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motif que le fait imputé à celui-ci n'aurait été préjudiciable qu'à ladite femme Gabas;

«Attendu qu'il importait peu, pour qu'il y eût lieu à l'application desdits articles 74, C.pén., et 156 du décret du 18juin 1811, qu'il ne fût résulté de dommage qu'à la personne dont le condamné était domestique; qu'il suffisait que cette personne eût été citée à comparaître, et que des frais eussent été exposés, pour que le maître fût civilement responsable et dût être maintenu en cette qualité. » Cass. 6 juillet 1872, Annales, 1873, 65.

Nous faisons bien des difficultés pour nous incliner devant cette décision qui nous paraît consacrer un principe vraiment par trop rigoureux. Et nous reproduisons, en nous les appropriant, les observations que cet arrêt a dictées à M. Million.

<< Il nous est impossible, écrit notre excellent collègue, d'approuver la doctrine ci-dessus, qui, en fait, ne tend à rien. moins qu'à consacrer une iniquité. En effet, dans l'espèce, le maître avait subi un préjudice incontestable par suite de la contravention elle-même, c'est-à-dire par suite des mauvais traitements exercés sur ses propres animaux. Il n'est pas raisonnablement admissible qu'indépendamment de ce préjudice et comme conséquence d'un arrêt de justice, ce maître ait encore à supporter les dépens d'un procès de simple police; ce serait trop le cas de dire que, dans cette affaire, c'est le battu qui paie les frais.

«En droit, cette iniquité peut-elle se justifier, et les arguments de la Cour de cassation ne reposent-ils pas sur une pétition de principes? Nous admettons bien qu'aux termes de l'article 156 du décret du 18 juin 1811, le maître puisse être condamné aux dépens à l'occasion de la contravention commise par son préposé; mais c'est à la condition, comme le dit cet article, que ce maître soit civilement responsable. Ainsi, le fait par un cocher, en conduisant la voiture de son maître, d'avoir causé un dommage, soit en faisant stationner sa voiture sur la voie publique, soit en l'obstruant, soit en abandonnant des chevaux, soit en précipitant immodérément leur allure, autoriserait assurément le juge de police à déclarer le maître civilement responsable, car il y a dans ces cas préjudice causé soit à des tiers, soit à l'intérêt général, et le maître a le devoir de répondre des faits de ses préposés agissant dans les fonctions auxquelles il les emploie.

«Mais en est-il de même alors que le préposé ne cause de

préjudice qu'à son propre maître en abusant des choses qui lui sont confiées; peut-on dire qu'il exerce, vis-à-vis de son maître, les fonctions dont il a été investi, alors qu'il détériore les animaux et choses de ce maître? Autant vaudrait dire que le serviteur qui vole son maître est dans l'exercice de ses fonctions. Cette doctrine poussée à ses dernières limites, ne tendrait à rien moins qu'à faire condamner aux frais d'un procès criminel le maître d'un domestique qui comparaîtrait. en Cour d'assises pour vol domestique, alors même que ce maître ne se serait pas porté partie civile. »

976. La peine encourue par la contravention prévue par la loi du 2 juillet 1850 est une amende de cinq à quinze francs.

L'emprisonnement peut, en outre, suivant la gravité des faits, être prononcé pendant un jour au moins et cinq jours au plus.

977. L'emprisonnement doit toujours être infligé en cas de récidive.

La récidive, suivant nous, n'existe dans la matière qui nous occupe, que si une première condamnation pour mauvais traitements envers les animaux domestiques, a déjà été prononcée dans les douze mois précédents, par le même tribunal.

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978. Les circonstances atténuantes sont admises. Elles permettent de modérer la peine, même en cas de récidive. 979.-Sous le nom de Société protectrice des animaux, il s'est fondé, en 1845, une société qui a pris pour devise les quatre mots: justice, compassion, hygiène, morale. Elle a pour but de provoquer, d'encourager et de tenter de réaliser toutes les mesures capables de soustraire les animaux à de mauvais traitements, tout ce qui peut améliorer les conditions de leur travail industriel ou agricole.

