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à cette formalité par le simple avertissement suivi d'exécution volontaire, qui, dans la pratique, remplace ordinairement la signification. Qu'une nouvelle infraction survienne, le précédent jugement non signifié est encore susceptible d'appel, et les peines de la récidive ne sont pas encourues. L'inconvénient est évident; il est grave surtout dans l'application de cette loi, dont tout le système repose sur une gradation progressive des peines et sur le changement de qualification et de juridiction en cas de deuxième et de troisième récidive. Il conviendra donc, en cette matière, de renoncer à l'emploi du simple avertissement et de recourir à la signification régulière, toutes les fois du moins qu'elle sera nécessaire pour rendre le jugement définitif.

«Les condamnations à intervenir par application de la loi dont il s'agit, peuvent être rangées en trois catégories distinctes :

« 1° Les condamnations correctionnelles....;

«2° Les condamnations de simple police, contradictoires, de un franc à cinq francs d'amende (Art. 1o, § 1er, et art. 4, §§ 1 et 2).

« Le simple avertissement sera encore suffisant, le jugement n'étant pas susceptible d'appel, et le délai du recours en cassation commençant à courir à partir de la prononciation du jugement;

«3° Les condamnations de simple police à l'amende et à l'emprisonnement de trois jours (art. 1, § 2, et art. 4, § 3), pénalité qui est encourue dans le cas d'une première récidive du fait d'ivresse manifeste, et dans celui d'une première récidive de l'infraction imputable aux débitants qui reçoivent des gens ivres ou servent à boire à des mineurs de seize ans. C'est dans cette double hypothèse qu'il devient nécessaire de signifier le jugement, sous peine de rendre impossible la constatation légale de la deuxième récidive, et de renoncer à l'application des articles 2, 3, 5 et 6 de la loi.

« Je vous prie, en conséquence, de vouloir bien veiller à ce que tous les jugements rendus en matière d'ivresse, par les tribunaux de simple police, soient régulièrement signifiés lorsqu'ils seront susceptibles d'appel. Pour les jugements par défaut, il va de soi que la signification est toujours nécessaire en cette matière. >>

La circulaire s'occupe ensuite du point de savoir si, pour constituer la troisième récidive, il faut que la dernière infraction ait été commise dans le ressort du tribunal correctionnél

qui a statué sur la précédente. Cette question n'intéresse pas le juge de police.

La circulaire indique enfin les moyens de constater matériellement les récidives.

Une autre circulaire du 6 juin 1874 fixe à vingt-cinq centimes le droit à réclamer pour l'envoi au parquet de chaque bulletin de jugement de condamnation pour ivresse. Ces détails concernent surtout les greffiers.Voir ces circulaires, Annales, 1874, 183, 326.

1142. Le bénéfice des circonstances atténuantes peut profiter aux inculpés d'ivresse manifeste.

« L'article 463 du Code pénal, dit le paragraphe 1er de l'article 9, sera applicable aux peines d'emprisonnement et d'amende portées par la présente loi. »

Déjà l'article 1, § 2, déclarait applicable à la contravention d'ivresse l'article 483 du Code pénal; or, cet article porte, in fine, que l'indulgence autorisée par l'article 463 s'étend à toutes les contraventions prévues par le Code pénal.

Faisons une observation: l'admission des circonstances atténuantes ne touche, en réalité, que le récidiviste qui est passible de l'amende et de l'emprisonnement. Quant à l'inculpé non récidiviste, il n'encourt qu'une amende de un à cinq francs; dès lors, pour lui la déclaration de circonstances atténuantes est absolument stérile.

1143. Les articles 2 et 3 de la loi du 23 janvier 1873 complètent le système de répression de la récidive. Nous nous bornons à reproduire leur texte; ils ne sont d'aucune application pour les tribunaux de simple police.

«En cas de nouvelle récidive, conformément à l'article 483, dans les douze mois qui auront suivi la deuxième condamnation, l'inculpé sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle et puni d'un emprisonnement de six jours à un mois et d'une amende de seize francs à trois cents francs.

« Quiconque, ayant été condamné en police correctionnelle pour ivresse, depuis moins d'un an, se sera de nouveau rendu coupable du même délit, sera condamné au maximum des peines indiquées au paragraphe précédent, lesquelles pourront être élevées jusqu'au double. »(Art. 2).

Cet article vise une deuxième et une troisième récidive. En matière de contravention pour ivresse manifeste, ce n'est qu'en cas de nouvelle récidive commise dans les douze mois qui suivent une deuxième condamnation, que le tribunal de

simple police cesse d'être compétent. Cass. 12 février 1875, Annales, 1875, 377.

1144.« Toute personne qui aura été condamnée deux fois en police correctionnelle pour délit d'ivresse manifeste, conformément à l'article précédent, sera déclarée par le second jugement incapable d'exercer les droits suivants: 1° de vote et d'élection; 2° d'éligibilité; 3° d'être appelée ou nommée aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'administration, ou d'exercer des fonctions ou emplois; 4o de port d'armes, pendant deux ans à partir du jour où la condamnation sera devenue irrévocable. » (Art. 3).

La rédaction de cet article est défectueuse : elle laisse supposer que la privation du droit de vote et d'élection, d'éligibilité, d'être juré ou de remplir des fonctions publiques est perpétuelle; et que la privation du droit de port d'armes n'a seule qu'une durée de deux ans. Nous croyons que ces mots, pendant deux ans, mal placés ou mal ponctués, s'appliquent à tous les paragraphes de l'article. CARRÉ, Code annoté des juges de paix, p. 384, no 3.

1145. « Le tribunal correctionnel, dans les cas prévus par la présente loi, pourra ordonner que son jugement soit affiché à tel nombre d'exemplaires et en tels lieux qu'il indiquera. »> (Art. 8).

