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cette pièce, par tous les genres de preuves; et, dans le doute, le juge résoudra la question en faveur du délinquant.

C'est le juge de police qui constate la minorité de seize ans, et déclare qu'il y a ou qu'il n'y a pas discernement; mais, avant de décider ces deux points, il doit reconnaître la culpabilité. S'il n'y a pas culpabilité, en effet, il serait oiseux de rechercher l'âge et le degré d'intelligence du prévenu, qui est purement et simplement renvoyé des poursuites.

Quels sont les effets de la reconnaissance du discernement chez le mineur de seize ans? Quels sont les effets de l'absence de discernement?

Si le mineur a agi avec discernement, il profite des dispositions bienveillantes de l'article 69, C. pén. : « Dans tous les cas où le mineur de seize ans n'aura commis qu'un simple délit, la peine qui sera prononcée contre lui ne pourra s'élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s'il avait eu seize ans. » Le tribunal de police n'aura donc pas besoin d'invoquer l'article 463, C. pén., et les circonstances atténuantes, pour appliquer le minimum des peines, qui n'est jamais moindre d'un franc d'amende ou d'un jour d'emprisonnement.

Si le mineur a agi sans discernement, il est acquitté; on devrait dire plus exactement, absous.

Mais, comme nous l'avons vu, le juge a la faculté d'ordonner, suivant les circonstances, que l'enfant sera rendu à ses parents ou détenu correctionnellement pendant un certain nombre d'années.

A ce sujet, on s'est demandé si ce pouvoir appartenait au tribunal de police. Logiquement, la réponse n'est pas douteuse. La première partie de l'article 66, relative à la minorité et au discernement, étant applicable aux contraventions, la deuxième partie, concernant la détention, leur est également et forcément applicable.

Blanche, Etudes, II, n° 361, reconnaît comme nous le droit aux juges de police d'ordonner la détention; mais il ajoute : « Cependant, il me semble que, dans la pratique, un sentiment que je ne saurais trop définir, interdira toujours au juge d'user de l'alternative rigoureuse que l'article 66 met à sa disposition, même dans le cas où le mineur de seize ans, absous pour défaut de discernement, n'est déclaré coupable que d'une contravention de police. >>

De son côté, Berriat-Saint-Prix, Des tribunaux de simple police, no 415 bis, résumant une opinion par lui développée

dans le Journal du Ministère public, année 1862, p. 104,. s'exprime ainsi :

« On a demandé, à propos de l'application de l'article 66, C. pén., en simple police, si les mineurs de seize ans, prévenus de contraventions, et acquittés faute de discernement, pouvaient être renvoyés dans une maison de correction. Pour moi, la négative n'est pas douteuse. Par sa durée, par son caractère, par le mode de son exécution, la détention correctionnelle, infligée par l'article 66, implique tout à fait contradiction avec la nature des contraventions de police, avec la pénalité qui s'y rattache; cette correction, faite pour des délits, s'adresse essentiellement à de jeunes malfaiteurs, ordinairement voleurs, vagabonds invétérés, et non à de jeunes contrevenants auteurs de simples manquements sans gravité. >>

Le mineur de seize ans, absous faute de discernement, doit être néanmoins condamné aux frais. La jurisprudence de la Cour suprême n'a jamais varié sur ce point.

59. Le contrevenant ne saurait être relaxé ou excusé sous prétexte de désuétude d'un règlement qu'il aurait enfreint. Les lois et les règlements ne peuvent jamais être abrogés par desuétude; ils ne peuvent point l'être non plus par la pratique d'un usage contraire; car quelque ancien ou quelque général que soit un tel usage, il ne peut point prévaloir sur la volonté formellement exprimée du législateur, ni établir un droit contre une prohibition d'ordre public. L'abrogation doit être expresse ou résulter implicitement et nécessairement de dispositions inconciliables avec les dispositions plus anciennes. C'est presque en ces termes que la Cour de cassation s'est prononcée, notamment dans ses arrêts du 5 juillet 1873, Droit, 9 août 1873, et Annales, 1874, 53, ainsi que dans celui du 27 février 1875, Annales, 1875, 378.

De ce dernier arrêt, retenons cet attendu :

« Attendu qu'on ne peut se prévaloir, pour refuser d'obéir à des règlements de police, de ce qu'ils seraient tombés en désuétude ou dans l'oubli; que la désuétude ne peut jamais résulter soit de la négligence, soit de l'impuissance d'agir de l'autorité, soit de la désobéissance des assujettis. »

SECTION II.

DES CONTRAVENTIONS.