Reconnue établissement d'utilité publique par décret du 22 décembre 1860, cette Société compte de nombreux adhé

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Moyennant une cotisation annuelle de dix francs, toute personne, sans distinction de sexe, de résidence et de nationalité, peut être agréée comme membre de la Société.

Tous les membres de la Société reçoivent une carte verte portant au recto leur nom, et au verso le texte de la loi du 2 juillet 1850. Cette carte leur donne le droit de requérir, dans les cas de contravention à la loi Grammont, l'intervention des agents de la police municipale, qui ont seuls le droit de verbaliser.

Des dons et des legs importants ont été faits à cette société. L'un d'eux mérite d'être signalé:

En 1861, M. le commandant Da Gama Machado a légué 20,500 francs. Le revenu de 10,000 francs prélevé sur ce legs a pour objet spécial l'entretien à l'angle du pont des SaintsPères, à Paris, d'un préposé chargé de prévenir les infractions à la loi de 1850. L'exécution de cette clause a commencé le 11 mars 1872.

Le siége de la Société protectrice des animaux est à Paris, rue de Lille, no 19.

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CHAPITRE XI.

TRAVAIL DES ENFANTS ET DES FILLES MINEURES
EMPLOYÉS DANS L'INDUSTRIE.

Loi des 22 février-4 mars 1851. — Loi du 19 mai 1874.

SOMMAIRE.

980. La loi de 1851 est-elle abrogée par celle de 1874? 981. Loi de 1851, art. 20. Contraventions prévues.

982. Loi de 1851, art. 4. Maître mineur.

983. Loi de 1851, art.

5. Maître célibataire, veuf.

984. Loi de 1851, art. 6. Maître condamné.

985. Loi de 1851, art. 10. Instruction aux apprentis.

986. Loi de 1851, art. 9. Durée du travail; travail de nuit; dimanches et fètes.

987. Cet article 9 est abrogé.

987 bis. Loi de 1874, art. 2. Age des enfants.

988. Loi de 1874, art. 3. Durée du travail.

989. Loi de 1874, art. 4. Travail de nuit.
990. Loi de 1874, art. 5. Dimanches et fêtes.
991. Compétence du tribunal correctionnel.
992. Résumé. Compétence du juge de police.
993. Pénalité.

994. Cumul des amendes.

995. Récidive.

996. Circonstances atténuantes.

997. Compétence territoriale.

998. Loi du 22 mars 1841, abrogée.

980. Les tribunaux de simple police connaissaient seuls de toutes les infractions à la loi des 22 février-4 mars 1851, relative à l'apprentissage.

Nous disons connaissaient, car la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l'industrie, modifie la juridiction, en rendant applicables à l'apprentissage plusieurs de ses dispositions.

La loi de mai 1874 n'a pas, suivant nous, complétement abrogé la loi de 1851. Et, en effet, l'article 30 de la loi de 1874 dit, in fine : « La loi du 22 février 1851 continuera à recevoir son exécution dans ses autres prescriptions. »

Dans certains cas, le juge de police est donc encore compétent. Nous allons essayer de le démontrer en rapprochant ces deux lois, et en recherchant quelles contraventions réprime la loi de 1851, et quelles prescriptions la loi de 1874 déclare communes aux apprentis.

981.« Toute contravention aux articles 4, 5, 6, 9 et 10 de la présente loi sera poursuivie devant le tribunal de police et punie d'une amende de cinq à quinze francs. » (L. 1851, art. 20).

982.-Quelles infractions sont punies par ces articles?

<< Nul ne peut recevoir des apprentis mineurs, s'il n'est âgé de vingt et un ans au moins. » (L. 1851, art. 4).

