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Mais quelle base légale prendra-t-on pour fixer les heures. du coucher et du lever du soleil?

Suivant les uns, l'art. 1037, C. proc. civ., doit être appliqué; en voici les dispositions : « Aucune signification ni exécution ne pourra être faite depuis le 1er octobre jusqu'au 31 mars, avant six heures du matin et après six heures du soir, et depuis le 1er avril jusqu'au 30 septembre avant quatre heures du matin et après neuf heures du soir. »>

Dans ce système l'éclairage ne serait obligatoire du 1° octobre au 31 mars, que de six heures du soir à six heures du matin, et du 1er avril au 30 septembre que de neuf heures du soir à quatre heures du matin.

C'est ce système que nous adoptons, et cela pour éviter les divergences d'appréciations qui se produisent chez ceux qui repoussent l'application de l'art. 1037.

Tantôt, en effet, ils restent dans le vague et l'indéfini, comme Ortolan qui, dans les Eléments de droit pénal, 1, p. 356, s'exprime ainsi : « La loi pénale peut bien avoir, en certaines circonstances, quelques raisons pour s'attacher au phénomène du lever et du coucher du soleil, et pour en faire son point de comparaison relativement à l'existence des faits qu'elle veut réprimer; mais hors ces cas et ces motifs particuliers, le phénomène le plus généralement important est celui du jour ou de la nuit proprement dits, c'est-à-dire celui de la présence ou de l'absence totale des clartés solaires à notre horizon; ce sont les heures d'ombre et d'obscurité qui ont besoin d'être placées sous une protection plus énergique de la loi, c'est en ce sens que le juge doit interpréter les expressions de jour et de nuit et qu'il doit apprécier lui-même, en chaque cause, suivant les faits démontrés, si, au moment du délit, il était nuit ou jour, dans l'acception véritable et vulgaire de ces mots. >>

Tantôt, ils font commencer la nuit après le crépuscule du soir et après le crépuscule du matin. Tantôt, ils la font commencer une demi-heure après le coucher du soleil et finir une demi-heure avant son lever. Tantôt, ils se guident sur l'heure astronomique du lever et du coucher du soleil.

« Demandez au premier venu, dit notre collègue Guibal, Nomencl. des contrav., p. 164, quand commence la nuit et quand elle finit. Il vous répondra qu'elle commence quand il ne fait plus suffisamment jour, abstraction faite du lever et du coucher du soleil; nous avons, en effet, avant le coucher, le crépuscule, et avant le lever, l'aurore, qui répandent encore,

pendant un certain temps, une lumière à peu près égale à celle que nous donne le soleil sur l'horizon. Aussi la jurisprudence des Cours et des Tribunaux a-t-elle varié. Nous nous rappelons un arrêt, de nous ne savons plus quelle Cour, qui s'est livrée à des calculs de minutes, pour établir combien de temps le jour durait encore après le coucher du soleil, et combien de temps le jour commençait avant son lever. Calculs que doit nécessairement déranger l'état de l'atmosphère, et qui, bons dans un lieu, ne le sont pas dans un autre, au même instant; en tous cas, c'est là de l'arbitraire. »

Nous persistons donc dans cette opinion que la nuit légale est la seule dont le juge doit rechercher la durée. Et dans la pratique cette interprétation ne présentera presque jamais d'inconvénients; car, dans leurs arrêtés, les maires ont généralement le soin de fixer de quelle heure à quelle autre l'éclairage est imposé.

93.-Des habitants peuvent avoir traité avec des entrepreneurs pour l'éclairage de leurs maisons, boutiques, etc.; l'autorité municipale, de son côté, peut avoir confié l'éclairage de la commune à des adjudicataires. Quid, en cas d'infraction aux règlements rendus en vertu de l'art. 471, § 3? Qui de l'habitant ou de l'entrepreneur est passible de la peine encourue? L'adjudicataire est-il pénalement responsable de l'inexécution de son contrat?

Ces questions se présentent plus fréquemment en matière de nettoyage qu'en matière d'éclairage. Elles sont fort délicates, et nous nous y arrêterons avec quelque détail en traitant du balayage des rues, infrà, n° 103 et suivants.

