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mement fondé à demander réparation. Ce principe est écrit dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. L'instance en réparation du préjudice éprouvé, c'est l'action civile qu'on oppose à l'action publique exercée par les fonctionnaires préposés à la protection de la société. La première tend à obtenir une indemnité pécuniaire, le but de la seconde est de faire punir pénalement les coupables.

1347.« L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. Elle peut aussi l'être séparément. Dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.» (C. instr. crim., art. 3).

La partie lésée peut réclamer des dommages-intérêts soit accessoirement devant le juge de répression, saisi déjà de la contravention, soit par action principale devant le juge civil.

Dans ce dernier cas, l'exercice de l'action civile est suspendu jusqu'au jugement définitif sur l'action publique, d'après ce principe que le criminel tient le civil en suspens.

Nous avons dit, en traitant des injures et voies de fait au point de vue purement civil, comment la partie lésée avait la faculté de suivre l'une ou l'autre voie. Nous renvoyons aux observations présentées, tome 1°, n° 119 à 124, et412 à 419. 1348.-Pour se porter partie civile, il faut étre maître de ses droits.

Ainsi, la femme mariée, même marchande publique ou séparée de biens, a besoin de l'autorisation maritale;

Ainsi, le mineur et l'interdit ne peuvent actionner civilement, sans la permission de leur tuteur.

Quant au mineur émancipé, l'assistance de son curateur n'est pas nécessaire, car l'instance en dommages-intérêts a le caractère d'action essentiellement mobilière.

L'étranger qui se constitue partie civile est tenu de fournir la caution dite judicatum solvi, exigée par les articles 16 du Code civil, et 166 du Code de procédure civile.

1349.-Le plaignant, nous l'avons déjà dit, peut se porter partie civile, soit dans sa plainte, soit dans l'assignation qu'il notifie à l'inculpé.

Il peut encore se constituer partie civile à l'audience même, en tout état de cause jusqu'à la clôture des débats. (C. instr. crim., art. 67).

1350. Le chiffre de l'indemnité que la partie civile peut réclamer est indéterminé. C'est une erreur, suivant nous, de

décider que ce chiffre ne peut excéder deux cents francs, limite de la compétence du juge de paix en matière civile personnelle.

Notre seul argument est celui-ci en vertu de l'article 5, §5, de la loi du 25 mai 1838, les juges de paix connaissent à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever, des actions civiles pour diffamation verbale, pour injures, et pour rixe ou voies de fait.

Le juge civil peut condamner à des dommages-intérêts indéterminés; le juge de répression, statuant sur une action purement civile, a incontestablement le même pouvoir.

Ne pas admettre ce principe, ce serait conclure non pas seulement que le juge de police ne peut accéder que des dommages-intérêts n'excédant pas deux cents francs, mais encore qu'il serait incompétent pour condamner à une indemnité supérieure à quinze francs, maximum de l'amende qu'il ne doit jamais dépasser. Ose-t-on aller jusque-là et violer la disposition de l'article 139, § 3, du Code d'instruct. crim.?

§ 5.-Défense de la personne citée.

1351. Lorsque la partie civile a posé et développé ses conclusions, les prévenus et les personnes civilement responsables présentent leurs observations,

Le Code d'instruction criminelle, dans l'article 153, ne dit pas que l'inculpé sera interrogé; il n'est question de cette formalité de l'interrogatoire qu'en police correctionnelle et en vertu de l'article 190. Dès lors, pense-t-on généralement, le prévenu de contravention ne sera pas interrogé ; d'ailleurs, il n'est pas obligé de comparaître et peut se faire représenter.

Cependant, il n'y aurait pas irrégularité dans l'instruction si le juge avait adressé au prévenu présent des questions indispensables sur les faits constitutifs de l'infraction. C'est un droit qui résulte de la force des choses, et qui peut même faciliter la défense en précisant l'objet de la poursuite. CARNOT, I, p. 438; F. HÉLIE, VII, p. 331; BERRIAT-SAINT-PRIX, no 305.

1352. Le prévenu propose ses moyens de défense. Il soutient ou que la contravention n'a pas été commise, ou qu'elle n'a pas été commise par lui, ou qu'elle était légitimée par les circonstances.

Il invoque aussi des moyens spéciaux de justification, il soulève des exceptions qui le protégeront peut-être ou retar

deront la décision du tribunal. Nous leur consacrons le chapitre IX.

Il fait entendre les témoins qu'il a assignés ou appelés officieusement, s'il ne s'agit pas de les opposer à des procèsverbaux faisant foi jusqu'à inscription de faux.

Enfin, ainsi que nous l'avons déjà dit, n° 1307, il peut faire compléter sa défense par la plaidoirie d'un homme de loi; ce que lui interdisait l'article 161 du Code de brumaire

an iv.

Si le prévenu ne comparaît pas en personne, les mêmes moyens justificatifs seront utilement proposés par son fondé de pouvoir.

1353. Quant à la personne citée comme civilement responsable, il est évident qu'elle a le droit, elle aussi, de repousser et de combattre par tous moyens l'inculpation qui pèse sur le prévenu, et la responsabilité qui lui incombe personnellement.

§ 6. Résumé et conclusions du ministère public.

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1354. Après la défense, la parole est donnée à l'officier du ministère public. Au grand criminel, au tribunal correctionnel le discours de ce magistrat s'appelle réquisitoire. Devant le tribunal de police il prend le nom moins solennel de résumé. Le résumé est terminé par des conclusions.