La loi de 1874 est muette sur ce point. Donc, l'article 4 de la loi de 1851 n'est pas abrogé. Donc, le mineur de vingt et un ans qui reçoit des apprentis mineurs commet une infraction justiciable du tribunal de police.

983. «Aucun maître, s'il est célibataire ou en état de veuvage, ne peut loger, comme apprenties, des jeunes filles mineures.» (L. 1851, art. 5).

La loi de 1874 est muette sur ce point. Donc, le célibataire ou le veuf qui loge des apprenties mineures commet une infraction justiciable du tribunal de police.

984. Sont incapables de recevoir des apprentis:

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« Les individus qui ont subi une condamnation pour crime;

« Ceux qui ont été condamnés pour attentat aux mœurs; « Ceux qui ont été condamnés à plus de trois mois d'emprisonnement pour les délits prévus par les articles 388, 401, 406, 407, 408, 423 du Code pénal.» (L. 1851, art. 6).

ap

La loi de 1874 est muette sur ce point. Donc, le maître condamné pour l'un des faits ci-dessus visés, et qui reçoit des prentis, commet une infraction justiciable du tribunal de police. 985.« Si l'apprenti âgé de moins de seize ans ne sait pas lire, écrire et compter, ou s'il n'a pas encore terminé sa première éducation religieuse, le maître est tenu de lui laisser'

prendre, sur la journée de travail, le temps et la liberté nécessaires pour son instruction. Néanmoins, ce temps ne pourra pas excéder deux heures par jour.» (L. 1851, art. 10).

La loi de 1874, dans ses articles 8 et 9 prescrit bien dés mesures nécessaires pour que l'on puisse s'assurer que les enfants employés dans l'industrie suivent une école jusqu'à un âge déterminé; mais elle ne rend pas applicables aux apprentis ces utiles prescriptions.

On est en droit de s'étonner de cette lacune de la loi de 1874; on ne comprend pas qu'elle ait négligé d'étendre à l'apprentissage ses articles 8 et 9. Voici, en effet, dans quels termes s'exprimait M. Tallon, rapporteur:

« L'extension que nous donnons à la protection légale sur tous les enfants employés dans l'industrie aura encore pour effet de réparer en matière d'instruction l'erreur funeste commise par l'article 10 de la loi de 1851.

« Cet article de loi abandonne à la volonté de l'apprenti la fréquentation de l'école; son patron est seulement tenu de lui laisser libre, sur sa journée de travail, le temps nécessaire pour suivre les classes, et ce temps est limité à deux heures. Or, certains patrons, ignorants eux-mêmes, se soucient peu de garder un apprenti ne travaillant que huit heures effectives au lieu de dix que la même loi les autorise à l'employer. Aussi, dès que son engagement a été souscrit, loin de pousser l'enfant à se rendre à l'école, ils l'en détournent, et celui-ci n'est guère disposé lui-même à provoquer un mécontentement en usant d'un droit dont il ne comprend pas toute la valeur. Par suite de cette disposition défectueuse de la loi, le patron ne peut sans doute pas refuser la permission à l'apprenti d'user du temps nécessaire à son instruction, mais il attend une demande qu'arrêtent le plus souvent sur ses lèvres l'indifférence ou la crainte.

« D'après la loi nouvelle, au contraire, l'initiative de l'instruction de l'enfant est confiée au patron; il doit exiger du jeune cuvrier ou de l'apprenti la justification de la fréquentation de l'école; ainsi, au lieu de mésuser de son autorité en l'abandonnant à l'ignorance, il s'en servira dans un but utile; et bientôt nous aurons fait un grand pas en avant vers le progrès si désirable de l'instruction populaire. >>>

Le législateur de 1874 a oublié ces paroles du rapporteur, en ce qui touche les apprentis; car, nous le répétons, il ne leur rend pas communes les dispositions des articles 8 et 9 de la loi nouvelle.

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