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décrets et autres pièces qui émanent de l'Assemblée nationale ». Un jour où ce prêtre s'était rendu à Vayssac « pour des affaires à traiter, tant avec le collecteur de la communauté qu'avec M. le curé », le 17 janvier 1791, alors que la communauté était rassemblée « pour prendre délibération tendant à réduire les rentes du ci-devant seigneur de Bruniquel », un certain Lauzet, officier municipal de Négrepelisse, le fit accuser de cette négligence par « tout ce qu'il put trouver de gens mal intentionnés ».

Le refus de chanter le Te Deum à l'occasion

de la publication de l'acte constitutionnel

Les prêtres réfractaires au serment de fidélité à la Constitution civile du clergé furent tout naturellement hostiles à l'acte constitutionnel. Et cela à cause des décrets que renfermait la Constitution incluant l'organisation civile du clergé.

Le 26 octobre 1791, le directoire du district de Lauzerte dénonça au directoire du département le fait d'un curé insermenté qui avait refusé de chanter le Te Deum à l'occasion de la publication de l'acte constitutionnel, accepté par le roi Louis XVI le 13 septembre précédent. Le directoire du département avait prescrit ce chant solennel dans les églises, en actions de gràces pour le fameux événement.

La municipalité de Saint-Amans de Cabremorte (1) avait transmis à l'abbé Arnaud Dandrieu (2), curé de la paroisse, appelé « un des plus fanatiques du district » par le directoire local, l'acte constitutionnel et l'arrêté du directoire du Lot prescrivant le chant du Te Deum. Mais l'ecclésiastique ne voulut accepter aucun des deux documents. Il refusa nettement de lire en chaire l'acte constitutionnel dont on lui demandait impérieusement de faire la lecture, et, de plus, de chanter le Te Deum.

Requis de garder le texte de l'acte constitutionnel, en vue de la lecture à l'église, Dandrieu le prit des mains du maire, qui était alors Boulzaguet, mais il le déchira publiquement à l'autel.

Le maire de Saint-Amans fit connaître aussitôt au district l'atti

(1) Localité située actuellement dans la commune de Lébreil.

(2) En 1795, Dandrieu était domicilié à Lebreil, d'où il était, croyons-nous, originaire.

tude du curé, qui déjà précédemment avait refusé de prêter le serment de fidélité à la Constitution du royaume. Le 26 octobre, le directoire du district révélait le fait au département dans une lettre où il disait notamment :

« Le curé, croyant que c'était au directoire à prononcer sur « son crime la peine qu'il mérite, s'est présenté pour la subir avec << la fermeté et le courage des anciens athlètes chrétiens. Nous avons « tâché de lui faire reconnaître la gravité d'un tel procédé, et de le « détourner d'un excès de fanatisme condamné par sa religion <«< même, mais il a été inébranlable comme un rocher et il a tou<«< jours protesté de sa résignation à la mort et de sa résolution à << souffrir les tourments les plus cruels.

<< Nous sentons parfaitement qu'il n'y eut jamais de cas qui <«< méritât plus la dénonciation aux tribunaux pour en être fait un exemple, mais nous avons senti aussi que les violences, les per<< sécutions et les tourments étaient l'aliment chéri du fanatisme et <«<le faisaient propager, et qu'au contraire, le mépris était le poison <«<le plus mortel contre ce monstre.

« Si Dandrieu est puni suivant la rigueur des lois, sa peine sera «< grande, mais Dandrieu, qui ne cherche que la palme du martyre, << fournira aux ennemis de la Constitution des armes bien redouta«bles qu'ils ne manqueront pas d'employer contre elle. Il pourra << faire des prosélytes, décider l'incertitude des uns et ébranler la « résolution des autres. Ainsi, MM., dans le conflit des grandes << raisons pour et des grandes raisons contre la dénonciation, nous <«< avons cru qu'il était de notre devoir de vous déférer avant tout << la connaissance du fait, pour que vous puissiez délibérer dans << votre sagesse le parti le plus convenable qu'il y a à prendre pour «<l'avantage de la tranquillité...; donnez-nous la résolution que vous aurez prise... Il est instant de supprimer cette parois(( se... (1) >>

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L'accusateur public, Boscus, du tribunal de Moissac, fit informer naturellement contre le prêtre Dandrieu, sur lequel pesaient de telles accusations touchant la soumission due aux ordres des autorités constituées. D'ailleurs, il y avait eu des dépositions de témoins qui avaient prouvé la vérité des faits. Un détail surtout aggravait le cas du curé de Saint-Amans à la place du Te Deum il avait récité le Miserere mei.

(1) Archives du Lot, no 50.

Le 7 janvier 1792, le procureur syndic du district de Lauzerte, Balmary, écrivit, en particulier, au sujet de la culpabilité de l'ecclésiastique au procureur général syndic :

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<< On lui avait présenté un imprimé intitulé: Arrêté du directoire « du département, qui n'était revêtu d'aucune signature authentique; il en fit la lecture en son particulier et il avait vu que cet << arrêté ordonnait de chanter le Te Deum. On lui avait toujours enseigné qu'une autorité temporelle ne pouvait point ordonner << des prières et il avait cru que cet arrêté était supposé. Il l'avait « déchiré comme contraire à la loi et aux préceptes divins... >>

Malgré cette rectification et la preuve faite par des témoins que Dandrieu n'avait pas déchiré l'acte constitutionnel, mais seulement l'arrêté du département, le tribunal du district de Moissac condamna le curé à un mois de détention dans une maison de correction, à 150 livres d'amende et à déclarer devant ses paroissiens qu'il avait déchiré méchamment l'arrêté du directoire ». Le jugement devait être imprimé et affiché (1).

