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il ne peut pas être déclaré coupable à raison d'un fait qu'il n'exécute que machinalement et sans participation de sa yo

lonté. »

Le contrevenant doit se trouver en état de démence au moment où l'infraction a été par lui commise. C'est donc au juge de police à décider s'il y avait ou non démence à ce moment: il ne peut pas renvoyer l'examen de cette question à une autre juridiction, au tribunal civil, par exemple.

55. Comme la démence, la contrainte est une cause justificative des crimes et des délits.

La contrainte résulte d'une force physique ou morale à laquelle l'inculpé n'a pu résister. La contrainte physique est produite par l'emploi de la force brutale et matérielle; la contrainte morale, par l'influence qui pèse sur le cœur ou sur l'intelligence.

La contrainte est exclusive des contraventions. Ce principe a été reconnu par la Cour de cassation, notamment dans cet arrêt du 8 août 1840:

« Attendu que l'empêchement de force majeure fait exception, en toute matière, à la culpabilité, et que ce principe est applicable aux contraventions de police; attendu que le jugement attaqué constate que le retard qui a eu lieu dans la fermeture du spectacle de Périgueux, dans la soirée du 17 mai, après l'heure fixée par l'arrêté municipal, provient de faits étrangers au directeur du théâtre et à la troupe dramatique ; qu'ainsi la contravention n'existe pas. »

Nul doute, dès lors, pour la contrainte physique. Mais quid de la contrainte morale? Supposons un père, un mari, un maître, forçant son enfant, sa femme, son domestique, à commettre une contravention; les contrevenants seront-ils justifiés?

En matière criminelle et correctionnelle, la jurisprudence de la Cour suprême s'est affirmée pour la négative. Elle n'admet pas que la crainte révérentielle, que la soumission à l'autorité maritale, que l'obéissance aux ordres d'un chef, puisse justifier l'exécution d'un crime ou d'un délit.

Cette jurisprudence doit-elle être suivie en matière de contraventions? Nous avons peine à le croire. On comprend, à la rigueur, qu'un fils, qu'une épouse, qu'un serviteur, puisse et doive résister aux injonctions qui commandent un crime ou un délit la morale la plus élémentaire, la conscience la plus facile, permettent de reconnaître que l'acte commandé est un acte essentiellement coupable.

Mais que l'on incite à contrevenir à telle disposition des articles 471, 475, 479 du Code pénal; que l'on ordonne, par exemple, soit de déposer des ordures ménagères sur la voie publique, soit de secouer un tapis par les fenêtres, soit de passer sur un terrain préparé ou ensemencé, soit d'enlever le gazon d'un chemin public; l'obéissance à ces ordres n'implique pas que le contrevenant pouvait, devait sentir qu'il faisait un acte absolument répréhensible.

Nous n'hésitons donc pas à penser qu'en présence de la contrainte morale, l'inculpé ne peut pas être condamné. Cette opinion, nous devons le déclarer, est contraire à celle de la Cour de cassation qui a décidé, spécialement, que les domestiques sont personnellement responsables de leurs infractions aux règlements de police; et que le tribunal qui les acquitte, sous le prétexte qu'ils n'ont fait qu'obéir aux ordres de leur maître, commet un excès de pouvoir. Cass. 6 octobre 1830. 56. La démence ou la contrainte constatée, il n'y a ni crime, ni délit, ni contravention.

Mais il est des cas où le crime, le délit, la contravention existent, et cependant peuvent être excusés.

Les causes d'excuses sont spécialement déterminées par la loi en ce qui touche les crimes et les délits; on consultera à cet égard les articles 100, 108, 114, 116, 138, 144, etc. du Code pénal.

Quant aux contraventions, une seule nature d'excuses semble autorisée celle tirée de la provocation, prévue par l'article 471, § 11, et de la nécessité, prévue par le même article, § 4.

