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le tir des pièces d'artifice dans toute l'étendue de sa com

mune.

La jurisprudence de la Cour de cassation a, de plus, établi ce principe que la prohibition réglementaire de tirer des pièces d'artifice, fusées ou pétards, dans l'intérieur des villes, doit être observée non-seulement sur la voie publique, mais aussi dans les enclos, cours et jardins situés dans l'enceinte de la ville:

« Attendu, porte un arrêt du 8 mai 1858, que l'art. 471, §2, C. pén., punit ceux qui violent la défense de tirer des pièces d'artifice en certains lieux sans imposer la condition que ces lieux soient publics; qu'en effet, les projectiles lancés, ou le bruit causé par l'explosion d'une arme à feu ou d'une pièce d'artifice tirée même de l'intérieur d'un lieu privé, tel qu'une cour, un jardin clos ou non, peut compromettre la sûreté de la circulation dans les rues ou places voisines et y occasionner des accidents; qu'il appartient à l'autorité, chargée de prendre les mesures de police, de défendre, s'il y a lieu, des actes de cette nature, même dans les cours, jardins ou enclos. >>

83.-Que faut-il entendre par ces mots: Pièces d'artifice? En les prenant dans le sens vulgaire et limité, ils signifient ces fusées, ces pétards, ces bombes, ces boîtes qui servent d'ordinaire aux feux d'artifice proprement dits. Et nous sommes autorisés à croire que le législateur de 1810 n'avait que ces pièces-là à la pensée.

Toutefois, la doctrine et la jurisprudence ont donné à ces expressions une signification beaucoup plus étendue. Ainsi, sous la dénomination de pièces d'artifice, sont groupés, non-seulement les fusées, pétards, etc., mais encore les armes à feu, fusils, carabines, mousquetons, pistolets; en un mot, tous les instruments faisant explosion à l'aide de la poudre.

La Cour suprême va jusqu'à considérer comme tir de pièces d'artifice le fait d'extraire des pierres avec le secours d'une mine chargée de poudre :

<< Attendu, dit-elle, que les mots «pièces d'artifice» sont de expressions génériques qui doivent s'entendre de tout travail fait avec de la poudre, pouvant, par son explosion ou son action, produire les effets que l'art. 471 a voulu prévenir; qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer, suivant que la pièce est destinée à une réjouissance publique ou à un travail, comme celui de l'extraction des pierres.» Cass. 4 août 1853.

84.- Nulle excuse ne saurait être opposée à la contravention légalement constatée. On a tiré une pièce d'artifice dans un lieu prohibé, on a commis une infraction réprimée par le Code pénal.

Spécialement, le délinquant ne peut être renvoyé des fins de la poursuite, sous le prétexte qu'il avait obtenu de l'autorité municipale une permission particulière; ni sous le prétexte qu'il avait tiré des coups de fusil dans une propriété privée et pour la défendre contre des animaux qui y causaient des dégâts, par exemple, contre des pigeons qui détruisaient la semence jetée dans son jardin ou dégradaient la toiture de sa maison; ni sous le prétexte que le règlement n'avait pu avoir en vue que la défense de tirer sans nécessité et par simple amusement.

85.-Comme pour le défaut d'entretien des fours et cheminées, si les pièces d'artifice allumées ou tirées par négligence ou imprudence, ont occasionné un incendie à des propriétés mobilières ou immobilières d'autrui, ce fait devient un délit passible, d'après l'art. 458, C. pén., d'une amende de cinquante francs au moins et de cinq cents francs au plus.

Lorsque les pièces d'artifice out occasionné un homicide ou des blessures, les art. 319 et 320, modifiés par la loi du 13 mai 1863, sont alors applicables.

Ces articles sont ainsi conçus: « Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide, ou en aura involontairement été la cause, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à six cents francs » (Art. 319.) — « S'il n'est résulté du défaut d'adresse ou de précaution que des blessures ou coups, le coupable sera puni de six jours à deux mois d'emprisonnement et d'une amende de seize francs à cent francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. » (Art. 320.)

