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1793, la convention fit détruire les sépultures royales de Saint-Denis. Les ossemens des monarques

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» parmi la fange jusqu'auprès d'une potence qui avoit été placée à sa suasion au commencement du Pont-Neuf. On » traîna devant lui son linceul, qui n'était que d'une toile » de chanvre, et sa chemise après : ils le pendirent à cette » potence, et l'un de la troupe fit les mêmes actions sur son » corps attaché, que l'exécuteur de la haute justice fait sur >> ceux qu'il pend. On lui coupa les parties vergogneuses, » les oreilles et le nez, puis on le dépendit. Tous ceux qui passoient par-devant ce spectacle étoient maltraités s'ils » ne crioient vive le roi! comme faisoit cette multitude; » quelques personnes se trouvèrent en danger pour ne l'a» voir pas fait aussitôt qu'il leur avoit été enjoint. Ce cada» vre ainsi mutilé et démembré fut mené devant la statue » équestre de Henri-le-Grand, d'heureuse et respectable » mémoire, où on alluma du feu dans lequel on le flamba. >> De là, pour continuer ses obsèques et funérailles, on le >> traîna dans le faubourg Saint-Germain, où on lui fit faire » amende honorable par un protocole qui parloit pour lui, >> devant l'hôtel de Monsieur le prince. Chacun fait des ac» clamations sur lui et le maudit; et là où cette multitude >> fait pause, l'air retentit de vive le roi! Chacun des pas» sans jette des pierres sur cette charogne désanimée, et de » la boue; elle est battue, exécrée et maudite. Elle est ra>> menée devant son logis, joignant le Louvre, où on lui » fait pareils honneurs qu'au faubourg Saint-Germain; de » là on la promène par toutes les places publiques et par >> les rues de la ville: ceux qui assistent à ce remarquable » convoi ont épées et bâtons, portent coterets, fagots et » boltes de paille pour le faire brûler. Pour ses trophées et » en mémoire des victoires qu'il avait remportées en ses ba>> tailles imaginaires, étoient devant lui portés des bouchons »ou mays de taverne, des enseignes de brasseries, et l'un » de ses témoins dans une cage. On vient à la Grève, où » sont ordinairement punis les criminels de lèse-majesté ;

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furent jetés, sans pompe et sans bonneur, dans une fosse creusée à cet effet, et mêlés avec les squelettes des derniers de leurs sujets. Les bons et les mauvais princes, les héros et les chastes reines, tous furent confondus dans cette proscription qui les frappait dans le sein même de la mort. PhilippeAuguste et Charles IX, Louis XI et Henri IV, furent précipités sans distinction. Duguesclin même ne fut pas respecté, et, dit un grand écrivain : « Le premier monarque que les envoyés de la justice >> rencontrèrent fut ce Louis si fameux par l'obéis»sance que les nations lui portaient; il était en>> core tout entier dans son cercueil. En vain, pour » défendre son trône, il parut se lever avec la majesté de son siècle, et une arrière-garde de huit » siècles de rois; en vain son geste menaçant épou>> vante les ennemis des morts, lorsque précipité » dans une fosse commune, il tomba sur le sein » de Marie de Médicis, tout fut détruit.... Les petits enfans se sont joués avec les os des puissans » monarques. Turenne seul échappa, par une espèce de caprice, à cette confusion sacrilége. Les cendres de ce grand capitaine furent déposées au cabinet d'histoire naturelle. Voy. CADAVRE, TOм

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BEAUX.

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EXIL. Chez les Romains le mot exil, exilium, si

» là on brûle une partie de ce qui restait de ce colosse d'orgueil et de présomption, une partie est jetée dans la rivière, et l'autre, à demi havie et brûlée, est traînée, avec » irrision de tout le peuple, à Monfaucon. Voilà le beau mau» solée, les obsèques et funérailles de très-illustre Coyon>>> Conchino-Conchini.

