Page images
PDF
EPUB

1264. Les règlements ou arrêtés concernant la petite voirie peuvent émaner des préfets, des sous-préfets et des maires.

Des préfets, en vertu de la loi du 21 mai 1836, art. 21, qui autorise ces fonctionnaires à fixer la largeur des chemins vicinaux, les alignements (quand il n'y a pas de plan approuvé); à donner les autorisations de construire; à prendre toutes mesures relatives à l'écoulement des eaux, aux plantations, à l'élagage, aux fossés et à leur curage, au passage et à la conservation des chemins.

Des sous-préfets, en vertu de la loi du 4 mai 1864, art. 2, qui autorise ces fonctionnaires à donner les alignements sur les chemins vicinaux de grande communication, lorsqu'il existe un plan d'alignement régulièrement approuvé.

Des maires, en vertu de la loi des 16-24 août 1790, tit. II, art. 3, et de la loi du 18 juillet 1837, art. 10, qui autorisent ces fonctionnaires à prendre des arrêtés pour tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et, voies publiques de leurs communes, à donner les alignements sur les chemins vicinaux ordinaires, même d'intérêt commun, et à pourvoir aux nécessités de la voie municipale. Nous avons, suprà, no 310, indiqué quelques règlements que pouvait prendre l'autorité municipale.

1265. A défaut d'arrêtés préfectoraux ou municipaux, il existe d'anciens règlements, l'édit de décembre 1607 et l'arrêt du conseil du 27 février 1765, par exemple, que la Cour suprême déclare encore en vigueur, et dont les prescriptions doivent être observées.

1266.

La peine encourue par le contrevenant est l'amende de un franc à cinq francs.

En outre, la démolition des constructions élevées au mépris des règlements ou arrêtés, de la besogne mal plantée, comme s'exprime l'édit de 1607, doit être ordonnée par le tribunal. C'est la réparation du dommage, et la conséquence de la répression de la contravention.

1267.-L'inculpé, pour sa défense, peut soulever des exceptions diverses :

Prétendre que le lieu à l'occasion duquel la contravention aurait été commise, n'est pas une voie publique. Le juge de police est souverain pour décider le caractère public d'un chemin. Cass. 14 février 1874, Gaz. des trib., 12 mars 1874.

Prétendre qu'il est propriétaire de la voie prétendue publique. Devant cette exception préjudicielle de propriété, suftì

samment fondée et sérieuse, le juge de police a le devoir de surseoir.

Prétendre que l'arrêté est ambigu. Le juge de police ne peut pas interpréter ledit arrêté; il doit encore surseoir à statuer.

Prétendre que l'arrêté est irrégulier, ou illégal. Le juge de police a le pouvoir d'apprécier la régularité ou l'illégalité invoquée. La Cour suprême a cependant décidé le contraire; mais sa doctrine nous paraît erronée, puisque l'article 471, § 15 du Code pénal, ne punit que l'infraction aux règlements légalement faits par l'autorité administrative.

Prétendre que les travaux ont été exécutés comme ils devraient l'être, et que dès lors il a été obéi à l'arrêté; ou que les travaux ne sont pas confortatifs.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation déclare le juge de police incompétent pour connaître de l'exception. Cette doctrine est, à bon droit, fortement critiquée.

1268.«En général, les infractions aux règlements de la voirie ne sont pas successives; elles sont consommées dès qu'elles sont commises, à moins qu'elles ne résultent de faits distincts et réitérés; par conséquent, la prescription commence à courir contre l'action publique du jour même où elles ont eu lieu. Ainsi, au bout de l'an, elle est acquise à l'inculpé, qui ne peut plus être poursuivi devant les tribunaux de répression, à raison de la contravention dont il s'est rendu coupable.

«Est-ce un fait irréparable? Comment y porter remède? Il faut distinguer.

«Si c'est une construction complète, un bâtiment, un mur, qui a été élevé sur la voie publique, la suppression n'en peut être poursuivie que par la voie de la revendication du terrain usurpé, devant la juridiction civile.

