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« Au reste, disait Lagasquie aux administrateurs du Lot, l'admi<<nistration du district vous a fait passer le 14 du courant la liste « de tous les pieux coquins reclus dans ladite maison et il vous est << aisé d'en connaître le nombre. Quant à leurs infirmités, vous « voyez que, d'après le texte de la loi, ils doivent s'adresser à vous << sans intermédiaire pour vous remettre les certificats qui les << constatent. Je finis en observant que cet objet ne vous prendra pas beaucoup de temps, puisque en vertu d'un arrêté du représen<< tant du peuple, Bô, vous avez déjà prononcé sur le sort des prêtres << reclus, et que si vous jugez votre première opération bien faite, vous n'avez plus qu'à vous occuper du très petit nombre qui s'est << remis depuis le décret du 22 floréal. Au reste, votre prudence et « votre patriotisme régleront à cet égard votre conduite et vos << mesures (1). »

Le 10 septembre 1794 (25 fructidor, an II), le directoire du Lot envoya au Comité de législation le procès-verbal d'un officier de santé constatant « l'état et la situation des ci-devant prêtres insermentés » reclus à Cahors.

En même temps, il le consulta sur le parti à prendre à leur égard. En présence de cette requête, le Comité de législation sollicita, le 12 brumaire, an III, l'avis de la commission des administrations civiles, Police et Tribunaux, qui s'empressa de le lui fournir, le 14 du même mois.

Le procès-verbal établi à Cahors et envoyé à Paris, qui constatait les infirmités des prêtres détenus dans la maison de réclusion, établissait trois classes d'ecclésiastiques reclus.

La première comprenait ceux qui avaient absolument paru << hors d'état d'être transportés ».

«

La seconde désignait ceux qui, réellement infirmes, n'avaient pas semblé cependant aux officiers de santé être dans l'impossibilité physique d'être déportés ».

Enfin la troisième faisait mention de quatre prêtres qui avaient présenté des certificats de maladie nullement confirmés par les officiers de santé de la maison de réclusion.

Le directoire du Lot avait exposé au Comité de législation son incertitude sur le point de savoir s'il devait ordonner la déportation des prêtres énoncés dans la deuxième et la troisième classe.

<< Nous lui marquons, écrivirent au Comité les membres de la << commission des administrations civiles, que notre opinion est

(1) Archives du Lot, L. 76, N° 10.

<< qu'il doit la prononcer à l'égard de tous ceux insermentés ou « réfractaires qui ne seraient pas reconnus infirmes au point de ne pouvoir être embarqués sans danger pour leur vie, ou d'être dans << l'impuissance par leurs incommodités de pourvoir par la suite à << leur subsistance.

«

« Parmi tous ces prêtres, il en est qui n'ont été ni fonctionnaires, « ni salariés, ni pensionnés. Le département du Lot doute qu'ils << soient dans le cas de la déportation ou de la réclusion. Pour lever << ses incertitudes..., nous lui envoyons copie de la lettre que vous « avez écrite à la Commission le 10 floréal dernier sur cette ques« tion et qui la décide affirmativement.

« Au sujet de Cayla, Vialatte, Francoual, et Gilibert, ils n'ont pas « été arrêtés comme prêtres insermentés, mais comme suspects. « Cayla fut dénoncé par des patriotes qui l'accusaient de fanatiser « le peuple. Après l'arrestation de Vialatte, il fut trouvé chez lui « des papiers contre-révolutionnaires que l'agent national du dis<< trict de Cahors envoya dans le temps au Comité de Sûreté géné«rale qui ne s'est pas prononcé.