gnifiait une interdiction ou exclusion de l'eau et du feu, dont la conséquence naturelle était, que la personne ainsi condamnée était obligée d'aller vivre dans un autre pays. L'exil n'était pas, à proprement parler, un châtiment, mais une espèce de refuge et d'abri contre des châtimens plus rigoureux : Exilium non esse supplicium, sed perfugium portusque supplicii. Ciceron, pro Cacin. Il n'y avait point chez les Romains de crime qu'on punît par l'exil comme chez les autres nations; mais l'exil était une espèce d'abri volontaire contre les chaînes, l'ignominie, la faim, etc. Le coupable s'exilait quelquefois lui-même pour prévenir la sentence qu'on allait prononcer contre lui. La condition de l'exilé n'avait alors rien de flétrissant, il ne perdait point son rang de sénateur, il pouvait se réfugier partout où il le jugeait à propos, au lieu que la prononciation de la sentence le dépouillait de sa dignité et défendait à qui que ce fût de le recevoir dans tout l'espace compris par la loi de l'interdiction. L'exilé ne pouvait, dans ce cas, faire de testament, ni recevoir d'héritage, ni remplir aucune des fonctions qui dépendent du droit civil; cependant il conservait la liberté et le privilége du droit des gens. On ne lui prescrivait aucun lieu, mais il avait la liberté de choisir celui qu'il trouvait plus à son gré Facultatem reo esse datam, dit Polybe, exsilii suo arbitratu diligendi. Le faste des Romains s'étalait jusque dans le départ des exilés : les plus opulens sortaient de Rome avec toute la magnificence et l'appareil d'un triomphe. Senèque se plaint de cet excès: Eo tempore, prolapsa est luxuria, ut ma

jus viaticum exsulum fit, quàm olim patrimonium divitum. Auguste l'avait déjà réprimé par un édit qui défendait aux exilés de se faire suivre par plus de vingt, tant esclaves qu'affranchis, et d'emporter plus de 500,000 nummes. L'exil était, parmi les Athéniens, une peine très-rude, car il était défendu de recevoir et de donner retraite aux exilés, sous peine de l'exil.-Chez les modernes, un exilé est un homme chassé du lieu de son domicile, ou contraint d'en sortir, mais sans note d'infamie. Quelquefois on prescrit à un exilé le lieu où il doit demeurer pendant le temps de son exil. — L'exil est une sorte de bannissement; mais le bannissement ne se dit que des condamnations prononcées par les tribunaux, au lieu que l'exil est une peine imposée par un ordre de l'autorité : l'un vous chasse ignominieusement de votre patrie et de votre domicile; l'autre vous en éloigne sans déshonneur. Le bannissement est une peine infamante, l'exil une disgrâce. Les gouvernemens absolus continuent de faire usage de l'exil. A la Chine, un exilé est sûr, avant son départ, de recevoir un nombre de coups proportionné à son crime. Toutefois, à la Chine comme au Japon, l'exil est sculement infligé aux grands.-En Russie, on exile en Sibérie pour différens motifs; cet exil équivaut presque à un arrêt de mort. Une fois confiné sous ce climat glacé, l'autorité ferme d'abord l'oreille à toutes vos plaintes; bientôt elle finit par vous oublier, et alors comment trouver un ami, un protecteur qui vous arrache à cet affreux séjour? On peut ranger en quatre classes les exilés en Sibérie.

Dans la première sont les personnes reconnues pour criminelles par la justice, et suivant les lois : leur arrêt a été confirmé par le sénat de SaintPétersbourg. Ces coupables sont, outre la peine de l'exil, condamnés à travailler aux mines de Nerstschinski; ils font la route à pied et enchaînés. Leurs souffrances sont mille fois plus cruelles que la mort : ils ont ordinairement reçu le knout avant leur départ, et leurs narines ont été fendues. Dans la deuxième classe, sont les personnes reconnues également coupables par la justice suivant les lois, et dont l'arrêt a été confirmé par le sénat de Saint-Pétersbourg; mais leur crime étant moins horrible, elles sont exilées, inscrites en Sibérie comme cultivateurs, reçoivent un nom de paysan, et sont obligées de travailler à la terre. On voit aussi parmi elles beaucoup de nez fendus. Ces coupables peuvent, s'ils sont laborieux, gagner assez d'argent pour adoucir leur sort et se mettre à même de supporter agréablement leur captivité; cette punition les contraignant au travail, est dans le cas de leur donner des remords et de les ramener à la vertu.- La troisième classe est composée de gens qui ont été condamnés, suivant les lois, à l'exil purement et simplement, sans aucune autre circonstance afflictive et déshonorante. S'ils sont nobles, ils ne sont pas déchus de leurs titres à cause de ce châtiment; il leur est permis de vivre sans gêne dans le lieu qui leur est assigné, de faire venir l'argent qui leur est nécessaire : lorsqu'ils sont pauvres, ils reçoivent de la couronne depuis vingt jusqu'à trente kopekes par jour, et quelquefois

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