Notons-le bien, les contraventions ne peuvent être justifiées ou excusées que dans les circonstances où la loi admet formellement l'excuse ou la justification.

Aussi Blanche, Contraventions, n° 8, nous adresse ce reproche: «Ce principe est trop fréquemment oublié par les tribunaux de simple police. Il est regrettable qu'ils persistent si souvent à méconnaître les enseignements que la Cour de cassation ne cesse de leur donner à cet égard. »

Et, no 28, il ajoute: «Il est fort regrettable, je ne saurais trop le répéter, que les tribunaux de simple police transgressent si souvent cette règle et s'obstinent, malgré les censures si fréquentes de la Cour de cassation, à justifier le fait constitutif de la contravention, et par suite, à renvoyer l'inculpé des poursuites, par des considérations que la loi réprouve. Si le délinquant leur paraît digne d'indulgence, qu'ils déclarent, comme ils en ont le droit, les circonstances atténuantes; qu'ils

mitigent la peine, mais qu'ils ne prononcent pas l'acquittement de l'inculpé. »

Revenant une troisième fois sur cette observation, l'auteur dit, dans ses Etudes, II, no 248 : « Les tribunaux de simple police abusent si étrangement de la faculté d'excuser ou plutôt de justifier les contraventions, qu'il est convenable d'insister un peu plus sur les exemples qui les concernent, pour démontrer à ces tribunaux qu'ils ne peuvent, pas plus que les Cours d'assises et les tribunaux correctionnels, trouver des motifs de justification en dehors de ceux que la loi a détermi

nés. »

Puis, le savant avocat général dresse un tableau synoptique des principales excuses reconnues par le juge de police et qui ont motivé la cassation du jugement. Nous en signalons quelques-unes, nous réservant de revenir sur ce sujet, lorsque dans la Procédure pénale nous traiterons des excès de pou

voir.

Le tribunal de police ne peut relaxer un inculpé sous le pré

texte :

Que la contravention n'a causé ni inconvénient, ni préjudice;

Qu'un arrêté municipal autorise un fait défendu par la loi; cet arrêté étant illégal, et, par conséquent, sans valeur;

Que la contravention a été commise avec l'autorisation d'un fonctionnaire, d'un maire, par exemple;

Que la contravention a été commise, par suite de conventions particulières; l'article 6 du Code civil déclarant que ces conventions ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs;

Que tel règlement est d'une application difficile;

Que la contravention n'a duré que peu de temps;

Que le délinquant a exécuté par équivalent la loi ou l'arrêté;

Que le contrevenant est d'une parfaite honorabilité; qu'il est infirme, indigent, âgé, inintelligent;

Que tous les inculpés n'ont pas été poursuivis ;

Que le dommage causé par l'infraction a été réparé;
Que la partie lésée n'a pas porté plainte;

Qu'un usage généralement pratiqué autorise le fait incriminé; l'usage, quelque ancien qu'il puisse être, ne pouvant prévaloir sur l'autorité de la loi ou des règlements.

En résumé, le juge de police ne peut admettre comme causes justificatives de la contravention ou comme excuses propre

ment dites, que les faits et les circonstances auxquels la loi reconnaît expressément ce caractère.

Les faits et circonstances non acceptés par la loi comme justification ou comme excuses, mais qui paraissent atténuer l'infraction, autorisent seulement le tribunal à reconnaître les circonstances atténuantes et à mitiger la peine encourue.

Il convient, en un mot, d'appliquer aux contraventions l'article 65, C. pén., dont voici les termes : « Nul crime ni délit ne peut être excusé, ni la peine mitigée, que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable, ou permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse. »

57. L'une des excuses que les tribunaux de simple police accueillent fréquemment avec une trop grande facilité est celle qu'ils puisent dans le défaut d'intention criminelle de la part du contrevenant : dans sa bonne foi; dans son ignorance des règlements. La Cour suprême a souvent proclamé cette règle que la contravention existe en l'absence même de l'élément intentionnel; que c'est un fait matériel, brutal, qui, par cela seul qu'il est commis, réclame une répression.