Ce résumé, ces conclusions sont substantiels, leur absence vicie le jugement et entraîne la nullité. C'est un principe constamment reconnu par la jurisprudence. Voir Cass. 28 juillet 1871, Annales, 1872, 98; 16 novembre 1871, Annales, 1872, 176.

1355. Mais la loi n'impose aucune forme spéciale ou sacramentelle aux réquisitions; aussi sera suffisante la mention au jugement que le ministère public s'en est rapporté à la prudence, à la justice du tribunal; qu'il a insisté pour la condamnation.

Le plus souvent, vu le peu d'importance des faits incriminés et leur constatation facile, le rôle du ministère public est réduit à de bien modestes proportions. Rappeler le procèsverbal et l'objet de la prévention, viser le texte de la loi enfreinte et en requérir l'application; voilà en quoi consistent et le résumé et les conclusions.

1356. - - Dans quelques siéges, à Paris par exemple, 'officier du ministère public indique dans ses réquisitions le chiffre de l'amende ou le nombre de jours d'emprisonnement que le prévenu lui semble avoir mérités. Cette façon de pro

céder ne nous paraît pas juridique; le ministère public, après avoir résumé l'affaire, doit se borner à viser le texte de la loi pénale et à en requérir l'application.

Berriat-Saint-Prix, n° 312, ne partage pas notre opinion d'une manière absolue; il reconnaît au ministère public le droit de s'expliquer sur la nature et la quotité de la peine à prononcer. Mais ce jurisconsulte s'empresse d'ajouter un correctif. « Ce détail, dit-il, pourrait donner lieu, de la part des justiciables, à des remarques au moins inutiles à provoquer. Si la condamnation était habituellement conforme aux réquisitions de la partie publique, on en tirerait une conséquence fâcheuse pour l'indépendance du juge; et si ce magistrat se montrait souvent plus indulgent que l'officier du ministère public, on pourrait trouver un zèle exagéré à ce dernier. >>

1357.-Le ministère public doit être entendu, à peine de nullité, non pas seulement lorsque l'instruction de l'affaire est terminée, mais encore toutes les fois qu'un incident soulevé, qu'une exception opposée nécessitent une décision du tribunal. En un mot, tout jugement veut n'être prononcé qu'après les réquisitions du ministère public.

Spécialement, le juge de police ne peut, après avoir entendu les conclusions du ministère public tendantes à être autorisé à faire preuve de la contravention et avoir ordonné cette preuve, statuer au fond, dans une audience subséquente, sans avoir entendu les nouvelles conclusions du ministère public et sans les avoir au moins provoquées. Cass. 5 août 1875, Annales, 1876, 89.

Le juge de police doit statuer sur toutes les réquisitions du ministère public. Mais ces réquisitions, évidemment, ne lient nullement le magistrat.

1358.-Si l'officier du ministère public présent avait déclaré ne vouloir ni résumer l'affaire, ni conclure, ce serait un déni de justice; mais ce déni de justice n'en paralyserait pas moins le tribunal, qui, en l'absence de réquisition, devient impuissant pour statuer, et qui ne peut donner défaut contre le ministère public.

1359.

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Le prévenu peut répondre au ministère public qui l'accuse: « La partie citée, dit l'article 153, pourra proposer ses observations. »

Il est de principe en droit criminel que la défense doit avoir toujours le dernier mot.

En simple police la réplique est seulement facultative; le juge peut la refuser. Il n'y aurait donc pas nullité si le prévenu n'avait pas eu la parole après le ministère public.

La personne citée comme civilement responsable a la même faculté de proposer des observations après les réquisitions.

1360.-Le ministère public peut, à son tour, répondre à l'inculpé; mais alors l'inculpé pourra de nouveau prendre la parole, qu'il doit toujours avoir le dernier.

Notons que la réplique de la partie publique est très-rarement usitée.

Quant à la partie civile, nous ne croyons pas qu'elle puisse prendre la parole après que l'officier du ministère public a donné ses conclusions.-Contrà, BERRIAT-SAINT-PRIX, no 313.

1361.

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Après les répliques, l'instruction de l'affaire est complète; le tribunal n'a plus qu'à faire son œuvre.

«Le tribunal de police prononcera le jugement dans l'audience où l'instruction aura été terminée, et au plus tard, dans l'audience suivante. » (C. instr. crim., art. 153, in fine).

Il convient de ne pas prendre cette injonction à la lettre. Certaines affaires peuvent nécessiter des recherches, des méditations qui demandent un temps plus long que celui accordé par l'article 153. Ce que le juge de police doit faire, c'est rendre ses jugements le plus tôt possible; c'est surtout ne pas ordonner des sursis indéfinis.

Jugé que la règle contenue dans le paragraphe final de l'article 153 n'est pas prescrite à peine de nullité, et ne doit être considérée que comme une recommandation de célérité, s'adressant au juge, et une mesure d'ordre prise en vue de la prompte expédition des affaires. Cass. 6 juin 1874, Annales, 1875, 139.

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1362. Ici se termine le commentaire de l'article 153, fixant les diverses étapes d'un procès en matière de contravention. Dans le chapitre suivant nous allons nous occuper spécialement des jugements et des formalités nécessaires à 'eur validité.

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