CHAPITRE II

Le remplacement des prêtres réfractaires.
Expulsion de prêtres

et poursuites contre certains d'entre eux

Les curés, vicaires, professeurs, aumôniers d'hôpitaux, qui refusèrent de prêter le serment de fidélité à la Constitution du royaume étaient réputés avoir renoncé à leur office.

cas de

Il devait être pourvu à leur remplacement comme en vacance par démission. Mais, dans cette ancienne province du Quercy, il y eut beaucoup de prêtres insermentés. Il ne pouvait que manquer des prêtres assermentés pour les remplacer. Des titulaires réfractaires au serment durent,être maintenus.

Toutefois, dès qu'elles le purent, les administrations locales. firent partir les prêtres insermentés et mirent d'autres prêtres à leur place.

(1) Archives du Lot, L. 123; L. 124; L. 231, no 50,

Le cas du Curé Loudes et de son Vicaire Birac La Société des Amis de la Constitution de Saint-Céré adressa, le 17 mai 1791, une pétition au Directoire du district pour demander le départ du curé insermenté Jean-Pierre Loudes, qui, depuis le 26 octobre 1765, desservait la paroisse Sainte-Spérie, et du vicaire, également insermenté, Birac. Les membres de cette société demandaient le remplacement des deux ecclésiastiques par deux vicaires régents.

Le jour même, le 17, le district sollicita l'avis du corps municipal et, le lendemain, il se prononçait sur la pétition du club local.

A cette séance du 18 mai, le procureur syndic donna lecture de la lettre des Amis de la Constitution. Comme il en approuvait pleinement les termes, il flétrit, d'accord avec les hommes du club, l'activité déployée par les deux prêtres réfractaires dans la ville de Saint-Céré. Il se permit même de dire que ces ecclésiastiques avaient porté le scandale « à un point qu'on n'aurait pu l'imaginer ». « La confession, moyen de salut, est devenue, par leur organe impur, dit le procureur, un canal de vengeance pour eux, de division et de haine pour nos chers frères. (1) »

Le district décida de demander au directoire du département les deux vicaires régents reconnus utiles pour Saint-Céré.

La municipalité locale s'opposait au contraire au remplacement des deux insermentés. Elle alléguait, pour cela, la teneur même des décrets, de celui du 18 mars en particulier.

A la nouvelle de cette délibération municipale, les Amis de la Constitution adressèrent au district une seconde pétition relative au même objet et datée du 22 mai.

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Les membres du club disaient, dans cette dernière supplique :

« Le zèle vraiment patriotique avec lequel vous avez bien voulu prendre en considération notre pétition du 17 de ce mois semble nous promettre la même activité de votre part : la municipalité <«< de notre ville a enfin consenti à se rassembler pour nous donner une nouvelle preuve de son incivisme ou de sa tiédeur : elle n'ose <«< pas donner aux décrets leur véritable sens, et, pour colorer sa fai« blesse, elle appelle à son secours celui du 18 mars dont l'esprit << n'est sûrement pas de flatter dans leur opiniâtreté des prêtres « réfractaires à une loi que leur inconduite avait provoquée (2). »

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(1) Archives du Lot, L. 330, p. 102, 125 à 129.

(2) Archives du Lot, L. 121, no 20.

Le 24, le directoire du district décida de maintenir son point de vue contrairement à la délibération municipale. En persistant ainsi dans sa manière de voir du 18 mai, le directoire considérait :

1° que la municipalité de Saint-Céré gardait un profond silence sur les causes qui avaient déterminé les vrais Amis de la Constitution à demander deux vicaires en remplacement des réfractaires de cette ville;

2° que, pour pallier cette conduite, «< aussi coupable que pernicieuse au bien et à la tranquillité publique », elle feignait de s'étayer sur les lois de l'Etat, en leur donnant « une fausse et ridicule interprétation »> (1).

Quelques jours plus tard, le 31 mai, le procureur de la commune de Saint-Céré manifestait au Directoire du Lot «son alarme » au sujet du déplacement du curé. Il protestait contre l'intervention des Amis de la Constitution, insistant sur ce point qu'ils n'étaient pas qualifiés pour donner leur avis dans une question locale aussi délicate, vu qu'il y avait parmi eux deux étrangers.

D'après lui, on ne pouvait reprocher au curé de Saint-Céré et à son vicaire, que le refus de serment.

<< Mais ils ne l'ont refusé, disait le procureur de la commune, << que parce qu'ils ont cru ne pouvoir le prêter et non par aucun

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esprit de révolte envers les décrets. Je suis d'autant plus fondé à «le croire ainsi qu'ils n'ont cessé, dans l'exercice de leurs fonc«<tions et dans toutes les occasions, de porter les esprits à la paix et à l'obéissance qui est due aux autorités légitimes.

<< Sans entrer dans un plus grand détail nous avons lieu de croire <«< que vous n'accueillerez pas cette pétition qui me paraît peu <«< conforme aux vues de l'Assemblée nationale ainsi qu'à ses décrets <«< parce que nous jouissons encore de la paix et tranquillité publi«que, qu'un changement extraordinaire altérerait peut-être, et vous << êtes trop sages et prudents pour ne pas prévenir tout ce qui pour« rait la troubler (2). »

La lettre du procureur de la commune de Saint-Céré n'aboutit à aucun heureux résultat.

Un constitutionnel, Etienne Bousquet, vicaire assermenté du Puy, à Figeac, fut nommé le 17 juin par M. Danglars, en qualité de vicaire régent, pour remplacer le curé Loudes.

(1) Archives du Lot, L. 330, p. 125 à 129.

(2) Archives du Lot, L. 230, no 86.

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