«Attendu, porte un arrêt du 24 février 1860, que si l'intention coupable est un élément essentiel et constitutif des délits et des crimes, il en est autrement en matière de simple police, où la loi punit le fait matériel de la contravention, sans tenir compte de l'intention, ni de la bonne foi de son auteur. »

Le fait constitutif d'une contravention étant constaté, l'application de la loi pénale ne peut être écartée par la considération des intentions et de la moralité habituelle du contrevenant. Cass. 24 mai 1873, Droit, 20 juin 1873.

Le juge de police viole la loi, s'il acquitte un contrevenant, en fondant l'acquittement sur la bonne foi fondée elle-même sur l'autorisation illégale du maire. Cass. 11 novembre 1875, Gaz. des trib., 13 novembre 1875.

L'absence d'intention délictueuse est une excuse illégale, dès que l'imputation pénale du fait existe à l'égard du contrevenant. Cass. 25 janvier 1873, Gaz. des trib., 4 février 1873.

L'ignorance alléguée du règlement n'est pas non plus une excuse. Nul, en effet, n'est censé ignorer la loi. Dès lors l'inculpé ne peut être relaxé par le motif, qu'étranger à la commune, il ne connaissait pas le règlement. Cass. 30 mai 1867.

Spécialement, lorsqu'un arrêté défend de laisser vaguer dans les rues aucune espèce de volailles, le tribunal ne peut pas acquitter l'inculpé, sous le prétexte qu'il ignorait que cet

arrêté s'appliquât aux poules. Cass. 13 décembre 1843. Ces deux arrêts sont cités par Blanche, Etudes, II, n° 268.

Notons, toutefois, que le décret du 5 novembre 1870 permet aux tribunaux d'accueillir l'ignorance invoquée d'une loi ou d'un décret, si la contravention a eu lieu dans le délai de trois jours à partir de leur promulgation. Nous transcrivons ce décret infrà, no 298.

En résumé: « Qu'importe, disent Chauveau et Hélie, VI, p. 330, que le contrevenant prétende ne pas connaître le règlement, s'il a été régulièrement publié; avoir réparé l'infraction, si cette infraction a été commise et constatée; avoir été induit en erreur, si l'erreur même est une faute; n'avoir pas eu la volonté de commettre la contravention, si la volonté n'est pas incriminée? >>

58. La minorité de seize ans est un cas d'excuse légale. De là ces dispositions de l'article 66 du Code pénal :

«Lorsque l'accusé aura moins de seize ans, s'il est décidé qu'il a agi sans discernement, il sera acquitté; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque où il aura accompli sa ving

tième année. »>

Cette règle s'applique en matière de contravention de police. Pour prétendre le contraire, en vain dirait-on que l'article 66 ne vise que l'accusé, c'est-à-dire une personne inculpée de crime; que ledit article se trouve placé dans le titre qui traite seulement des crimes et des délits; qu'enfin ses prescriptions ne sont pas reproduites dans le chapitre consacré aux contraventions. La Cour de cassation a maintes fois renversé ces objections, en déclarant que tel jugement attaqué avait pu cider que le prévenu, âgé de moins de seize ans, et inculpé de contravention, avait agi sans discernement, et par suite, le renvoyer de la plainte, sans prononcer contre lui aucune peine.

Ce principe admis, entrons dans quelques détails.

« Il y a minorité de seize ans, tant que la seizième année n'est pas accomplie; ce n'est pas le cas d'appliquer l'adage Annus incoeptus pro completo habetur. On ne peut pas considérer comme âgé de seize ans celui qui n'est encore que dans sa seizième année; il a, il est vrai, plus de quinze ans, mais il n'a pas seize ans. » BLANCHE, Etudes, II, no 294.

La minorité se prouve par l'acte de naissance; à défaut de

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