« Les lois du 26 avril 1792, 21 avril 1793, et 29 vendémiaire << n'ordonnent pas la déportation ou la réclusion des prêtres asser<< mentés qui seraient dénoncés pour cause d'incivisme. Les quatre << individus dont nous venons de parler ont prêté le serment. Ils « paraissent par cette raison être jugés à l'instar des gens suspects. << Veuillez, citoyens représentants, nous faire part de la décision que « vous aurez rendue à leur sujet. Nous ne différerons pas de la << transmettre au département du Lot (1). '»

Le 19 brumaire an III, le Comité de législation répondit à cette lettre du 14 envoyée par la commission:

«Par votre lettre du 14 de ce mois, vous prétendez que les lois << du 26 août n'ordonnent pas la déportation ou la réclusion des < prêtres assermentés..... Vous êtes dans l'erreur. La loi du 29 et « 30 vendémiaire porte, article 12: « Les ecclésiastiques qui ont < prêté serment... seront embarqués sans délai... » Il est clair que << cet article doit être appliqué à tout ecclésiastique dont l'inci<< visme sera constaté. Vous voudrez bien rappeler ces dispositions au district de Cahors pour qu'il en fasse l'application s'il y a lieu << à l'égard des quatre prêtres dont il s'agit. »

Au nom de la commission des administrations civiles, Police et Tribunaux, le chargé provisoire Aumon annonça au Comité de légis

(1) Archives nationales, D. 111, 132.

lation, le 22 brumaire an III, qu'il avait rappelé au district de Cahors, conformément à ses vues, l'exécution obligatoire des dispositions de l'article 12 de la loi des 29 et, 30 vendémiaire an II (1).

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Le cautionnement en faveur des prêtres

Un arrêté du représentant Bô, du 30 germinal an II, permit aux administrations de district de laisser en liberté des prêtres dont des individus se porteraient garants.

Louis Caminel, ex-curé de Fages (Lauzès), âgé de plus de soixante ans, mis en réclusion, fut ainsi renvoyé chez lui le 1" prairial an II (20 mai 1794).

Le notaire Labarthe, Cayla, Moncoutié et Graulières se rendirent caution pour lui, en exécution de l'arrêté du représentant Bô, du 30 germinal.

Ces personnes avaient déclaré jouir d'une fortune de cent mille livres.

Le prêtre pouvait se retirer à Fages « pour y résider et y continuer à donner l'exemple de l'obéissance aux lois » (2).

Géraud Hérétié, originaire d'Ornhac, né en 1720, ancien vicaire de Cremps et ex-curé de Saint-Martin-de-Vers, ne demeura pas en réclusion.

pour cau

Sur sa demande, trois personnes (Joseph Hérétié, François Hérétié et Jean-François Salgues) se présentèrent devant le directoire du district de Cahors, le 11 floréal an II, 30 avril 1794, tionner en sa faveur en exécution du même arrêté de Bô. Ils déclarèrent jouir au moins d'une fortune de soixante mille livres et le directoire arrêta qu'il était permis à ce prêtre, àgé de soixante-quatorze ans, de se retirer dans sa famille (3).

Jean-Amans Nogaret, ancien curé de St-Médard (Catus), àgé de 78 ans, adressa au district de Cahors une pétition pour obtenir, selon l'arrêté du représentant Bô, la permission de rester à son domicile de St-Médard.

(1) Le 27 floréal an II, 16 mai 1794, la municipalité de St-Médard-de-Presque examina le cas d'une religieuse nommée Marguerite Marse qui aurait dû être recluse. Le corps municipal reconnut la religieuse « impotente et caduque et décida qu'il n'y avait pas lieu de la faire interner (Rapport au Préfet par M. V. Fourastié, 1909, pp. 108, 109).

(2) Archives du Lot, L. 315, No 178.

(3) Ibid., L. 315, No 124.

Il y avait eu un cautionnement en sa faveur, provenant de Raymond Bernard, Jean Raymond, Devès frères et de Thomas Tarayre, juge de paix du canton de Catus, tous munis d'un certificat de civisme et jouissant au moins d'une fortune de cent mille livres.

Le directoire du district donna, le 11 floréal, l'autorisation sollicitée de rester dans la commune de St-Médard, mais à la condition de se conformer aux lois de la République (1).