B. Nettoyage des rues ou passages.

94.-Pas plus que pour l'éclairage, nul n'est tenu par la loi au nettoyage ou balayage. Un règlement municipal est donc encore ici nécessaire pour en imposer l'obligation.

Telle n'est pas, toutefois, l'opinion de quelques criminalistes, de Blanche entre autres, qui, Contraventions, no 50, s'exprime ainsi :

« On enseigne généralement que les habitants, dans les communes où le nettoyage des voies publiques est laissé à leur charge, n'y sont assujettis que dans le cas où un règlement de police leur en impose l'obligation. Je me permettrai de ne pas partager cette opinion. Elle est contredite, ce me semble, par la lettre et l'esprit de la disposition que j'exa

mine. En effet, d'une part, il n'est pas nécessaire, pour connaître les lieux qu'elle concerne et les personnes qu'elle oblige, qu'elle soit accompagnée d'un acte du pouvoir réglementaire, comme celle qui interdit de tirer des pièces d'artifice dans certains lieux, ou celle qui oblige à l'éclairage les personnes qui devront le faire. Elle le dit elle-même; elle désigne toutes les rues et autres voies publiques, elle met l'obligation à la charge de tous les habitants. On conçoit, d'autre part, que, dans ce cas, la loi ait voulu, ait pu tout prévoir, et que, dans les deux autres, elle ait jugé convenable de recevoir son complément d'un acte du pouvoir réglementaire. La salubrité publique exige que le nettoyage soit fait dans toutes les rues de la commune, et qu'il soit l'œuvre de tous. Cette mesure, pour être efficace, ne comporte ni distinction, ni exception. Elle doit être la même dans toutes les localités qui ont des rues ou des passages. Au contraire, la sûreté publique n'exige pas qu'il soit défendu de tirer des pièces d'artifice dans quelque endroit que ce soit; et la commodité du passage n'est pas intéressée à ce que chacun éclaire le devant de sa maison. Il y a là des distinctions à faire; des distinctions qui varient suivant les communes et la profession des habitants. La loi a dû, par conséquent, se borner à poser le principe. Elle ne pouvait que s'en remettre au pouvoir réglementaire sur l'application, plus ou moins étendue, qu'il serait à propos d'en faire. Voilà pourquoi, dans ces derniers cas, la contravention n'existe que s'il y a règlement de police; voilà pourquoi le défaut de nettoyage des rues est une infraction punissable, même en l'absence d'un règlement de

cette nature. »>

A ce raisonnement, peut-être discutable, nous opposons ces lignes de Chauveau et Hélie, VI, p. 350 :

«La contravention résultant du défaut de balayage n'a point été suffisamment définie par la loi. Le soin de nettoyer les rues et passages est imposé aux habitants, dans toutes les villes où l'autorité municipale ne les a pas déchargés de cette obligation. Ce service n'est pas, à bien dire, une charge de la propriété ; les propriétaires des maisons et terrains qui longent la voie publique, ou les personnes qui les remplacent et les représentent, ne sont pas nécessairement tenus de faire nettoyer la partie de la voie publique qui se trouve au devant de ces maisons ou terrains, d'où la conséquence que l'obligation de nettoyer n'existe que dans les villes où l'autorité locale a pris des arrêtés relatifs à cette partie impor

tante de la salubrité publique lorsqu'il y a un arrêté municipal. >>

95.-Quelles personnes sont tenues de nettoyer les rues ou passages, dans les cas où la commune ne se charge pas de ce soin?

Aux habitants, comme dit le paragraphe 3. Par ce mot habitants, on doit entendre les individus qui demeurent d'une manière fixe dans la commune, c'est-à-dire qui y sont domiciliés, non pas dans l'acception civile du mot, mais dans l'acception naturelle. Ainsi, ceux qui paient la contribution mobilière dans la commune doivent y être compris sous le nom d'habitants; ceux qui y font un séjour plus long qu'un séjour passager le doivent également. RAUTER, Traité du Dr. crim., II, p. 228.

