Page images
PDF
EPUB

tion, que je ne prends pas le taureau par les cornes. En vérité, tout cela est-il bien sérieux? Qui ne sait d'ailleurs que l'agression est autrement facile que la défense? L'attaque, pour peu qu'elle soit spécieuse et piquante, la malice publique s'en amuse. La défense, qui est forcée d'être longue pour dérouler par le menu l'écheveau des détails, pour arracher une à une les ailes de guêpe de la chicane, fatigue, est niée, ou, la plupart du temps, n'est pas lue.

Un critique bienveillant avait exprimé le regret que je me fusse borné à renseigner d'une manière générale, au début de mon premier volume, sur les sources où j'avais puisé mes lettres, et que je n'en eusse pas indiqué l'origine au bas de chacune d'elles ; j'en étais alors au milieu de l'im-pression du tome second de mon recueil; je commençai, dès ce moment, à donner ces indications, et, dans la préface du troisième volume, je fis connaitre qu'en un second tirage des deux premiers, j'avais partout satisfait à cette juste exigence. Il est bizarre, mais il est vrai qu'en sa réplique, l'écrivain allemand a eu le courage d'écrire que ce second tirage, « s'il existe réellement, n'a pas été livré à la circulation, et qu'après d'assez longues recherches, son libraire lui a répondu qu'un exemplaire en était introuvable. » Introuvable! quand deux mille exemplaires venaient d'en étre tirés et livrés au commerce, quand il n'en restait plus d'autres chez mon éditeur à qui la question n'avait pas été faite, bien qu'il fût le premier à qui l'on eût dù s'adresser. J'en demande pardon à l'adversaire, mais l'étrangeté par trop puérile de l'argument le dispute à la burlesque naïveté du libraire, si tant est que l'assertion ne soit pas une pure gaieté de M. de Sybel. Le plus curieux, c'est qu'un professeur français, si bien au courant des coutumes de la librairie parisienne, se fait ici l'écho du professeur prussien, et qu'il argumente ensuite

sur des différences entre le tirage primitif et le nouveau, qu'apparemment il avait réussi à découvrir dans les raretés de deux mille exemplaires ajoutés aux trois mille du premier tirage épuisé.

Et encore ces imperceptibles différences étaient-elles bien dignes de l'attention de la critique? Assurément non. C'était d'abord la rectification de la signature des deux premières lettres, signées par négligence, au premier tirage, Marie-Antoinette, à cause de la dénomination vulgaire, et qu'on eût du signer seulement du second nom, comme aux originaux. Rien de fixe en effet dans la signature de cette princesse, qui signait même parfois, non plus MarieAntoinette-Josèphe-Jeanne, comme sur son acte de mariage; non plus Marie-Antoinette, comme depuis ce mariage, ou bien Antoinette tout court, comme dans beaucoup de ses lettres jusqu'en 1780, mais Antoine, comme cela résulte d'une lettre d'elle, non autographe, d'avril 1770, à sa sœur l'Archiduchesse Amélie, Duchesse de Parme, lettre qui existe aux Archives royales de Parme, et dont j'ai fait relever un fac simile (1). C'était ensuite le rétablissement du vrai texte de quelques lettres de Madame Élisabeth imprimées d'abord sur un cahier de copies dont m'a

(1) Il parait qu'à la cour de Marie-Thérèse on était dans l'habitude de désigner la jeune Archiduchesse Marie-Antoinette sous le nom de Madame Antoine. C'est ainsi que l'appelle l'abbé de Vermond dans des lettres de Schönbrunn, juin et octobre 1769 (Correspondance de Marie-Thérèse et de Marie-Antoinette, publiée par M. d'Arneth, seconde édition, p. 356 et 358).

Voici sa lettre à la duchesse de Parme :

« Madame ma très-chère Sœur, j'ai reçu hier, au pied des autels, la bénédiction sacerdotale de mon mariage à monsieur le Dauphin, que, par procuration, l'archiduc Ferdinand, mon frère, a représenté dans cette cérémonie. J'ose espérer de l'amitié de Votre Altesse Royale qu'Elle voudra bien prendre quelque part à cet événement, qui m'intéresse aussi essentiellement, et je crois, moyennant cela, ne pas devoir tarder à le lui apprendre. Je la prie d'en agréer la notification, et je lui demande avec

vait gratifié, à Vienne, le comte Henry de Bombelles, gouverneur des Archiducs. Le comte tenait dans ses mains les originaux en me remettant, à l'ambassade de France, ces copies que je devais croire littérales, mais qui malheureusement avaient été tronquées comme la correspondance publiée par Ferrand. Quand on reçoit une chaîne d'or en présent, il ne faut pas, comme l'Arétin, commettre l'impertinence de la peser; j'aurais eu mauvaise grâce à demander de collationner hic et nunc ces lettres. Mais j'avais

instance la continuation de son amitié, que je tâcherai toujours de mériter le tendre et sincère attachement avec lequel je ne cesserai jamais

par d'être,

» A Vienne, le 20 avril 1770.

» De Votre Altesse Royale,

» Très affectionnée et tendre Sœur,

» ANTOINE.

Je vous suis très-obligée pour le beau présent que vous m'avez envoyé; il me fait grand plaisir.