Le 24 floréal an II, 13 mai 1794, Joseph Davy, de Vers, et Bernard Bédué, de Montamel, se présentèrent au directoire du district de Cahors, sur la demande de Jean-Pierre Davy, ancien dominicain, âgé de plus de soixante ans, pour cautionner en sa faveur, en exécution de l'arrété de Bô du 30 germinal.

Ils déclarèrent jouir d'une fortune de cent mille livres.

Le directoire permit à Davy de se retirer au sein de sa famille, à Vers, pour y continuer à donner l'exemple de la soumission (2). Rayet, ancien curé constitutionnel de Montlauzun, âgé de plus de soixante ans, fut autorisé par le directoire du district de Lauzerte, le 26 floréal, 15 mai 1794, à se retirer là où il le jugea convenable (3).

CHAPITRE V

Les condamnations à mort

Pour un grand nombre, sous la Terreur, la vie fut pleine d'amertumes. On ne pouvait voyager sans un passeport. Les délateurs se rencontraient de toutes parts. On ne pouvait garder aucune lettre, aucun papier intime, tellement étaient nombreuses les perquisitions à domicile. La prudence commandait de tout brûler. Il fallait savoir se taire, ne rien laisser échapper dans l'intimité, si on voulait éviter l'arrestation, la prison et même l'échafaud.

La Terreur fut surtout l'époque des arrestations et des condamnations à mort.

De nombreux Quercynois furent exécutés. Etienne Labondie, ancien commissaire de la marine à Cahors, le fut le 23 décembre 1793; Armand-Louis de Goutaut Biron, le 31 décembre de la même année; Jacques de Godail, marquis de Cieurac, ancien maire de

(1) Archives du Lot, L. 315, No 123.

(2) Ibid., L. 315, N° 156.

(3) Ibid., L. 315, N° 161.

Montauban; Guillaume Lambert, le 27 juin 1794; Jean Filsac, secrétaire du département, et Jean-Nicolas Burgère, ancien notaire, juge à Cahors, le 20 mai 1794; Pierre-Michel Burgères, officier municipal de Cahors, le 21 avril 1794; les prêtres réfractaires Bergon, lazariste, et Jammes, curé de Belmont-Saint-Céré, le 29 avril de la même année. Il y eut d'autres exécutions de Quercynois, à Paris notamment.

Nous allons donner quelques détails sur certaines condamna

tions à mort.

Les hommes de la Convention terrorisèrent tous ceux qui voulurent les attaquer.

Ils envoyèrent à la mort de nombreuses personnes pour des raisons politiques. Mais, dans bien des cas, leurs victimes furent des prêtres, des religieux et religieuses et des laïques.

Les raisons purement politiques ou exclusivement religieuses ne furent pas les seules à faire monter des victimes sur l'échafaud. Des ecclésiastiques et des fidèles furent condamnés à la peine capitale pour des raisons politiques mêlées à des raisons religieuses.

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Non-prestation du premier serment selon la formule légale

1o Le vicaire de Belmont-Bretenoux, Jean-Louis Jammes. JeanLouis Jammes, vicaire de Belmont, était né à St-Céré. Il avait prêté le serment de fidélité à la Constitution, mais avec des réserves. Le 16 septembre 1792, la municipalité de Belmont lui délivra un passeport pour se rendre en Espagne.

Le prêtre était alors àgé de 51 ans. La pièce municipale porte comme renseignements le concernant : « taille de cinq pieds un pouce, cheveux et sourcils gris, yeux petits et un peu enfoncés, nez gros et un peu retroussé, bouche bien faite, menton rond et court, front grand et bien fait, visage large ».

L'ecclésiastique devait aller en Espagne, en passant par Toulouse, indique le passeport.

Jammes avait demandé ce passeport à la municipalité de sa commune en conformité à la loi du 26 août 1792 qui l'obligeait à sortir du royaume.

La municipalité de Belmont rendit hommage, dans cette circonstance, à l'attitude calme et paisible qu'avait observée l'ecclé

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