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By my life, this is my Lady's hand; there be her very C's, her U's and her T's, and thus makes she her great P's. It is, in contempt of question, her hand (1).

SHAKSPEARE, Twelfth Night.

J'avais pu croire fermé le débat ouvert sur l'authenticité de quelques-unes des lettres de Marie-Antoinette imprimées dans mon tome premier. Après la réponse que j'avais faite en tête de mon troisième volume, il me semblait que j'avais acquis le droit de garder enfin le silence et de rester dans un repos qui m'est doux et nécessaire à l'âge de la retraite. Mais on a répliqué avec une ardeur, avec un luxe de détails critiques et agressifs, qui me forcent à reprendre en sous-œuvre une dernière réponse. Ç'aurait été chose faite dès longtemps, si le factum allemand ne fût tombé chez moi au milieu d'une douloureuse maladie qui, depuis tantôt six mois, m'a interdit

(1) Sur ma vie, ceci est bien l'écriture de mylady; voilà bien ses C, ses U, ses T. C'est bien ainsi qu'elle fait ses grandes lettres P. C'est assurément, sans conteste possible, sa propre main.

SHAKSPEARE, Douzième Nuit.

TOME IV.

tout travail. C'est ainsi que depuis ce long espace de temps, le présent volume, intégralement imprimé et tiré pour le texte, a dú attendre, faute de préface, sa mise au jour. Je demande aujourd'hui pardon à mes Lecteurs de leur faire perdre encore par cette interminable polémique un temps que j'aurais mieux employé pour eux et pour moi à joindre des documents historiques nouveaux à ceux qu'ils ont accueillis déjà avec tant d'intérêt et de bienveillance. Que le sillon opiniâtrément suivi dans cette discussion par M. de Sybel, sillon très-droit à son sens, mais coup sûr très-étroit, lui paraisse la seule grande voie de la critique, il est dans son rôle; mais il a mauvaise grâce à se révolter devant la contradiction et à s'en prendre, comme il le fait, à la bonne foi de son antagoniste. Le diminuer est se diminuer soi-même.

à

C'est un des priviléges que s'arroge trop souvent la critique d'affecter un ton de supériorité envers ses adversaires, de les clouer devant elle sur la sellette en accusés, sans se soucier des égards que l'on se doit entre gens civilisés. Et que l'on s'étonne que ma réponse ait eu quelque vivacité! A qui la faute? Qui donc a été l'agresseur? Ne dirait-on pas que le critique ait attaché ses doutes avec des nœuds bleu de ciel et roses empruntés à la houlette de M. de Florian? Oh! que non pas! il s'est armé de la fronde, et ce n'est pas défaut de bon vouloir s'il n'a pas terrassé son ennemi. Par exemple, négligeant d'observer que ma publication n'en est pas encore arrivée à la date qui me permettra d'épuiser les documents que Monseigneur l'Archiduc Albert d'Autriche m'a autorisé à copier dans ses riches archives, l'adversaire dit carrément que je n'ai pas su les recueillir. « N'est-il pas vraiment fâcheux, surtout pour les écrivains français curieux de la vérité, ajoute-t-il, que M. F. de C.., en face des trésors els plus précieux et les plus rares, et pouvant y puiser

librement, se contente d'y prendre, au petit bonheur, une poignée de raretés pour son cabinet d'antiquailles, et bourre avec cela ses volumes d'un tas de papiers sans intérêt ou apocryphes? » Quelle critique! et quel langage! Comparez ce ton avec celui de la Revue d'Édimbourg, qui a fait aussi la critique de mon livre, mais avec une courtoisie constante du meilleur monde, et qui pour cela n'a exclu ni la vigueur ni l'indépendance de l'argumentation.

Un journal honorable et accrédité vous attaquera, il paraîtra très-simple de lui répondre. Quelle que soit la modération que vous vous efforcerez d'apporter dans la discussion, par estime pour le talent et le caractère du rédacteur, il est à peu près infaillible qu'elle finira par dégénérer en querelle personnelle. On verra des injures où vous n'aurez voulu introduire qu'un argument ou une innocente allusion littéraire.

