraordinaire, sans appel et sans recours en cassation, pour le << jugement de tous les traîtres conspirateurs et contre-révolution<< naires. »

La rédaction était de Levasseur.

La Convention décida qu'il y aurait des jurés, pris dans toute la France, nommés par l'Assemblée; ces jurés devaient délibérer à haute voix.

[ocr errors][merged small]

Le tribunal révolutionnaire acheva de s'organiser durant le mois de mars 1793.

La loi du 10 mars attribua à ce tribunal la connaissance de toute entreprise contre-révolutionnaire, de tout attentat contre la liberté, l'égalité, l'unité, l'indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, de tout complot tendant au rétablissement de la royauté ou à l'établissement « de toute autre autorité attentatoire à la liberté, à l'égalité et à la souveraineté du peuple ». Les prêtres réfractaires et les émigrés étaient compris dans ces diverses catégories.

« PreviousContinue »