86.-Si la défense de tirer en certains lieux des pièces d'artifice résulte d'un ancien règlement publié de nouveau par l'autorité préfectorale ou municipale, la peine encourue sera celle des art. 471, 472 et 473 C. pén., et non celle de cet ancien règlement, dont les dispositions, en ce point, doivent être considérées comme non avenues lorsqu'elles sont contraires aux lois existantes. Ce principe général a été appliqué à une espèce dans laquelle il s'agissait d'un arrêté du préfet du Doubs, qui, renouvelant des arrêts de règlement de l'an

cien Parlement de Besançon, en date des 19 juillet 1753 et 4 mars 1775, avait défendu à tous particuliers de tirer, dans l'intérieur des villes, villages, et près de toutes maisons, des coups d'armes à feu, à peine de cent francs d'amende. Cass. 7 octobre 1826. BLANCHE, Contraventions, n° 43; DALLOZ, y Contravention, n° 94.

87.-Des ordonnances de police ont été prises pour l'exécution du paragraphe que nous étudions. De l'ordonnance du 7 juin 1856 nous détachons deux articles:

« Toute personne qui voudra faire tirer un feu d'artifice sera tenue d'en faire la déclaration vingt-quatre heures à l'avance, à Paris, aux commissaires de police, et dans les communes rurales, aux maires. Ces fonctionnaires pourront s'y opposer si, après l'examen des lieux, ils reconnaissent qu'il peut en résulter du danger.» (Art. 6.)

«Il est défendu de tirer des armes à feu, pétards, fusées et pièces d'artifice quelconques sur la voie publique ou dans l'intérieur des maisons. » (Art. 7.)

Et dans l'ordonnance du 25 juillet 1862, on lit sous l'article 114 « Il est défendu de brûler de la paille et autres matières inflammables sur la voie publique et d'y tirer des armes à feu, des pétards, fusées et autres pièces d'artifice. >>

Les prescriptions des deux premiers paragraphes de l'article 471 ont l'un et l'autre pour but d'éviter les incendies. que l'incurie ou la maladresse occasionnent si fréquem

ment.

Ces prescriptions ont dû être commentées et développées par des arrêtés municipaux prescrivant telle mesure et édictant telle défense afin de prévenir les sinistres.

C'est ainsi, par exemple, qu'à Paris, il est défendu dans tous les marchés d'allumer des feux et fourneaux, d'y faire usage de pots à feu et de chaufferettes, s'ils ne sont en métal et couverts d'un grillage métallique à mailles serrées, de laisser ces pots à feu dans les places pendant la nuit, lors même que le feu en serait éteint; d'y employer de la lumière autrement que dans des lanternes closes, à vitraux métalliques; d'y fumer, même avec des pipes couvertes (0. 30 décembre 1865, art. 61);

Il est défendu, pendant les divertissements du carnaval, de - brûler des mannequins dans les rues, ainsi que sur les places publiques (O. 23 février 1870, art. 2, § 7);

Il est défendu de fumer dans les salles de spectacle et sur la scène (O. 1er juillet 1864, art. 54);

Il est défendu de fumer dans le salon d'avant des bateaux à vapeur (0. 15 mai 1869, art. 50, § 9);

Il est défendu de fumer dans l'intérieur du palais de la Bourse (0. 12 janvier 1873, art. 1);

Il est défendu de fumer dans les salles de spectacle, sous les abris des halles, dans les marchés, et en général dans l'intérieur de tous les monuments et édifices publics; dans les magasins et autres endroits renfermant des spiritueux, ainsi que des matières combustibles, inflammables ou fulminantes (0. 15 septembre 1875, art. 25);

Il est défendu de brûler de la paille sur aucune partie de la voie publique, dans l'intérieur des abattoirs, des halles et marchés, dans les cours, les jardins et terrains particuliers, et d'y mettre en feu aucun amas de matières combustibles (0. 15 septembre 1875, art. 24).