« Si, au contraire, il ne s'agit que d'une saillie, par exemple, d'une borne, d'un auvent, d'une banne, qui ne sont réputés que des œuvres de tolérance, l'autorité administrative pourra, en vertu des pouvoirs que la loi lui a délégués, enjoindre, par un arrêté spécial, de les enlever; et s'il n'est obtempéré à cette injonction, le récalcitrant, coupable d'une nouvelle infraction, pourra être poursuivi devant le tribunal de simple police, qui devra le condamner à l'amende et, en outre, à la démolition des saillies qu'il n'aura pas enlevées. >> Cass. 3 février, et 17 février 1844, 25 mai 1850, 11 août 1864. BLANCHE, Contraventions, no 116.

1269. Les questions qui se présentent le plus fréquemment en matière de petite voirie sont relatives aux alignements et aux constructions, reconstructions et réparations d'édifices.

D'après l'édit de Henri IV, de décembre 1607, dont le texte est reproduit dans notre Code annoté, p. 428, le grand voyer de France et ses commis (aujourd'hui les maires) avaient le droit de donner tous alignements par eux jugés utiles pour l'élargissement et l'embellissement des rues.

A ce pouvoir, l'article 52 de la loi du 10 septembre 1807 apporta une restriction: « Dans les villes, les alignements pour l'ouverture des nouvelles rues, pour l'élargissement des anciennes, qui ne font point partie d'une grande route, ou pour tout autre objet d'utilité publique, seront donnés par les maires, conformément au plan dont les projets auront été adressés aux préfets »; et, ajoutons, arrêtés par eux, d'après le décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative.

Cette loi de 1807 a soulevé les plus vives controverses: abrogeait-elle l'édit de 1607 et la loi des 16-24 août 1790 ? Interdisait-elle absolument aux maires la faculté d'autoriser des alignements en l'absence d'un plan régulièrement arrêté ?

La jurisprudence du conseil d'Etat et de la Cour de cassation a flotté longtemps indécise et contradictoire. Blanche, n° 100, a recueilli avec soin les documents de cette longue discussion, et il conclut ainsi :

« Il faut donc tenir pour certain: 1o que, dans les villes qui n'ont pas encore un plan général ou partiel d'alignement, les maires ne peuvent donner que des alignements conformes à l'état actuel des choses, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent ni contraindre le riverain à se retirer sur lui-même, ni l'autoriser à avancer sur la voie publique ; 2° que ce n'est que dans les villes pourvues de ce plan, que les maires peuvent, en se conformant aux indications de son tracé, obliger le riverain à rentrer sur lui-même ou lui permettre de porter sa construction en avant ».

D'après l'édit de 1607, le riverain est tenu de demander l'alignement.

Mais cet édit ne visant que les places publiques et les rues des villes, la demande n'est pas nécessaire s'il s'agit de constructions et reconstructions sur des chemins ruraux et, bien entendu, s'il n'existe pas de plan général ou de règlement local.

Quant aux réparations, pour lesquelles l'autorisation est également nécessaire, elles sont indiquées par l'édit de 1607, qui, nous le répétons, a toujours force légale.

1270.- Cette autorisation, indispensable pour construire, reconstruire, réparer, et pour s'aligner, est accordée soit par le maire, soit par le sous-préfet, soit par le préfet, suivant le caractère de la voie publique.

Elle doit être donnée par écrit, et précéder l'entreprise des

travaux.

Si elle concerne la voie urbaine, elle sera exécutée, ou au moins recevra un commencement d'exécution dans l'année de son obtention, conformément à l'arrêt du conseil du 6 octobre 1733, faute de quoi elle est périmée et par conséquent considérée comme non existante. Cass. 10 mars 1859.

Si elle concerne une autre voie, par exemple, la voirie vicinale, loin d'être conditionnelle, comme les permissions de voirie urbaine, elle est, au contraire, définitive dès l'instant de sa délivrance, et concède à l'impétrant un droit qu'il a la faculté d'exercer tant que la révocation ne lui a pas été notifiée. Cass. 22 juillet 1859. BLANCHE, Contraventions, n° 104.