Ce qu'il y a de curieux, c'est que cette lettre, qui est évidemment originale, puisqu'elle porte le cachet de Marie-Antoinette, n'est pas même signée d'elle. La signature est de la même main que le corps de l'épître, d'une calligraphie assez nette, positivement française, mais non de chancellerie. Nous verrons plus loin quelle était cette main. Il s'est retrouvé aux mêmes Archives de Parme deux autres lettres de Marie-Antoinette, signées de ses deux noms, mais purement en copies, adressées toutes deux de Versailles, le 10 juin 1783, l'une à Ma Sœur et Nièce la princesse Caroline - Marie-Thérèse, pour la charger de la représenter à la cérémonie du baptême d'un prince dont vient d'accoucher la duchesse de Parme et de Plaisance; l'autre pour notifier à Mon Frère, Cousin et Beau-Frère l'Infant d'Espagne, duc de Parme et de Plaisance, la procuration que donne la Reine à la princesse Caroline-Marie-Thérèse pour la représenter à la cérémonie.

Il n'est pas surprenant que Marie-Antoinette ait peu écrit à sa sœur Amélie. Cette dernière était un esprit bizarre et capricieux qui tout à coup et sans motif cessa d'écrire à sa famille. Aussi, quand des notifications d'événements domestiques arrivèrent d'elle à la Reine, Louis XVI avait commencé par défendre à Marie-Antoinette de répondre. C'est pour se réconcilier que la Duchesse avait demandé à sa sœur de tenir un de ses enfants sur les fonts de baptême. Elle en avait usé de même précédemment avec la cour de Madrid.

pu, depuis, les rectifier et compléter, mot à mot, à Paris, au moyen des autographes entrés dans les archives de famille de M. le marquis de Castéja; et j'en avais avisé le lecteur, page vi de la préface de mon troisième volume. Le fait était acquis à la notoriété. A quoi bon alors relever ce détail? Il est au moins singulier qu'on prétende me faire un reproche de la bonne foi avec laquelle j'ai tenu compte, dans un second tirage, des critiques qu'avait provoquées le premier. Pour qui donc mes adversaires écrivent-ils, s'ils sont si étonnés de l'accueil fait à leurs observations?

:

Autre chicane. M. le comte de Reiset avait découvert vingt-sept lettres de Marie-Antoinette à la Landgravine de Hesse-Darmstadt, Louise. Il était sur le point de les mettre sous presse pour son propre compte, quand il me les céda gracieusement pour les intercaler dans mon grand recueil, sous la simple condition de les réunir en une plaquette séparée, et de lui en faire tirer une cinquantaine d'exemplaires pour distribution privée. Sa distribution faite, il en désira un second tirage; il n'était plus temps le texte était décomposé. L'éditeur s'offrit à tirer une édition nouvelle, sans autre compensation que d'être autorisé à mettre en vente un petit nombre d'exemplaires. M. de Reiset et moi n'y vimes aucune objection. Rien là' que de courtois de part et d'autre. Rien là qu'il fût bien nécessaire de dire au public. Rien non plus qui rentrat dans le domaine de la critique historique ou littéraire. Eh bien, le censeur allemand s'arrête devant ce détail : il prend la peine de rapprocher des dates; il épilogue, il glose, et trouve là « un mystère qu'il ne se charge pas d'expliquer! »

Et puis, qu'est-ce encore? J'imprime quelques lettres comme tirées d'un cahier de lettres de l'Archiduchesse Dauphine de France, existant aux Archives impériales de Vienne; les adversaires protestent que c'est un cahier supposé, qu'il n'existe rien de tel aux Archives de Cour

et d'État. C'est essayer étrangement de faire prendre le change et jouer sur les mots. A coup sûr, une semblable objection ne saurait émaner des Archives elles-mêmes. En effet, au premier rappel que je viens de souligner, j'ai ajouté page 5 de mon premier volume: Ce cahier, copié avec exactitude et par numéro, a été malheureusement négligé. On peut juger par la pagination qu'il a de trèsnombreuses lacunes. Quoi! je n'aurais pu dire un cahier, parce que ce n'était plus qu'un cahier défait, en un mot des débris de cahier! On m'a dit aux Archives impériales, à l'époque où j'ai fait mes copies, que c'étaient là les derniers résidus recueillis dans les archives particulières de l'Impératrice Marie-Thérèse. Et de fait, ces feuilles tantôt tenant entre elles, tantôt détachées et volantes, cotées de numéros interrompus, portaient en elles-mêmes le cachet d'authenticité de leur provenance. Cessons donc toutes ces mauvaises querelles, et encore une fois ne jouons pas sur les mots pour faire du bel esprit critique. Ce que j'ai avancé, je le répète et l'affirme. Si ce n'était pas là ce qu'on peut appeler un cahier, qu'étaient-ce donc que ces chiffons autrefois unis et cousus entre eux?

Nouvelle chicane. Une lettre écrite, le 15 mai 1771, par Marie-Antoinette à sa sœur des Pays-Bas, répond dans un post-scriptum ces mots : « A propos, ces princes de Suède dont vous me parlez sont de l'histoire ancienne. Le prince royal passait pour un homme de grande intelligence, qui avait beaucoup étudié. » Alors, on s'écrie: « La lettre est fausse, car, à cette époque, Gustave III n'était plus prince royal, il était roi depuis le 14 février. En quoi cette vérité biographique dépose-t-elle contre l'authenticité de la lettre? Tout le monde sait que le Roi Adolphe-Frédéric de Suède avait envoyé son fils Gustave (depuis Gustave III) en France, dans le but de se consulter avec notre cabinet sur la marche à suivre pour

« PreviousContinue »