§ 3. Éclairage ou nettoyage des rues ou passages.

A. Éclairage.

88. Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à cinq francs inclusivement, les aubergistes et autres qui, obligés à l'éclairage, l'auront négligé; ceux qui auront négligé de nettoyer les rues ou passages, dans les communes où ce soin est laissé à la charge des habitants.

Deux contraventions sont prévues et réprimées par ce paragraphe : défaut d'éclairage, défaut de nettoyage des rues ou passages; la première, spéciale aux aubergistes ou autres personnes tenues à l'éclairage; la seconde, générale et visant tous les habitants.

89.-La loi n'oblige ni aubergistes ni autres à l'éclairage; mais elle suppose qu'ils peuvent y être obligés par des arrêtés municipaux, et elle punit la désobéissance à ces arrêtés.

Donc, en l'absence d'injonction administrative, il n'y a pas de contravention. Donc, un règlement est nécessaire.

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90. Admettons qu'un règlement existe, à qui peut-il s'appliquer ?

En suivant la pensée du législateur, on serait fondé à croire que les aubergistes et les individus exerçant une profession similaire, les hôteliers, les logeurs, les cafetiers, les cabaretiers, par exemple, peuvent seuls être soumis à la réglementation.

Et, en effet, suivant nous, le but du paragraphe 3 n'est

pas de pourvoir à l'éclairage d'une commune, et de donner ainsi sécurité à ses habitants; mais d'indiquer aux voyageurs, aux étrangers, aux gens affamés, le lieu où ils pourront trouver gîte et nourriture.

Toutefois, la doctrine très-large dans ses appréciations, décide que ce paragraphe s'applique à tous les habitants. Dès lors, un maire facétieux pourra enjoindre à tous ses administrés d'éclairer leur maison, et le récalcitrant tombera sous le coup de l'art. 471! Nous protestons contre une telle interprétation; et nous avons forcé un peu ses conséquences pour démontrer que les aubergistes et autres industriels semblables ont seuls préoccupé les rédacteurs du Code pénal.

91. Mais, si un arrêté municipal légalement pris et publié a ordonné l'éclairage par certaines classes de personnes, il doit être exécuté. La négligence est punissable par ellemême : on n'a pas éclairé, la contravention existe; aucune excuse ne peut être utilement produite.

Ainsi, lorsqu'un règlement impose l'obligation et règle les conditions de l'éclairage, le délinquant alléguera en vain qu'il doit être renvoyé devant l'autorité administrative pour l'interprétation de ce règlement.

Ainsi, lorsqu'un règlement enjoint à l'aubergiste de mettre une lanterne au-dessus de chaque voiture qui stationne devant sa porte, le délinquant alléguera en vain que la lumière placée sur l'une des croisées de l'auberge remplaçait suffisamment la lanterne prescrite.

Ainsi, lorsqu'un règlement prescrit l'éclairage depuis la nuit tombante jusqu'à minuit, le délinquant alléguera en vain qu'il faisait clair de lune, que le ciel était sans nuages, ou qu'il n'était pas encore nuit.

Ainsi, lorsqu'un règlement ordonne de tenir une lanterne allumée depuis le coucher du soleil jusqu'à dix heures du soir, du 1er avril au 1er octobre, le cabaretier qui, le 2 juin, à huit heures et demie du soir, par conséquent après le coucher du soleil, n'a point encore allumé sa lanterne, ne doit pas être absous, par le motif que cette illumination n'est de rigueur que lorsqu'elle peut être utile et aperçue, c'est-à-dire quand le jour finit et que la nuit commence. Cass. 12 janv. 1838.

92. Comment doit être interprété le règlement qui prescrit l'éclairage pendant la nuit?

En ce sens que l'éclairage est obligatoire depuis le coucher du soleil jusqu'à son lever.

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