1146. -«L'article 59 du Code pénal ne sera pas applicable aux délits prévus par la présente loi», dit l'article 9, § 2.

L'article 59 est relatif à la complicité. Nous avons vu, suprà, n° 63, que les règles de la complicité ne concernaient pas les contraventions; que dans des cas fort exceptionnels, la loi admettait la complicité en matière de contravention.

Ce principe est de nouveau consacré par le deuxième paragraphe de l'article 9.

«Il y a, lit-on dans le rapport de la loi, dans les faits d'ivresse, une complicité fréquente et digne de châtiment, celle des débitants; nous l'avons spécialement frappée. Mais les principes généraux du droit ne permettent pas d'atteindre en masse tous ceux qui, d'après l'article 60 du Code pénal, pourraient être qualifiés de complices. Il ne faut jamais oublier que les infractions prévues par notre projet sont en elles-mêmes des contraventions de simple police, et que c'est la récidive seule qui, sous certaines conditions, les change en délits. Or, d'une part, il n'y a point de complicité en matière de simple police, à moins d'une disposition expresse dans la loi; d'autre part, les complices ne sont pas responsables de l'aggravation qui

résulte de la récidive. L'article 59 du Code pénal ne doit pas être appliqué à des infractions qui ne prennent le caractère de délit que par l'effet de cette circonstance. »>

1147. L'individu, trouvé dans un lieu public, en état d'ivresse manifeste, encourt, pour la première fois, une simple amende; pour la deuxième, l'amende et l'emprisonnement. Mais, par mesure d'ordre général, souvent aussi dans son intérêt particulier, l'ivrogne peut être détenu provisoirement. Telle est la disposition de l'article 11 :

« Toute personne trouvée en état d'ivresse, dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, pourra être, par mesure de police, conduite à ses frais, au poste le plus voisin, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré sa raison. >>

-

1148. La loi du 23 janvier 1873 prévoit et punit incidemment une autre contravention que celle relative à l'ivresse manifeste; c'est la lacération du texe affiché de ladite loi. L'article 12 dispose, en effet :

«Le texte de la présente loi sera affiché à la porte de toutes les mairies et dans la salle principale de tous cabarets, cafés et autres débits de boissons.

«Un exemplaire en sera adressé, à cet effet, à tous les maires et à tous les cabaretiers, cafetiers et autres débitants de boissons. « Toute personne qui aura détruit ou lacéré le texte affiché, sera condamnée à une amende de un à cinq francs et aux frais du rétablissement de l'affiche.

« Sera puni de même, tout cabaretier, cafetier ou débitant chez lequel ledit texte ne sera pas trouvé affiché. »>

Deux observations sur cet article en ce qui concerne les particuliers:

L'article 479, § 9, du Code pénal, punit d'une amende de onze à quinze francs ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré des affiches apposées par l'ordre de l'administration.

La loi de 1873 se sert d'expressions plus larges; elle dit détruit ou lacéré. De quelque manière donc que la destruction ou la lacération aura été effectuée, il y aura contravention. Ici, ne se soulève plus le doute que nous avons exprimé en commentant l'article 479, suprd, no 587.

La loi de 1873 ne reproduit pas le mot méchamment. D'où, la destruction ou la lacération involontaire, inconsciente, encourt une pénalité. C'est peut-être trop rigoureux; et nous hésiterions à condamner en l'absence de toute intention malveillante.

Notre dernière observation intéresse la récidive. Aucune aggravation ne l'atteint; la loi de 1873 ne parle pas de la récidive.

1149. Les particuliers peuvent encore commettre un délit justiciable de la police correctionnelle; il est prévu par l'article 7 « Sera puni d'un emprisonnement de six jours à un mois et d'une amende de seize à trois cents francs, quiconque aura fait boire jusqu'à l'ivresse, un mineur âgé de moins de seize ans accomplis.>>

§ 2. Contraventions commises par les cafetiers, cabaretiers.

1150.- La loi du 23 janvier 1873 ne frappe pas seulement les ivrognes, elle frappe aussi les cabaretiers, cafetiers et autres débitants de boissons qui facilitent, autorisent l'ivresse, ou qui donnent à boire à des mineurs.

Voici les prescriptions que renferme l'article 4 :

« Seront punis d'une amende de un à cinq francs inclusivement, les cafetiers, cabaretiers et autres débitants qui auront donné à boire à des gens manifestement ivres, ou qui les auront reçus dans leurs établissements, ou auront servi des liqueurs alcooliques à des mineurs âgés de moins de seize ans accomplis.

<< Toutefois, dans le cas où le débitant sera prévenu d'avoir servi des liqueurs alcooliques à un mineur âgé de moins de seize ans accomplis, il pourra prouver qu'il a été induit en erreur sur l'âge du mineur; s'il fait cette preuve, aucune peine ne lui sera applicable de ce chef.

« Les articles 474 et 483 du Code pénal seront applicables aux contraventions indiquées aux paragraphes précédents. » Cet article a donné lieu, au sein de l'Assemblée nationale, à une longue discussion, que nous avons reproduite dans notre Code annoté, p. 384. Nous l'étudierons ici seulement au point de vue pratique, et n'interpréterons son texte qu'à l'aide de décisions judiciaires.

Trois contraventions sont prévues et réprimées par l'article 4 Donner à boire à des gens manifestement ivres; recevoir des gens manifestement ivres; servir des boissons alcooliques à des mineurs de seize ans.

1151. Première contravention: Donner à boire à des gens manifestement ivres.

Le cabaretier ne devient coupable que si l'individu auquel il a donné à boire était manifestement ivre.

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