-

1271. Nous venons de résumer brièvement les principes généraux qui régissent la petite voirie. Nous ne nous dissimulerons pas qu'ils ne jettent qu'une faible clarté sur cette matière. Pour entreprendre un travail à peu près complet, le terrain et les forces peut-être nous manqueraient ; et puis, les difficultés qui se présentent, en pratique, prennent presque toujours leur source dans l'interprétation d'un règlement local; et c'est sur des espèces qu'il faudrait discuter.

Nous croyons donc devoir nous borner à renvoyer aux observations que nous avons faites sous les articles 471, § 4, et 479, § 11, C. pén., suprà, no 114 et suiv., 598 et suiv., et à grouper quelques décisions judiciaires.

Si le maire n'acquiesce pas à une demande d'autorisation de construire sur la voie publique et d'alignement, à lui adressée par le propriétaire, ce propriétaire ne peut s'adresser qu'au préfet, auquel seul il appartient de réformer la décision du maire; mais le sous-préfet n'a aucune espèce de droit à cet égard, et ne peut, spécialement, déléguer l'agent voyer cantonal pour donner l'autorisation et l'alignement au lieu et place du maire. L'alignement donné, dans ces circonstances, par l'agent voyer délégué par le sous-préfet est sans valeur, et c'est à tort que le tribunal d'appel réforme le jugement de simple police qui avait condamné, avec raison, à l'amende et à la démoition des tra

vaux élevés en vertu de cette autorisation et de cet alignement illégalement donnés. Cass. 14 février 1874, Gaz. des trib., 12 mars 1874.

La construction d'un mur sur un terrain qui ne joint pas la voie publique, et qui en est séparé par un emplacement, ne faisant point partie de la voie urbaine, n'est soumise à la nécessité ni d'une autorisation, ni d'un alignement préalables. Cass. 8 mai 1874, Annales, 1875, 103.

Les alignements délivrés par les maires ne peuvent, en l'absence de plans régulièrement approuvés par l'autorité supérieure, modifier la largeur de la voie publique et soumettre les propriétaires riverains à l'obligation de construire en reculement. Cass. 11 décembre 1869, Annales, 1870, 205.

L'autorité municipale ne peut donner des alignements individuels qu'en se conformant au plan général ou partiel approuvé par l'autorité supérieure; en l'absence d'un tel plan, elle ne peut qu'indiquer l'ancienne limite séparative entre la propriété et la voie publique. Cass. 31 mars 1870, Annales, 1872, 58.

Le propriétaire d'une maison en saillie sur l'alignement proposé, qui fait exécuter sans autorisation des travaux confortatifs, commet une infraction à l'édit de 1607. Cass. 5 avril 1872, Annales, 1872, 389.

L'édit de 1607 qui défend de construire sans autorisation ou alignement préalables, ne concerne que la voirie urbaine ; il ne saurait être étendu aux constructions ou barrières placées le long des chemins ruraux. Cass. 7 février 1873, Droit, 9 février 1873.

Lorsqu'en matière d'infraction aux règlements sur l'alignement, le prévenu excipe d'une exception de propriété, le juge de police a le droit d'examiner les titres produits, et de décider s'ils s'appliquent au terrain litigieux, sans être tenu de surseoir à statuer jusqu'après décision, par la juridiction. civile, de l'exception soulevée. Cass. 15 mai 1875, Annales, 1876, 35.

S'il est vrai, en principe, que lorsque les parties ne sont pas d'accord sur le sens et la portée d'un acte administratif, dont l'exécution est confiée aux tribunaux, ceux-ci doivent surseoir à prononcer jusqu'à ce que l'autorité administrative ait expliqué ledit acte, cette règle ne saurait recevoir d'application quand il s'agit de l'exécution d'un acte dont les dispositions sont claires et dont le sens et la portée ne présentent en réalité ni obscurité, ni ambiguïté.

« PreviousContinue »