60. Le législateur n'a pas cru devoir définir les contraventions, d'après leur nature ou leur caractère; il se borne à déclarer que tel fait punissable de telle peine est une contravention. «L'infraction que les lois punissent des peines de police est une contravention, » dit l'article 1°, § 1o, du Code pénal.« Sont considérés comme contraventions de police simple, les faits qui, d'après les dispositions du quatrième livre du Code pénal, peuvent donner lieu, soit à quinze francs d'amende ou au-dessous, soit à cinq jours d'emprisonnement ou au-dessous, qu'il y ait ou non confiscation des choses saisies, et quelle qu'en soit la valeur, » dit, de son côté, l'article 137 du Code d'instruction criminelle.

61. Aucun ordre philosophique n'a davantage présidé à la classification des contraventions. Le Code pénal les divise en trois catégories d'après le degré de la peine encourue.

Ainsi, dans la première, sont réunies les contraventions punies d'une amende de un à cinq francs, et d'un emprisonnement de un à trois jours; dans la deuxième, les contraventions punies d'une amende de six à dix francs, et d'un emprisonnement de trois jours au plus; dans la troisième, enfin, les contraventions punies d'une amende de onze à quinze francs, et d'un emprisonnement de cinq jours au plus.

Et cependant, une division rationnelle apparaissait naturellement, car les contraventions nuisent ou peuvent nuire, soit aux personnes, soit aux propriétés, soit à la fois aux personnes et aux choses.

Nuisent ou peuvent nuiré aux personnes : le jet d'immondices ou de corps durs, la divagation des fous, ou des animaux malfaisants, le refus de secours, les injures, les tapages nocturnes, etc.

Nuisent ou peuvent nuire aux propriétés : le passage sur des terrains préparés ou ensemencés, le maraudage, le défaut d'échenillage, le défaut d'entretien des fours ou cheminées, etc.

Nuisent ou peuvent nuire à la fois aux personnes et aux propriétés les contraventions à la petite voirie, le dépôt de matériaux sur la voie publique, la dégradation des chemins, etc.

Quoi qu'il en soit, nous suivrons servilement la méthode adoptée par le Code pénal, et nous étudierons les contraventions dans l'ordre où elles sont indiquées.

Mais avant d'aborder cette étude, arrêtons-nous un instant sur quelques questions intéressantes.

62. En matière criminelle, la tentative qui se sera manifestée par un commencement d'exécution, si elle n'a été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme le crime même.

En matière correctionnelle, les tentatives de délits ne sont considérées comme délits que dans les cas déterminés par la

loi.

Telles sont les dispositions des articles 2 et 3 du Code pénal, qui reste muet en ce qui touche les contraventions.

Il faut donc conclure que la tentative de contravention n'étant nulle part assimilée à une contravention consommée, échappe à toute répression. Les auteurs sont d'accord sur ce point, et la Cour de cassation, par arrêts du 4 octobre 1839 et du 21 octobre 1841, a confirmé leur opinion.

63. «Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait autrement disposé. » (C. pén., art. 59).

Cet article ne parlant que des crimes ou des délits est également inapplicable aux contraventions de police. Les complices ne seront donc poursuivis et condamnés que lorsqu'une loi l'aura formellement exprimé.

La Cour de cassation a déclaré que les caractères généraux de la complicité, définis par les articles 59, 60 et 62, C. péu., ne s'appliquent qu'aux crimes et aux délits, et non aux contraventions de police. Cass. 21 avril 1826, 16 octobre 1840, 26 décembre 1857.

Dans le Code pénal, nous ne trouvons qu'un cas de complicité légalement répréhensible, celui de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité des habitants, prévu par l'article 479, § 8.

64. S'il est de principe que les fautes sont personnelles, et que chacun ne doit répondre que de celles qu'il a commises, il est également reconnu que dans certains cas on est civilement responsable du fait d'autrui.

Dans les cas de responsabilité civile qui pourront se présenter dans les affaires criminelles, correctionnelles ou de po

lice, les Cours et tribunaux, devant qui ces affaires seront portées, se conformeront aux dispositions du Code civil, livre III, titre IV, chapitre 2. » (C. pén., art. 74).

Il est bon d'avoir sous les yeux les articles du Code civil auxquels renvoie le Code pénal:

« Art. 1382. Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. >>

« Art. 1383. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »>

« Art. 1384. On est responsable, non-seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Le père et la mère, après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux; les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

« La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. >>

«Art. 1385. Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. »

«Art. 1386. Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction. >>

Nous avons étudié ces dispositions diverses dans notre premier volume, Compétence en matière civile, n° 119 et suivants, nous y renvoyons le lecteur.

Nous ajouterons cependant quelques observations.

Dans l'article 1384, in fine, nous voyons les père et mère, instituteurs et artisans, autorisés à prouver qu'ils n'ont pas pu empêcher l'acte qui engage leur responsabilité. Une telle faculté n'est pas accordée aux maîtres et aux commettants.

La garantie du commettant n'est engagée par le fait du préposé que dans les cas où celui-ci est sous sa dépendance.

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