Une autre feuille procédera brutalement, sans provocation, par personnalités, et vous harcèlera de rudesses gratuites. Il y a pis encore; je ne sais quelles natures jalouses et tracassières qui reviennent sans cesse à la charge, qui ne rachètent leur infériorité que par un surcroît de bruit et d'agitation, s'ingénieront souterrainement à l'insulte et à la calomnie, en lettres anonymes, en entrefilets anonymes également, glissés dans les journaux de Paris et de l'étranger, pour tenter d'envenimer l'opinion. Cette coterie a même été dans ses excès jusqu'à attirer des communiqués officiels aux journaux dont elle a trompé la religion. Mais quoi! calomniez! calomniez! il en restera toujours quelque chose! Triste cortége d'un labeur consciencieux dont, ce semble, l'approbation de tous les bons esprits devait être la récompense.

Et ici, je n'ai pas besoin de le dire, la remarque ne saurait s'appliquer à M. de Sybel, ni à M. Schérer, ni à M. Geffroy, tous adversaires qui du moins signent leurs

attaques. Toutefois, je rencontre avec regret dans le travail du premier telle àpreté de paroles, telles insinuations malveillantes qu'il eût été plus digne de sa position littéraire de ne point se permettre. Que doit-il chercher ? que cherche-t-il en définitive, et que cherché-je moi-même ? La vérité sur un point historique, jusqu'ici trop bruyamment discuté. La vérité est comme un flambeau que les uns cherchent à allumer, que les autres s'efforcent à éteindre. Eh bien, travaillons à l'allumer de concert. Étudions en honnétes gens la question, pièces sur table, sans préoccupations, sans passion, aigreur, arguties ni voies de fait oratoires. Le public, seul vrai juge en dernier ressort dans ces matières, décidera. C'est à son arbitrage que nous nous en rapporterons. Et si enfin les lettres contestées sont, après examen contradictoire impartial, condamnées, jetons-les au feu, et qu'il n'en soit plus parlé.

I

Circonscrivons d'abord le débat. Qu'il y ait quinze ou vingt lettres suspectées dans le nombre de quinze cents à deux mille que j'ai données ou que je réserve au public, je l'ai déjà dit : ces lettres, tout historiques qu'elles soient et rentrant dans l'ensemble des documents, n'ont pas un intérêt assez marqué pour faire faute essentielle dans mon recueil, si elles n'y existaient pas. Elles en sont de tout point les moins importantes. Dans tous les cas, il eût été par trop insensé de mêler de gaieté de cœur à une masse de documents précieux, tirés d'archives publiques, de cartulaires privés, de collections connues, le ragoût de pièces fausses. A quoi bon? Que si encore ces lettres tendaient à introduire violemment dans la biographie des

faits importants, extraordinaires, propres à changer des physionomies consacrées, à exalter ou à diminuer perfidement tels ou tels caractères historiques, je comprendrais jusqu'à un certain point la virulence de l'attaque et l'acharnement froid qui la fait poursuivre. Mais non, ces lettres ont pour elles la vérité morale, elles peignent la Reine Marie-Antoinette comme les traditions nous l'ont faite. La preuve qu'elles ne contiennent pas uniquement, comme on l'a prétendu, un vain et prétentieux bavardage et qu'elles offrent un caractère historique, c'est que personne en France ni en Angleterre, personne même en Allemagne, avant la publication de M. d'Arneth, avant la critique de M. de Sybel, ne les a attaquées. A qui fera-t-on croire que, controuvées, elles eussent trompé les critiques français et anglais, si habiles, si merveilleusement avisés, qui connaissent si bien dans ses moindres détails le siècle de Louis XVI, percé à jour par tant de Mémoires et d'écrits multipliés? Si la non-authenticité des pièces discutées m'eût été démontrée, et certes j'ai été au-devant de la démonstration, aurais-je obstinément laissé debout des lambeaux frelatés à côté de pièces irrécusables? Il est aussi déraisonnable que gratuitement désobligeant d'insinuer qu'en tout cela « je ne sais voir que les intérêts de ma collection et de ma réputation de connaisseur. » La question est plus haut, et je subordonne sans réserve, suivant l'expression de M. de Sybel lui-même, mes goûts et un vain amour-propre au pur intérêt de la vérité.

Tout homme est faillible, je le sais, et le plus habile peut être trompé. « Les curieux sont aussi des amoureux, comme me l'écrivait le plus éminent de nos critiques, et les amoureux peuvent avoir leurs illusions. » Mais pour ne pas être des « amoureux » les adversaires sont-ils donc infaillibles? « Les lettres en ques

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