Ajoutons, avec un arrêt de cassation du 6 septembre 1822, que le mot habitants, employé dans l'art. 471 C. pén., ne peut s'entendre que des propriétaires et des locataires des

maisons. >>

96.La Cour de cassation a également plusieurs fois reconnu ce principe, que l'obligation de nettoyer la voie publique est une des charges de la propriété (13 février 1834, 25 juillet 1845, 11 septembre 1847, 15 janvier 1875).

Et, déduisant les conséquences rigoureuses de cette règle, elle a décidé que le propriétaire est tenu du nettoyage quand même il n'habite pas sa maison ou même la commune (1er mars 1851, 7 novembre 1857, 28 juin 1861, 15 janvier 1875);

Quand même sa maison est louée à des locataires qui l'occupent (15 juillet 1859);

Quand même il habite le premier étage et qu'il a un locataire au rez-de-chaussée (24 mai 1855);

Quand même sa maison est inhabitée (7 avril 1864).

97.-Le mot habitants désignant les propriétaires et les locataires, les arrêtés municipaux visant généralement à la fois les propriétaires et les locataires, il s'ensuit que les premiers ne sont pas toujours passibles de la peine édictée par l'article 471.

Et il a été jugé que, s'il y a un principal locataire, c'est lui et non le propriétaire qui est tenu du balayage:

« Attendu que l'obligation de nettoyer les rues ou passages dans les communes où ce soin est laissé à la charge des habitants, est nécessairement, selon le texte et l'esprit de la loi, imposée aux propriétaires mêmes des maisons et terrains qui

longent la voie publique, ou, à leur défaut, aux personnes qui, sous ce rapport, les remplacent et les représentent comme principaux locataires. » Cass. 10 août 1833.

Toutefois, la Cour de cassation, dans des arrêts postérieurs, notamment dans celui du 15 janvier 1875, exonère de toute responsabilité, sinon nommément, le principal locataire, au moins le locataire de toute la maison. Voici cet

arrêt:

« Vu l'arrêté du maire d'Argentan, dont l'art. 4 est ainsi conçu: «Il est enjoint aux propriétaires et locataires d'effectuer soigneusement le balayage des rues et places de la ville, tous les jours, de manière à ce que le travail soit terminé, en toute saison, à huit heures du matin;

«Attendu qu'un procès-verbal, dressé le 20 juin 1874, constatait que la rue Neuve-Saint-Germain, en face des bâtiments et murs de l'hôtel du Donjon, appartenant à MM. Caillet frères, entrepreneurs à Uron, et exploité par le sieur Camus, n'avait pas été balayée conformément à l'article précité;

«Attendu que le jugement attaqué a relaxé Caillet, propriétaire, de la poursuite, en se fondant sur ce que le propriétaire n'habitant pas la maison dont il s'agit, l'obligation du balayage incombait au locataire scul, son représentant;

« Attendu que l'obligation du balayage de la voie publique est une des charges de la propriété, et qu'à ce titre elle pèse sur le propriétaire aussi bien lorsqu'il habite la commune que lorsqu'il en est éloigné, aussi bien lorsque la maison est occupée par un locataire que lorsqu'elle est inhabitée;

«Attendu que si l'arrêté municipal impose cette obligation aux propriétaires et aux locataires, cette mention, en imposant une double responsabilité et une meilleure garantie de son exécution, ne saurait avoir pour effet de soustraire le propriétaire aux conséquences de la pénalité que l'arrêté prononce contre lui;

«Attendu, dès lors, qu'en décidant que, dans les circonstances signalées par le procès-verbal et constatées au débat, la poursuite avait à tort été dirigée contre le propriétaire, tandis qu'elle aurait dû l'être contre le locataire, le jugement attaqué a faussement interprété l'art. 4 de l'arrêté municipal prédaté et violé l'art. 471, paragraphe 3, du Code pénal. » Cass. 15 janvier 1875, Annales, 1875, 317.- Contrà, DuVERGIER, Louage, p. 53, no 30; TROPLONG, Louage, II, p. 147; DALLOZ, v° Contravention, n° 118.

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